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14/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17689

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2004, 17689


Tribunal administratif N° 17689 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … sàrl, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17689 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2004 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à responsabilitÃ

© limitée … sàrl, entreprise de construction, établie à L-… , tendant à la réformation de la ...

Tribunal administratif N° 17689 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … sàrl, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17689 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2004 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à responsabilité limitée … sàrl, entreprise de construction, établie à L-… , tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 17 octobre 2003 portant refus de l’autorisation de procéder au remblai de fonds sis au lieu-dit « Kimm », inscrits au cadastre de la commune de Rambrouch, ancienne commune de Bigonville, section BA de Bigonville, sous les numéros 1237/1, 1238/1, 1246 et 1248/6576, ainsi que de la décision confirmative de refus du 5 décembre 2003 intervenue sur recours gracieux du 9 novembre 2003 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions ministérielles déférées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pol URBANY en ses plaidoiries à l’audience publique du 7 juillet 2004 à l’issue de laquelle une visite des lieux a été fixée.

Vu la visite des lieux du 9 juillet 2004 à l’issue de laquelle l’affaire a été prise en délibéré.

Considérant qu’en date du 23 mai 2003, la société à responsabilité limitée … sàrl, ci-après « la société … » a présenté auprès du ministère compétent une autorisation tendant au remblai de fonds sis au lieu-dit « Kimm », inscrits au cadastre de la commune de Rambrouch, ancienne commune de Bigonville, section BA de Bigonville, sous les numéros 1237/1, 1238/1, 1246 et 1248/6576 suivant plans fournis en son annexe ;

Que suivant décision du 17 octobre 2003 du ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, l’autorisation sollicitée a été refusée en vertu de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles au motif que : « votre projet serait de nature à porter préjudice à la beauté et à la valeur biologique du site et serait dès lors contraire à l’esprit de la loi du 11 août 1982… » ;

Que sur recours gracieux qualifié de très urgent fourni le 9 novembre 2003 le même secrétaire d’Etat de statuer par décision du 5 décembre 2003 en ces termes : « … je vous soumets en annexe l’avis du responsable de l’administration de l’Environnement avis auquel je me rallie. Je maintiens dès lors ma décision négative du 17 octobre 2003. » Que l’avis annexé du directeur adjoint de l’administration de l’Environnement, division des déchets, daté du 25 novembre 2003 est libellé comme suit :

« 1. Les remarques de Maître Pol URBANY formulées au point I.1. ne tiennent pas compte du fait que la société … sàrl a signé l’attestation d’exécuter les travaux conformément au bordereau de soumission concernant le réaménagement du carrefour formé par les CR.310 et 311 à Flatzbour et plus particulièrement la position 02.045 « Evacuation des déblais en excès vers la décharge située à Nothum. » 2. D’après les informations reçues par les responsables de l’Administration des Ponts et Chaussées, seulement 15.000 m3 de terres devront être transportés vers la décharge à Nothum et non pas 35.690 m3 comme indiqué dans le recours gracieux formulé par Maître Pol URBANY et ceci en raison du fait que la moitié des terres enlevées pourra être réutilisée lors du réaménagement de la chaussée.

3. Il semble évident que la société … sàrl veut éviter la décharge public à Nothum, ceci en voulant utiliser le remblai à Rambrouch/Bigonville, remblai pouvant accueillir plus que le double de terres déblayées ».

Considérant que par requête déposée en date du 3 mars 2004 la société … a fait introduire un recours en réformation dirigé contre les décisions ministérielles précitées des 17 octobre et 5 décembre 2003 ;

Considérant que l’Etat n’ayant pas comparu en ce sens qu’aucun mémoire n’a été déposé en son nom dans les délais légaux, le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Considérant que les deux décisions ministérielles déférées ont été prises sous l’empire de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, laquelle a été abrogée à travers la loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles entrée en vigueur 4 jours après sa publication au mémorial, le 29 janvier 2004, à défaut de disposition contraire y prévue ;

Considérant que l’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 ayant prévu un recours de pleine juridiction en la matière, relayé par l’article 58 de la loi du 19 janvier 2004, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit ;

Que ce recours est également recevable pour avoir été fourni suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant que dans le cadre du recours en réformation la société … sollicite en ordre principal l’annulation des décisions déférées pour absence de motifs légaux ;

Qu’elle conteste les motifs invoqués par le ministre quant à leur caractère pertinent en ce que tel que conçu le remblai projeté ne serait pas susceptible de porter atteinte à la beauté du paysage ;

Que la valeur biologique mise en avant par le ministre serait un terme étranger à la loi modifiée du 11 août 1982 précitée ;

Que par ailleurs il n’y aurait aucun danger pour les ressources naturelles protégées par ladite loi ;

Qu’enfin les motifs avancés à la base de la décision déférée intervenue sur recours gracieux seraient étrangers à la même loi modifiée du 11 août 1982 ;

Considérant que dans la mesure où dans le cadre du recours en réformation la société demanderesse conclut en ordre principal à l’annulation des décisions ministérielles déférées pour absence de motifs légaux les soutenant, le tribunal est amené à porter d’abord son analyse aux dates respectives où ces décisions ont été prises, soit à une époque où la loi modifiée du 11 août 1982 était encore en vigueur ;

Que dans le cadre du recours en réformation, dans l’hypothèse d’une carence constatée au regard de la loi de 1982, le tribunal sera ensuite amené à analyser si l’absence de motifs légaux se vérifie encore au regard de la législation nouvelle en vigueur au jour où il statue ;

Considérant que face à une demande d’autorisation de procéder à un remblai le ministre, dans le cadre de ses compétences lui dévolues, a été amené à statuer par rapport aux dispositions de ladite loi modifiée du 11 août 1982 et plus particulièrement de ses articles 1er et 36 ;

Considérant qu’il est patent que les motifs invoqués à la base de la décision ministérielle du 5 décembre 2003, prérelatée, ayant trait à l’exécution du marché public conclu entre l’Etat et la société …, sont étrangers aux dispositions de la loi modifiée du 11 août 1982 et ne sauraient dès lors justifier un refus du ministre de l’Environnement face à une autorisation de procéder à un remblai tombant sous les prévisions de la législation sur la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Considérant que le premier motif de refus tiré de la loi modifiée du 11 août 1982 par la décision déférée du 7 octobre 2003 consiste dans le préjudice allégué porté à la beauté du site ;

Considérant que le site en question, situé près du lieu-dit « Um Kimm » que le tribunal a pu appréhender lors de la visite des lieux, se présente pour l’essentiel sous la forme d’une cuvette étirée s’étendant entre la route nationale 23 et les hauteurs du lieu-dit « Kalemder » Que d’après les plans versés, la société … propose non pas un « remplissage » de la cuvette avec aplanissement subséquent suivant un même niveau, mais un remblai d’une consistance de plus ou moins 2 mètres devant épouser la topographie existante ;

Considérant que s’il est patent qu’en cours de remblayage la beauté du site sera provisoirement altérée, ce phénomène est inhérent à toute opération de remblayage et ne saurait justifier en principe un refus d’autorisation, sauf circonstances d’exception non invoquées en l’espèce ;

Considérant que du fait du remplacement de la végétation existante et du respect de la topographie de l’endroit, l’opération de remblai, une fois effectuée, n’accuse pas, suivant les donnés constantes du dossier, un effet vérifié de nature à porter préjudice à la beauté du site ;

Considérant que le second motif de refus est tiré (par la décision déférée du 7 octobre 2003) du préjudice allégué porté par le projet de la société … à la valeur biologique du site ;

Considérant que s’il est vrai que le législateur, à travers la loi modifiée du 11 août 1982, n’a pas employé tels quels les termes de valeur biologique, il n’en reste pas moins que dans l’esprit de la loi et suivant le sens commun à attribuer à ces mots, ceux-ci se recouvrent grosso modo avec les ressources naturelles à protéger par l’article 36 de la loi modifiée du 11 août 1982, ainsi que la demanderesse l’a d’ailleurs perçu à travers son argumentaire présenté ;

Considérant que sur question spéciale posée lors de la visite lieux, le représentant de l’Etat, garde forestier compétent notamment pour les terrains concernés, n’a pas indiqué d’élément particulier de valeur biologique à l’endroit où le remblai est projeté par la société … ;

Qu’en l’état tout préjudice porté à la valeur biologique du site laisse dès lors également d’être vérifié ;

Considérant que les dispositions de l’article 36 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée ont été reprises telles quelles par l’article 56 de la loi du 19 janvier 2004, tandis que celles de l’article 1er de ladite loi de 1982 se retrouvent en substance reprises par l’article 1er de la nouvelle loi, sans que cette dernière, à son tour, ne prévoie expressément le critère de valeur biologique, encore qu’elle ait pour objectif le maintien et l’amélioration des équilibres et de la diversité biologiques, tout en reprenant celui de la protection des ressources naturelles contre toutes les dégradations ;

Que sous ces derniers aspects aucun motif légal ne se dégage non plus des éléments actuellement versés au dossier ;

Considérant qu’en l’absence de mémoire déposé pour compte de l’Etat et à défaut de motifs de refus vérifiés sous-tendant légalement la décision ministérielle déférée, celle-ci encourt l’annulation, suivant les conclusions principales de la demanderesse, pour absence de motifs légaux.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant dans le cadre du recours en réformation, annule les décisions ministérielles déférées et renvoie l’affaire devant le ministre de l’Environnement en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17689
Date de la décision : 14/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-14;17689 ?

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