La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17364

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2004, 17364


Tribunal administratif N° 17364 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2003 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la Croix Rouge luxembourgeoise en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17364 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 2003 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m des époux … et …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulat...

Tribunal administratif N° 17364 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2003 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la Croix Rouge luxembourgeoise en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17364 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 2003 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … et …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, du 14 novembre 2003 accordant à la Croix Rouge luxembourgeoise l’autorisation de procéder à l’aménagement provisoire d’un centre équestre sur un fonds sis à Contern, au lieu-dit « Kréintgeshaff », sous les conditions y plus amplement énumérées ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 24 décembre 2003 portant signification de ce recours à la Croix Rouge luxembourgeoise, établissement d’utilité publique, établi et ayant son siège social à Luxembourg, 44, boulevard Joseph II ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 mars 2004 par Maître Alain RUKAVINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Croix Rouge luxembourgeoise ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 19 mars 2004 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Georges KRIEGER ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2004 par Maître Georges KRIEGER au nom des époux …-… ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Alain RUKAVINA ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 mai 2004 par Maître Alain RUKAVINA au nom de la Croix Rouge luxembourgeoise ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 17 mai 2004 portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Georges KRIEGER ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Georges KRIEGER et Annick BRAUN, en remplacement de Maître Alain RUKAVINA, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mai 2004 à l’issue de laquelle une visite des lieux a été instituée ;

Vu la visite des lieux du 25 juin 2004 ;

Vu la demande de Maître KRIEGER du 28 juin 2004 tendant à être autorisé à verser un troisième mémoire après visite des lieux ;

Vu l’ordonnance du président de la première chambre du 29 juin 2004, impartissant des délais aux parties en vue de fournir un itératif mémoire après visite des lieux ;

Vu le mémoire ampliatif déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 juillet 2004 par Maître Georges KRIEGER, au nom des époux … et … ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire ampliatif à Maître Alain RUKAVINA ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 juillet 2004 par Maître Alain RUKAVINA au nom de la Croix Rouge luxembourgeoise ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire complémentaire à Maître Georges KRIEGER ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Georges KRIEGER et Annick BRAUN, en remplacement de Maître Alain RUKAVINA, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 juillet 2004.

Considérant que par décision datée du 14 novembre 2003 adressée au bureau d’architecture …, le ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, a conféré à la société de la Croix Rouge luxembourgeoise, établissement d’utilité publique désigné ci-après par « la Croix Rouge » l’autorisation suivante : « En réponse à votre requête du 27 octobre 2003 par laquelle vous sollicitez l’autorisation de procéder à l’aménagement provisoire d’un centre équestre sur un fonds sis à Contern, au lieu-dit « Kréintgeshaff », j’ai l’honneur de vous informer qu’en vertu de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je vous accorde l’autorisation sollicitée aux conditions suivantes :

1. les constructions provisoires seront enlevées dans un délai de deux ans à partir de la date de la présente ;

2. seules les constructions figurant sur le plan établi par le bureau d’études … du 02.07.2003 pourront être érigées. » ;

Considérant que par requête déposée en date du 23 décembre 2003 les époux … et …, préqualifiés, ont fait déposer un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle prérelatée du 14 novembre 2003 ;

Considérant qu’encore qu’il se soit vu communiquer le recours par la voie du greffe, l’Etat n’a pas comparu en ce sens qu’aucun mémoire n’a été déposé dans les délais légaux en son nom, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire ;

Considérant que tant la décision ministérielle déférée que le recours sous analyse ont été posés sous l’empire de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Considérant que ladite loi modifiée du 11 août 1982 prévoyant à travers son article 38 un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire, est irrecevable ;

Considérant que la Croix Rouge luxembourgeoise se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en réformation en la pure forme, tout en contestant l’intérêt à agir dans le chef des demandeurs ;

Qu’elle fait valoir que ceux-ci n’ont pas élu domicile au « Kréintgeshaff » mais à Luxembourg-Ville et que les installations litigieuses ne seraient pas érigées à proximité immédiate du terrain … au « Kréintgeshaff » ;

Que compte tenu de l’emplacement de la maison … les demandeurs n’auraient même pas forcément une vue directe sur les installations provisoires autorisées et qu’ils manqueraient en toute occurrence de faire valoir un intérêt personnel concret distinct de l’intérêt général qu’ils invoquent ;

Considérant que toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général ;

Que si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation, constituant un indice pour établir l’intérêt à agir, ne suffit pas par elle seule pour le fonder, étant donné qu’il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisins (cf. trib. adm. 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle confirmé par Cour adm. 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 19, page 499 et autres décisions y citées) ;

Considérant qu’il est constant que la propriété …-… au « Kréintgeshaff » est directement attenante à l’ancienne propriété …, dont la Croix Rouge luxembourgeoise est actuellement propriétaire et par rapport à laquelle l’autorisation déférée a été délivrée ;

Que si, compte tenu de la végétation séparant les deux propriétés, une vue directe sur les éléments autorisés à travers la décision ministérielle déférée n’a pas pu être établie à partir des rez-de-chaussée et jardin des demandeurs … lors de la visite des lieux, il n’en reste pas moins qu’une vue oblique existe à partir du premier étage de la maison …-… vers les parties du domaine de la Croix Rouge appelées à accueillir les éléments autorisés de ce côté de la propriété (« Stall, Mistcontainer, Paddock, 2 Longierzirkel ») ;

Qu’en tant que propriétaires, voisins immédiats ayant une vue oblique, du moins partielle sur les éléments autorisés à travers la décision ministérielle déférée, les demandeurs justifient dès lors d’un intérêt à agir suffisant en l’occurrence ;

Considérant qu’au titre de la recevabilité la Croix Rouge critique encore le recours en ce qu’il tend à voir dire qu’elle n’aurait pas une autorisation de procéder à l’aménagement définitif d’un centre équestre sur le terrain dont il s’agit, en ce que cette prétention excéderait le cadre de ce qui a été arrêté à travers la décision ministérielle déférée ;

Considérant que la question ainsi soulevée par la Croix Rouge touche à la délimitation de l’objet du litige et partant au fond de l’affaire, de sorte qu’il n’y a pas lieu de la toiser à ce stade ;

Considérant que le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Considérant qu’au fond, les demandeurs déclarent s’étonner de la célérité exceptionnelle avec laquelle le dossier sous rubrique a été toisé au niveau administratif, tout en concluant à une violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ;

Qu’au vu de l’ampleur du projet et de l’unique beauté du site décrite par les demandeurs comme tenant notamment à la tranquillité et à la qualité de vie des riverains, le ministre de l’Environnement aurait dû, selon eux, donner la possibilité aux voisins directs de faire valoir leurs droits, sinon de faire connaître leurs observations ;

Considérant que l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité dispose que « lorsqu’une décision administrative est susceptible d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l’autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens.

Dans la mesure du possible, l’autorité administrative doit rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision.

Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations.

La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations. » ;

Considérant que le moyen proposé n’effleure que le premier alinéa dudit article 5, ce volet restant sans incidence en l’espèce, étant donné que la sanction adéquate résultant du défaut, par l’administration, de conférer une publicité adéquate à la décision, est celle de la suspension des délais de recours jusqu’à due communication de ladite décision ;

Considérant que le moyen vise directement les alinéas 2 et 3 dudit article 5 en ce que les demandeurs en tant que tiers intéressés n’auraient pas eu la possibilité de présenter leurs observations préalablement à la prise de décision par l’administration ;

Considérant qu’eu égard aux exigences tenant au respect des droits de la défense de l’administré et à l’aménagement, dans la mesure la plus large possible, de sa participation à la prise de la décision, l’omission par l’administration de donner aux administrés la possibilité de présenter leurs observations préalablement à la prise d’une décision constitue une omission d’une formalité substantielle dont la sanction appropriée est a priori l’annulation de la décision administrative ;

Considérant que si pourtant l’administré a pu exposer l’ensemble de ses doléances et démontrer à suffisance le contenu des propositions concrètes tendant à voir prendre une décision différente de celle critiquée, il ne justifie d’aucun grief concret justifiant l’annulation de la décision pour inobservation des formalités de publicité préalablement à la prise de la décision (cf. trib. adm. 4 mai 1998, n° 10257 du rôle, Pas. adm., V° Procédure administrative non contentieuse, n° 77, page 584) ;

Considérant que par essence, dans le cadre d’un recours de pleine juridiction ouvert devant le tribunal administratif, l’administré est admis à présenter l’ensemble de ses doléances et à développer des propositions concrètes tendant à voir prendre une décision différente de celle par lui critiquée à travers son recours, dans le cadre des dispositions légales et réglementaires régissant la matière dont il s’agit ;

Considérant qu’encore que la position essentielle avancée par les demandeurs consiste à nier la compatibilité des éléments autorisés à travers la décision ministérielle déférée et, plus loin, du projet-même développé par la Croix Rouge avec le site « Kréintgeshaff », il reste qu’au vu de la possibilité conférée aux demandeurs de présenter leurs observations devant le tribunal amené à statuer au fond suivant un recours de pleine juridiction, avec possibilité de réformation de la décision ministérielle déférée, aucun grief n’est vérifié à ce titre dans le chef des époux …-…, de sorte que le moyen est à écarter ;

Considérant que plus loin au fond les demandeurs font valoir que le site « Kréintgeshaff » fait partie de la zone verte au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982, de sorte que les exigences prévues par cette dernière s’appliqueraient de plano ;

Que le ministre de l’Environnement devant prendre en considération la valeur esthétique d’un site ou d’un paysage, il lui aurait appartenu, vu la beauté du parc exceptionnel du « Kréintgeshaff », de convaincre la Croix Rouge soit d’abandonner le projet, soit de le modifier conséquemment ;

Qu’en toute occurrence l’activité projetée ne rentrerait pas parmi celles pour lesquelles l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 prévoirait la possibilité d’une autorisation ministérielle ;

Qu’ainsi il ne s’agirait point en l’espèce d’une activité agricole principale seule admissible à ce sujet, étant entendu qu’essentiellement des enfants seraient appelés à faire de l’équitation et que les activités revêtant le caractère d’exploitation agricole seraient secondaires en l’espèce ;

Que les demandeurs de nier encore que l’activité projetée revêtirait le caractère d’utilité publique ;

Qu’il ne suffirait pas que la Croix Rouge luxembourgeoise soit reconnue d’utilité publique pour que toutes ses activités revêtent un caractère d’utilité publique ;

Qu’ils insistent sur le nombre limité d’enfants pouvant profiter de l’infrastructure « gigantesque » projetée, et sur le fait qu’il s’agirait d’un service offert contre rémunération, non exclusif, étant donné que d’autres établissements associatifs ou commerciaux prévoiraient les mêmes services au Grand-Duché, sinon dans les régions voisines ;

Qu’en additionnant la valeur pécuniaire des terrains et constructions actuellement existants, ainsi que des investissements prévus et en comparant le total ainsi obtenu au nombre de quinze enfants avancé pour bénéficier des services proposés, les demandeurs de plaider pour que la Croix Rouge valorise son dit objet immobilier de façon autre - une mise en location en faveur d’une ambassade est suggérée par les demandeurs - et qu’en toute occurrence elle prévoie ces activités équestres projetées à un endroit autre suivant un coût moindre ;

Qu’enfin, les demandeurs d’avancer à travers leur requête introductive d’instance et mémoire en réplique que les plans soumis au ministre de l’Environnement n’auraient pas permis de mesurer l’ampleur des constructions autorisées, ainsi que leur incidence exacte sur l’environnement et plus particulièrement par rapport à la beauté du paysage ;

Considérant que la Croix Rouge de réfuter l’argumentaire présenté par les demandeurs tout en faisant valoir qu’au vu des constructions déjà en place, il s’agirait en l’espèce d’une transformation d’un immeuble en zone verte telle que prévue par l’article 7 de ladite loi modifiée du 11 août 1982 ;

Considérant que préliminairement au fond il convient de souligner que si la décision ministérielle déférée et le recours sous analyse ont été posés sous l’empire de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée, celle-ci a été entretemps abrogée à travers la loi du 19 janvier 2004 ayant le même intitulé, sous une forme abrégée autorisée par son article 69, et entrée en vigueur quatre jours après sa publication au mémorial le 29 janvier 2004, à défaut d’indication contraire y contenue ;

Considérant que si au fond la décision déférée est à contrôler dans la limite des moyens présentés, suivant sa compatibilité avec la loi modifiée du 11 août 1982 sous l’empire de laquelle elle a été prise, il n’en reste pas moins que suivant ses attributions de juge de la réformation, le tribunal est amené à en vérifier le cas échéant également la compatibilité par rapport aux dispositions légales correspondantes en vigueur au jour où il est amené à statuer ;

Considérant qu’il est un fait que les parties ont uniquement conclu par rapport aux dispositions de la loi modifiée du 11 août 1982 en invoquant plus précisément ses articles 2 (constructions autorisées en zone verte), 7 (constructions existantes), 1 et 36 (objectifs de la loi et critères de refus) ;

Considérant que les dispositions ainsi visées des articles 2, 7 et 36 de la loi modifiée du 11 août 1982 se retrouvent à l’identique dans la loi du 19 janvier 2004 au niveau des articles 5, 10 et 56 ;

Que dans la mesure où les dispositions de l’article premier de la loi modifiée du 11 août 1982 ont été invoquées par les demandeurs, celles-ci se trouvent de façon équipollente au niveau de l’article premier de la loi du 19 janvier 2004 ;

Qu’étant dès lors donné que dans la mesure où les articles 1, 2, 7 et 36 de la loi modifiée du 11 août 1982 ont été invoqués par les demandeurs qu’ils subsistent de manière correspondante dans la loi du 19 janvier 2004, il n’y a pas lieu à réouverture des débats, faute d’incidence pratique ;

Que pour des raisons de simplification d’exposé, le toisement des moyens proposés par les demandeurs au regard de la seule loi modifiée du 11 août 1982 se fait également par unique invocation de celle-ci, étant entendu que les dispositions correspondantes de la loi du 19 janvier 2004 sont censées être également et parallèlement visées dans la mesure où le contrôle du juge de la réformation s’impose par rapport à la nouvelle législation suivant une analyse cristallisée à la date d’aujourd’hui ;

Considérant qu’il est constant en cause que le terrain de la Croix-Rouge devant accueillir les constructions autorisées à travers la décision ministérielle déférée se trouve en dehors du périmètre d’agglomération de la commune de Contern et fait partie de la zone verte telle que définie à l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée ;

Considérant que les constructions actuellement existantes, ayant appartenu aux époux …, s’analysent en maisons résidentielles ne pouvant servir « qu’à l’habitation humaine, à l’exception de tout commerce ou industrie » ainsi qu’il résulte de l’autorisation émanant du secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur et datée du 14 août 1973 ;

Considérant que suivant l’article 7 de ladite loi modifiée du 11 août 1982 « les constructions existantes dans la zone verte ne peuvent être modifiées extérieurement, agrandies ou reconstruites qu’avec l’autorisation du ministre » ;

Considérant que si au regard dudit article 7 l’affectation des éléments transformés, agrandis ou reconstruits doit tout simplement rentrer dans le cadre de celle prévue par l’article 2, sans devoir être nécessairement identique à celle de la construction existante (cf. trib. adm. 23 septembre 2002, n° 12826 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Environnement, n° 21, page 140), il importe cependant que la construction existante elle-même corresponde à l’une des affectations prévues par la loi en zone verte au moment où les éléments transformés, adjoints ou reconstruits sont à autoriser ;

Considérant qu’il appert des éléments fournis actuellement au dossier que l’affectation recherchée sur base des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 dans le chef des éléments autorisés à travers la décision ministérielle déférée est étrangère à la vocation résidentielle jusque lors revêtue par les bâtiments en place, de sorte à ne pas s’inscrire ipso facto dans le cadre des exigences de l’article 2 en question à partir des constructions existantes ;

Que dès lors indépendamment des constructions existantes il convient de rechercher sur base de l’article 2 en question, et non de l’article 7 relatif aux transformations d’une construction existante, si les constructions projetées et autorisées à travers la décision ministérielle déférée rentrent sous les prévisions des constructions autorisables en zone verte ;

Considérant que l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 dispose à travers son alinéa 2 que dans la zone verte définie en son alinéa premier « seules peuvent être érigées des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique, ou à un but d’utilité publique » ;

Considérant que dans la mesure où à partir des pièces versées au dossier et des explications fournies, l’activité projetée par la Croix Rouge au « Kréintgeshaff » ne vise point l’élevage de chevaux, mais la tenue de chevaux à des fins thérapeutiques dans l’intérêt des enfants en difficulté appelés à fréquenter le centre projeté, les constructions actuellement autorisées à travers la décision déférée ne peuvent pas être qualifiées utilement comme servant à l’exploitation agricole, faute de lien suffisant y relatif vérifié ;

Considérant que suivant l’article premier de la loi du 16 août 1923 conférant la personnalité civile à la société de la Croix Rouge luxembourgeoise « la société de la Croix Rouge luxembourgeoise est reconnue d’utilité publique et aura comme telle la personnalité civile » ;

Considérant que le fait pour la Croix Rouge d’avoir été reconnue d’utilité publique ne signifie cependant pas qu’automatiquement toutes les activités par elle déployées poursuivent un but d’utilité publique au sens de l’article 2, alinéa 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée, le fait de servir à un tel but devant être vérifié de cas en cas in concreto pour les constructions projetées par la Croix Rouge en zone verte ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées, ensemble les explications fournies en cause, que les constructions autorisées à travers la décision ministérielle déférée s’analysent en une structure provisoire et temporaire appelée à être installée dans le parc de la villa … en attendant qu’y soit réalisé le projet « … » devant accueillir un centre d’accueil thérapeutique spécialisé dans l’accompagnement des jeunes ayant des problèmes psychiques graves moyennant plus particulièrement des activités d’équitation et de contact avec les chevaux ;

Considérant que l’accompagnement de jeunes gens ayant des problèmes psychiques graves s’inscrit par ailleurs dans le cadre de l’objet de la Croix Rouge circonscrit par l’article premier de ladite loi du 16 août 1923, en ce qu’elle contribue à l’amélioration de la santé publique, au combat des fléaux sociaux, ainsi qu’à la protection de l’enfance y ainsi désignés ;

Que dès lors suivant l’accent thérapeutique mis sur les activités projetées, dûment vérifié à partir des pièces versées ensemble les explications fournies en cause, les constructions autorisées à travers la décision ministérielle déférée sont à qualifier comme servant à un but d’utilité publique ;

Que dès lors le moyen tiré de l’incompatibilité avec les dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 est à écarter ;

Que corollairement le principe d’une autorisation pour les constructions servant à un but d’utilité publique en zone verte se trouve être acquis dans le chef de la Croix Rouge pour son terrain situé au « Kréintgeshaff » entraînant que, toujours au niveau des principes, le recours manque encore en ce qu’il entend voir dire que la Croix Rouge n’a pas une autorisation de procéder à l’aménagement provisoire ou définitif d’un centre équestre sur le fonds en question ;

Considérant qu’ayant été retenu que les constructions projetées, autorisées à travers la décision déférée, servent à un but d’utilité publique, il n’appartient pas au tribunal d’analyser plus en avant l’argument proposé par les demandeurs consistant à proposer une balance coût/bénéficiaire ;

Qu’en effet, le ministre de l’Environnement statuant dans le cadre des compétences lui attribuées à travers la loi modifiée du 11 août 1982 est tenu d’opérer son contrôle par rapport aux dispositions des articles 1er à 36 de cette loi concernant ses objectifs d’un côté et la compatibilité du projet avec la beauté et le caractère du paysage, ainsi que son risque par rapport à l’environnement naturel y défini ;

Que l’argumentaire proposé tenant à l’opportunité du projet, d’une part, au niveau de la gestion patrimoniale de la Croix Rouge, et d’autre part, au niveau des finances publiques est étranger aux critères et objectifs inhérents à ladite loi modifiée du 11 août 1982, de sorte à ne pouvoir donner lieu à un motif de refus légalement appuyé sur ladite loi ;

Considérant que la demande des recourants tendant à voir dire négativement qu’il n’y a pas d’autorisation de procéder à l’aménagement définitif d’un centre équestre sur les lieux du « Kréintgeshaff », encore qu’elle apparaisse refléter le fin fond de la démarche des époux …-… tendant à voir tenir loin d’eux tout changement d’affectation dans le chef de la villa …, dépasse le cadre de l’objet de la décision ministérielle déférée et est de ce fait à écarter ;

Considérant que la critique des demandeurs axée sur ce qu’une violation « provisoire » de la loi, sinon une non-prévision par la loi d’une situation provisoirement autorisée est tout d’abord à analyser par rapport au contexte dans lequel le terme provisoire a été utilisé par la décision déférée ;

Considérant que la décision déférée énonce sous forme de condition numéro 1 que « les constructions provisoires seront enlevées dans un délai de deux ans à partir de la date de la présente » ;

Considérant qu’il est admis que pour répondre aux exigences prévues par les articles premier et 36 de la loi modifiée du 11 août 1982 les autorisations à délivrer par le ministre peuvent être conditionnelles et, quasi systématiquement, la soumission à des conditions se vérifie en la matière ;

Considérant que parmi les conditions admissibles légalement se trouve celle d’une limitation de la durée pendant laquelle les constructions peuvent être laissées en place, avec précision d’une date d’enlèvement afférente ;

Que suivant l’article 57, alinéa 3 de la loi du 19 janvier 2004 précitée « le ministre peut limiter dans le temps le maintien de l’ouvrage autorisé ou la continuation de l’activité » ;

Considérant que sous ces aspects la condition ministérielle reprise sous le numéro 1 ne saurait être sujette à critique, les demandeurs laissant par ailleurs de proposer une durée autre, mise à part une durée égale à zéro écartée ci-avant ;

Considérant que le terme « provisoire » utilisé par le ministre en relation avec les constructions autorisées ne saurait donner lieu à critique en tant que tel, du moment qu’il est constant que les constructions pour lesquelles l’autorisation a été demandée sont destinées à être placées à l’endroit à titre transitoire en attendant la réalisation du projet définitif, actuellement en gestation et dès lors non soumis au tribunal à travers le recours déféré ;

Considérant que dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal étant amené à analyser la situation au jour où il statue, l’ensemble des critiques mises en avant par les demandeurs concernant le défaut de précision de la consistance des éléments autorisés est destiné à tomber à faux, compte tenu de ce que, sur base des pièces actuellement versées au dossier, la consistance est établie à suffisance concernant tous les éléments autorisés ;

Que plus particulièrement les clôtures fixe et mobile prévues derrière la villa …, partant en dehors du champ de vision des demandeurs, ne donnent lieu à aucune critique concrète de ces derniers au-delà de leurs suppositions initiales, avérées comme non vérifiées ;

Considérant qu’à travers leurs mémoires respectifs les demandeurs critiquent la non-intégration valable à l’endroit des éléments prévus (Paddock, Stall, Mistcontainer und Longierzirkel) compte tenu de la beauté du site, qui selon eux serait soumis à une véritable détérioration ;

Considérant que si l’article 36 de la loi modifiée du 11 août 1982 porte que les autorisations requises sont refusées lorsque les projets du requérant sont de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage, il vise par là-même, s’agissant de la loi concernant la protection de la nature, le paysage naturel ;

Considérant que s’agissant en l’espèce pour l’essentiel d’un parc d’agrément mis en place de façon assez récente autour d’une villa nouvellement construite, la protection de la nature se dégageant de la loi modifiée du 11 août 1982 est à appliquer de façon adaptée ;

Qu’étant donné que les éléments de construction autorisés ont été installés de façon à respecter la végétation existante, ce dont le tribunal a pu se rendre compte sur place, tout au plus un nombre très limité d’arbres et d’arbustes non sujets à protection spéciale étant appelé à disparaître, aucun motif de refus valable ne se dégage à ce niveau à partir du moyen formulé ;

Considérant qu’en termes oraux lors de la visite des lieux les demandeurs ont fait état de nuisances susceptibles de les affecter concernant la survenance de mouches ou les bruits caractéristiques des chevaux risquant de les incommoder ;

Considérant que la procédure étant écrite et aucun élément afférent n’ayant été produit, les nuisances ainsi énoncées de façon hypothétique ne sauraient porter à conséquence, tout comme en règle générale les nuisances ainsi abstraitement énoncées ne constituent pas des inconvénients anormaux en zone verte, sauf exception non vérifiée concrètement en l’espèce ;

Considérant qu’enfin les demandeurs ne font état d’aucun danger pour les ressources naturelles telles que prévues par l’article 36 de la loi modifiée du 11 août 1982, en ce que plus particulièrement ils n’énoncent dans les mémoires fournis aucune critique concrète concernant le container à fumier prévu, évoqué incidemment lors de la visite des lieux ;

Considérant que le recours n’étant fondé en aucun de ses volets les demandeurs sont à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes des parties ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17364
Date de la décision : 14/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-14;17364 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award