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14/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17637

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2004, 17637


Tribunal administratif N° 17637 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … (F) contre une décision implicite de refus de la ministre de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en matière de contestations concernant la qualité d’employé au service de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17637 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 février 2004 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tabl

eau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, archéologue, demeurant à...

Tribunal administratif N° 17637 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … (F) contre une décision implicite de refus de la ministre de la Culture, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche en matière de contestations concernant la qualité d’employé au service de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17637 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 février 2004 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, archéologue, demeurant à F-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation principalement de la décision implicite de refus découlant du fait que sa demande du 14 octobre 2003 en obtention d’un contrat d’employé au service de l’Etat à durée indéterminée a été rencontrée le 13 janvier 2004 par la soumission d’un contrat d’expert à durée déterminée, subsidiairement de la décision implicite de refus découlant du silence observé pendant plus de trois mois par l’Etat suite à sa prédite demande du 14 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 mai 2004 par Maître Roland ASSA au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées au dossier ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jeanne FELTGEN, en remplacement de Maître Roland ASSA, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 juin 2004.

Considérant que par contrats d’expert successifs des 27 février 2001, 24 décembre 2001 et 22 décembre 2002, Monsieur … a été désigné pour effectuer des travaux scientifiques pour compte du Musée national d’histoire et d’art (M.N.H.A) pour la durée déterminée de la période du 1er mars au 31 décembre 2001, puis des années civiles respectives 2002 et 2003, suivant l’indemnité horaire y respectivement fixée, le maximum d’heures de prestation ne pouvant dépasser le nombre de 1473, pour l’année entamée 2001, puis de 1768 pour les années subséquentes ;

Que par courrier de son mandataire du 14 octobre 2003, adressé à la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche désignée ci-après par « la ministre », Monsieur … a sollicité, pour les raisons y plus amplement exposées, un engagement à durée indéterminée suivant contrat d’employé au service de l’Etat ;

Que la ministre de prendre position suivant écrit du 28 octobre 2003 libellé comme suit :

« Monsieur l’avocat, J’ai bien reçu votre courrier au sujet des contrats dont objet.

Vos mandants vous ont peut-être informé du fait que je m’engage depuis des années afin d’obtenir, notamment par la voie budgétaire, des contrats de travail pour tous les experts en relation professionnelle permanente avec mon Ministère.

Malheureusement, le Gouvernement n’y a pas encore donné son feu vert à ce jour.

Forte de votre initiative et de vos arguments, je tenterai une nouvelle fois ma démarche, ceci dans le cadre de la finalisation du budget de l’Etat pour 2004.

Dès que les décisions seront prises en la matière, je vous en informerai.

Je vous prie de croire, Monsieur l’avocat, en l’expression de mes salutations distinguées. » ;

Qu’ayant été informé qu’à défaut de soumettre au ministère une offre de prestation pour l’année 2004, pareillement à celles fournies pour les années antérieures, aucun travail ne pourrait lui être conféré à partir du 1er janvier 2004, Monsieur … a fait parvenir au directeur du M.N.H.A une offre datée du 8 décembre 2003, tout en précisant que celle-ci était faite sans reconnaissance préjudiciable, ni renonciation aucune et dans le seul but d’obtenir la rétribution de ses prestations ;

Qu’un nouveau contrat d’expert pour l’année 2004, daté du 29 décembre 2003, a été signé par Monsieur … en date du 15 janvier 2004 est pourvu d’un courrier d’accompagnement du même jour adressé à la ministre, libellé comme suit :

« Madame la Ministre, Je me permets de vous adresser la présente pour porter à votre connaissance ce qui suit :

En date du 12 janvier 2004, je me suis vu soumettre par Monsieur Guy MASSARD, administrateur du Musée National d’Histoire et d’Art, le « contrat d’expert » ci-joint avec la précision que, conformément à l’indication que lui-même avait reçu de la part de Monsieur… , contrôleur financier auprès de votre ministère, ce contrat était à restituer dûment signé par mes soins pour jeudi, le 15 janvier 2004 au plus tard, faute de quoi le paiement de mes traitements était bloqué.

Alors qu’il ne m’est pas possible de me passer de la rémunération de mon travail et pour cette seule raison, j’ai signé aujourd’hui-même ledit contrat.

Estimant, au regard des motifs qui vous ont été exposés par Me Roland ASSA dans son courrier recommandé du 14 octobre 2003, qu’un contrat de travail à durée indéterminée me lie d’ores et déjà à l’Etat, m’apprêtant par ailleurs à faire confirmer cette analyse par les tribunaux compétents.

je souligne que la signature susmentionnée n’implique ni reconnaissance préjudiciable, ni renonciation aucune, que ce soit par rapport à un droit, un moyen ou une action dont je disposerais dans le contexte litigieux.

En vous souhaitant bonne réception, je vous adresse, Madame la Ministre, mes salutations distinguées. » ;

Considérant que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 février 2004 Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de refus implicite découlant du fait de la transmission d’un contrat d’expert à sa demande du 14 octobre 2003 précitée, dans le sens de l’octroi d’un contrat d’employé au service de l’Etat, sinon subsidiairement de la décision implicite de refus découlant de l’absence de décision valant silence face à cette demande du 14 octobre 2003 avec demande de réformation dans le même sens ;

Quant à la compétence du tribunal saisi Considérant que la partie demanderesse conclut à la compétence du tribunal pour connaître du recours actuellement déféré en vertu des dispositions de l’article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, étant donné qu’il résulterait de l’ensemble des éléments fournis au dossier qu’il se trouverait lié à l’Etat par une relation de travail à durée indéterminée, situation qui serait à régulariser par la conclusion d’un contrat d’employé au service de l’Etat, étant constant que la partie publique continuerait à nier la réalité factuelle et juridique existant en l’espèce ;

Que pour le cas où il conviendrait de retenir, à partir des éléments de l’espèce, l’existence de contestations résultant du contrat d’emploi, la partie demanderesse déclare agir en réformation des décisions déférées sur base dudit article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 ;

Considérant que le délégué du Gouvernement « se rapporte à prudence de justice, tout en soulignant que les intéressés, par la signature des contrats d’experts successifs, ont clairement exprimé leur volonté de se voir liés à l’Etat non par un contrat d’employé de l’Etat à durée indéterminée, mais par un contrat d’expert à durée déterminée. A remarquer par ailleurs qu’il n’y a aucun lien de subordination entre les requérants et l’Etat » ;

Considérant que le fait pour la partie publique de se rapporter à prudence de justice équivalant à une contestation et le tribunal étant amené à vérifier d’office sa compétence d’attribution, il convient en premier lieu d’analyser la compétence ratione materiae du tribunal face au recours lui actuellement soumis ;

Considérant que la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée, dispose en son article 11.1 que « les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond. Le délai de recours est de trois mois à partir de la notification de la décision » ;

Que suivant les dispositions de l’article 2 de la même loi « la qualité d’employé de l’Etat est reconnue à toute personne qui remplit les conditions prévues par la présente loi et qui est engagée par l’Etat sous contrat d’employé pour une tâche complète ou partielle et à durée déterminée ou indéterminée dans les administrations et services de l’Etat » ;

Considérant que les conditions à remplir suivant l’article 2 prérelaté en vue d’accéder à la qualité d’employé de l’Etat se retrouvent à l’article 3 de la même loi, libellé comme suit : «Nul n’est admis au service de l’Etat en qualité d’employé s’il ne remplit les conditions suivantes :

a) être de nationalité luxembourgeoise, b) jouir des droits civils et politiques, c) offrir les garanties de moralité requises, d) satisfaire aux conditions d’aptitude requises pour l’exercice de son emploi e) faire preuve d’une connaissance adéquate des trois langues administratives telles que définies par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues, sauf pour les emplois, à déterminer par règlement grand-ducal, pour lesquels la connaissance de l’une ou de l’autre de ces langues n’est pas reconnue nécessaire en raison de la nature et du niveau de responsabilité de ces emplois.

La condition de la nationalité ne s’applique pas à l’égard des ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne qui sont candidats aux emplois dans les secteurs - de la recherche, - de l’enseignement, - de la santé, - des transports terrestres, - des postes et télécommunications, - de distribution de l’eau, du gaz et de l’électricité sauf dans les cas où ces emplois comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres personnes morales de droit public. Un règlement grand-ducal peut préciser les modalités et critères d’application du présent alinéa. » ;

Considérant que la compétence d’attribution du tribunal s’apprécie en la matière au regard des contestations soulevées découlant du contrat d’emploi suivant l’article 11 (1) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 prérelaté, contestations elles-mêmes circonscrites à travers l’objet du recours introduit ;

Considérant que l’objet de l’action est le résultat que le plaideur entend obtenir (Cour adm. 15 mars 2001, n° 12138C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 136, p. 524 et autres décisions y citées);

Considérant que suivant ses propres affirmations et d’après le libellé même du dispositif de sa requête introductive d’instance, le demandeur sollicite, par réformation, l’octroi d’un contrat d’employé au service de l’Etat et non point l’accès au régime de l’employé de l’Etat ;

Que force est encore au tribunal de retenir à partir des propres affirmations de Monsieur … que celui-ci déclare expressément ne pas remplir une des conditions prévues par la loi en vue de l’accès au régime de l’employé de l’Etat, à savoir celle du point e) de l’article 3 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 prérelaté concernant la connaissance adéquate des trois langues administratives du Grand-Duché ;

Considérant que plus particulièrement au niveau de la compétence du tribunal administratif, eu égard aux exigences des articles 84 et 95bis de la Constitution, il convient de distinguer, d’une part, les employés de l’Etat, faisant partie de l’ensemble des employés publics et, d’autre part, les employés au service de l’Etat, qui ne remplissent pas toutes les conditions pour accéder au régime de l’employé de l’Etat et qui sont dès lors à qualifier d’employés privés ;

Que si à travers l’article 11 (1) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 prérelaté le tribunal administratif a compétence en matière d’employés de l’Etat, ce sont les juridictions judiciaires et plus particulièrement les tribunaux du travail qui sont compétents en matière d’employés privés, encore que leur employeur soit l’Etat grand-

ducal ;

Considérant que s’il est vrai qu’à la suite de la loi du 8 août 1988 modifiant a) la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création des chambres professionnelles à base élective ainsi que b) la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, on pouvait admettre à l’époque que la catégorie des employés au service de l’Etat, employés privés, avait cessé d’exister, sauf ceux engagés avant le 15 juillet 1988 tombant sous le coup de la disposition transitoire de l’article 15 de ladite loi modifiée du 27 janvier 1972, y introduit par ladite loi du 8 août 1988, cette affirmation ne se vérifie plus à l’heure actuelle ;

Qu’en effet, à l’époque et jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi modificative du 17 mai 1999 concernant l’accès des ressortissants communautaires à la fonction publique luxembourgeoise, ladite loi du 27 janvier 1972 prévoyait entre autres que pour accéder au régime de l’employé de l’Etat, il fallait être de nationalité luxembourgeoise ;

Considérant que ladite loi du 17 mai 1999 a expressément prévu au niveau de la législation nationale la possibilité d’accès au régime de l’employé de l’Etat de ressortissants communautaires non luxembourgeois, sous condition notamment de remplir les exigences prévues dorénavant par le point e) de l’article 3 prérelaté tenant à la connaissance adéquate des trois langues administratives du pays ;

Que dès lors le fait de ne pas remplir cette condition linguistique, même en remplissant par ailleurs toutes les autres conditions pour l’accès au régime de l’employé de l’Etat équivaut à voir retenir la qualité d’employé privé au service de l’Etat, tel que précisément sollicité par le demandeur ;

Qu’il s’ensuit que le tribunal est amené à se déclarer incompétent ratione materiae pour connaître du recours ;

Considérant que le demandeur sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 3000 € ;

Considérant que compte tenu de l’issue du litige la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à écarter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours ;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

laisse les frais à charge du demandeur ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17637
Date de la décision : 14/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-14;17637 ?

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