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14/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17348

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juillet 2004, 17348


Numéro 17348 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2003 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par les époux … et … …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17348 du rôle, déposée le 19 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à Tbilissi (Géo...

Numéro 17348 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2003 Audience publique du 14 juillet 2004 Recours formé par les époux … et … …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17348 du rôle, déposée le 19 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à Tbilissi (Géorgie), de « nationalité » russe et de citoyenneté géorgienne, et de son épouse, Madame … …, née le … à Tbilissi, de nationalité et de citoyenneté géorgienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 12 novembre 2003 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2004 par Maître Frank WIES pour compte des époux …;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 avril 2004;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 4 mai 2004 par le tribunal administratif;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2004;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2004 par Maître Frank WIES pour compte des époux …;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004;

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Le 11 avril 2001, Monsieur … … et son épouse, Madame … …, préqualifiés, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Monsieur … fut entendu en dates des 29 juin, 3, 11 et 17 juillet 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile, tandis que l’audition correspondante de Madame … eut lieu en date du 24 juillet 2001. Les époux …-

KOKHTSHVILI firent en outre l’objet d’auditions complémentaires en date du 19 septembre 2001.

Le ministre de la Justice les informa par décision du 23 septembre 2003, leur notifiée par courrier recommandé du 29 septembre 2003, que leur demande avait été rejetée aux motifs énoncés comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté Tbilissi le 7 avril 2001 pour prendre place dans un monospace Chrysler qui vous aurait conduit à Luxembourg. Vous auriez traversé la Russie, l’Ukraine et la Pologne.

Vous avez déposé vos demandes en obtention du statut de réfugié le 11 avril 2001.

Monsieur, vous exposez que vous auriez été exempté de service militaire parce que vous auriez poursuivi des études supérieures.

Vous auriez travaillé comme manager d’un salon de coiffure jusqu’en janvier 2001.

Vous expliquez que vous étiez membre d’une communauté religieuse appelée RENOUVEAU DANS LE SAINT ESPRIT et qui serait une communauté catholique dépendant du Vatican. Vous auriez participé aux fêtes religieuses catholiques et à des manifestations évangéliques, ainsi qu’à des opérations humanitaires organisées par ce mouvement, sans que cela ne vous pose de problèmes.

Le 21 juillet 1999, le chef de cette communauté, le Père Pavel, serait décédé dans un accident de voiture dans lequel un véhicule du Ministère de l’Intérieur aurait été aussi impliqué. L’enquête aurait conclu à la responsabilité du Père Pavel dans la genèse de l’accident. Un procès aurait eu lieu et la communauté religieuse aurait été condamnée à payer 50.000 dollars de dommages-intérêts à la partie adverse, en l’occurrence le Ministère de l’Intérieur.

Cependant, les rumeurs auraient circulé réfutant la thèse de l’accident et vous auriez décidé de mener une enquête parallèle. Malgré les difficultés, vous seriez arrivé à réunir quelques documents que vous gardiez, dans une farde, à votre domicile.

Vous auriez alors contacté une journaliste pour lui demander de l’aide dans la poursuite de votre enquête.

A ce moment-là, votre appartement aurait été cambriolé et votre dossier sur le Père Pavel aurait disparu. D’après vous, le policier chargé de l’enquête, Kahka SALADZE, aurait mis peu d’empressement à enquêter sur ce délit.

Deux jours après cet incident, vous auriez été emmené au poste de police et frappé par des policiers. Pendant votre séjour à l’hôpital, rendu nécessaire par les coups reçus, votre épouse se serait fait agresser dans l’appartement; elle aurait été bousculée, serait tombée sur le ventre et, enceinte, elle aurait fait une fausse couche.

Tous ces évènements auraient eu comme seul but de vous faire renoncer à votre enquête sur la mort du Père Pavel.

Vous précisez que vous auriez toujours eu affaire au même policier, Kahka SALADZE. Vous pensez qu’il y aurait un lien direct entre lui et l’Eglise Orthodoxe. En effet, les catholiques seraient considérés comme des citoyens de seconde zone en Georgie car l’Eglise Orthodoxe cherchait à éliminer toute concurrence.

Vous, Madame, vous confirmez les dires de votre mari.

Vous n’auriez été, ni l’un ni l’autre, membre d’un parti politique.

Je vous informe d’abord que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentifs au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Il convient d’abord de noter, en ce qui concerne la mort du Père Pavel, que le décès accidentel d’une figure emblématique entraîne toujours un flot de questions et que l’on crie souvent au complot. Soulignons que le Vatican n’a pas réagi à ce décès et a payé les dommages-intérêts réclamés par la partie adverse, sans interjeter appel du jugement de condamnation. Les autorités religieuses ne vous ont d’ailleurs apporté aucun soutien dans votre enquête. Il faut donc en conclure que le Vatican lui-même n’a rien vu de suspect dans le décès de son représentant.

Je note encore que lors de la visite papale en Georgie en décembre 1999, donc peu le temps après la mort du Père Pavel, le Souverain Pontife n’y a fait aucune allusion dans ses différents discours.

En ce qui concerne l’ostracisme dont les catholiques feraient l’objet en Georgie et le désir de l’Eglise Orthodoxe d’éliminer la concurrence, il faut souligner que les catholiques forment, au grand maximum, 1% de la population georgienne, et qu’on ne peut pas parler de véritable « concurrence » entre ces deux religions.

D’ailleurs, la liberté de religion est inscrite dans la Constitution de la Georgie et il est établi que cette liberté est respectée. En 2001, un concordat a été signé entre l’Etat et les principales autorités religieuses, dont les représentants de la foi catholique. On ne peut pas parler de discrimination et encore moins de persécution des catholiques dans ce pays.

En ce qui concerne l’attitude du policier Kahka SALADZE, je constate que vous n’avez déposé aucune plainte contre lui, ni au parquet ni auprès de sa hiérarchie, malgré vos doutes quant à ses agissements.

Pour le surplus, il ne saurait être considéré comme un agent de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il résulte de ce qui précède que vos demandes en obtention du statut de réfugié sont donc refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux formé par courrier de leur mandataire daté au 29 octobre 2003 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 12 novembre 2003, les époux … ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 23 septembre 2003 et confirmative du 12 novembre 2003 par requête déposée le 19 décembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond en la matière. Le recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs font valoir qu’ils seraient depuis 1998 respectivement 1999 membres de la communauté religieuse catholique « Renouveau dans le Saint-Esprit » fondée en 1998 par le prêtre père Pavel SZCZEPANEK et ayant pour objectif de répandre la parole de l’évangile, de faire convertir de nouveaux adeptes à la religion catholique et de fournir de l’aide humanitaire et ils ajoutent que l’église catholique serait très minoritaire en Géorgie dominée par l’église orthodoxe qui afficherait ouvertement une « attitude d’intolérance et de démonisation à l’égard des non-orthodoxes ». Ils exposent en substance que Monsieur … aurait accompagné, ensemble avec d’autres adeptes, le père SZCZEPANEK du 19 au 21 juillet 1999 lors d’une mission dans le village de Tchartali, situé dans une région montagneuse de Géorgie, que sur le chemin du retour la voiture conduite par le père SZCZEPANEK aurait été heurtée de plein fouet dans un virage par un camion qui serait parti d’une aire de stationnement au moment où la voiture du père SZCZEPANEK se serait trouvée à une distance de quelques 200 mètres, que deux voitures ayant accompagné ledit camion auraient été occupées par des policiers qui n’auraient pas porté secours aux victimes de cet accident et que le père SZCZEPANEK aurait été tué sur le coup par l’impact du camion. Ils relatent que Monsieur … aurait dès le début eu des doutes quant à l’origine accidentelle du sinistre au vu de son déroulement, qu’au lieu d’être convoqué en tant que témoin, pour avoir conduit le véhicule ayant directement suivi la voiture du père SZCZEPANEK, il aurait reçu une semaine après l’accident la visite du policier de son quartier, un dénommé Kakha SALADZE, lui indiquant qu’il ne serait pas entendu comme témoin, qu’il « devrait tenir profil bas et oublier ce qui s’était passé vu que de toute façon personne n’allait le croire en raison de sa nationalité russe » et qu’un seul témoin aurait été entendu lors du procès suite à l’accident, lequel aurait déclaré que le père SZCZEPANEK se serait endormi derrière le volant alors même qu’il n’aurait pas été assis dans la voiture du père SZCZEPANEK mais dans le véhicule de Monsieur …, entraînant que le père SZCZEPANEK aurait été déclaré seul responsable de l’accident et que l’ordre des prêtres catholiques aurait été condamné au paiement de dommages et intérêts au ministère de l’Intérieur. Ils soulignent que les membres de leur communauté auraient tenté de faire des recherches sur l’origine accidentelle ou non de cet accident, qu’un membre aurait tenté d’obtenir des informations de la part du parquet de Tbilissi, mais qu’il aurait subitement vendu son appartement pour un prix dérisoire et précipitamment quitté le pays après avoir reçu des menaces et des visites policières, que Monsieur … aurait fait la connaissance d’une journaliste du quotidien « Svobodnaia Grouzia », laquelle aurait montré de l’intérêt pour publier l’histoire de cet accident, mais que l’appartement des demandeurs aurait été cambriolé et tous les documents sur l’accident dérobés avant la date du prochain rendez-vous avec ladite journaliste et que les policiers appelés pour constater le cambriolage et acter leur plainte, parmi lesquels l’agent SALADZE, auraient montré une attitude très hostile et auraient jeté le document contenant leur plainte à la poubelle devant leurs yeux. Les demandeurs ajoutent que deux jours après le cambriolage, Monsieur … aurait reçu la visite de deux policiers, dont à nouveau l’agent SALADZE, qui l’auraient emmené de force vers un terrain vague pour l’y rouer de coups et « lui faire comprendre qu’il se mêlait de choses qui ne le regarderaient pas », qu’il aurait perdu conscience et que ses blessures auraient nécessité un séjour hospitalier de plusieurs semaines, durant lequel son épouse enceinte aurait reçu la visite de deux personnes qui l’auraient molesté de manière à faire une fausse couche. Ils précisent finalement que suite à ces événements, ils se seraient installés chez la mère de Monsieur … mais y auraient également reçu des menaces téléphoniques.

Les demandeurs reprochent au ministre de ne pas avoir suffisamment tenu compte des incohérences quant au déroulement de l’accident du père SZCZEPANEK et des persécutions et intimidations de la part des autorités policières par eux subies en raison de leurs recherches à cet égard. Ils soutiennent que l’absence de réaction de la part du Vatican suite à la mort du père SZCZEPANEK ne serait pas la preuve que leurs doutes seraient sans fondement mais trouveraient sa raison probable dans la raison d’Etat et la délicatesse diplomatique qui « peut avoir conduit les autorités du Vatican à accepter la version officielle du décès du père Pavel afin d’éviter tout conflit avec les autorités géorgiennes. Le fait que la visite papale en Géorgie était imminente a certainement pesé dans la balance au moment de la prise de décision ». Ils affirment que l’inscription du libre exercice du culte dans la constitution géorgienne n’enlèverait rien à la réalité des intimidations et agressions contre les confessions non-orthodoxes et à la passivité des autorités géorgiennes, ainsi que le démontreraient certains rapports d’organisations internationales et l’échec d’un accord entre le Vatican et le gouvernement géorgien portant notamment sur la liberté du culte catholique.

Les demandeurs contestent finalement le motif tiré du défaut d’une plainte de leur part, notamment contre le policier SALADZE, en faisant valoir que les policiers n’auraient même pas dûment enregistré leur plainte à la suite du cambriolage de leur appartement et que l’autre membre de leur mouvement qui s’était adressé au parquet de Tbilissi après le décès du père SZCZEPANEK aurait reçu des menaces dans la suite, de manière qu’ils « n’avaient rien à attendre d’une plainte auprès du parquet de Tbilissi si ce n’était des problèmes supplémentaires ».

Le délégué du gouvernement rétorque que la constitution géorgienne garantit la liberté de religion « et qu’il est reconnu que cette liberté est généralement bien respectée », de manière que, même si certaines autorités locales tenteraient de réduire cette liberté, rien n’aurait empêché les demandeurs de porter plainte en haut lieu et d’attirer l’attention des autorités nationales sur le comportement du policier SALADZE.

Les demandeurs font réitérer en termes de réplique leur moyen quant aux agressions auxquelles les religions non-orthodoxes seraient exposées et l’impunité dont bénéficieraient en fait leurs auteurs.

Se fondant sur l’indication dans le dossier de la nationalité de Monsieur … comme étant la nationalité russe, le tribunal avait prononcé la rupture du délibéré pour permettre aux parties de prendre position quant à la possibilité pour les demandeurs de trouver refuge dans la Fédération de Russie au vu de ce fait.

Le délégué du gouvernement a relevé dans son mémoire supplémentaire que depuis les années 1990 environ 800.000 Géorgiens auraient tenté leur chance en Russie apparemment sans aucun problème et que le leader indépendantiste géorgien ABASHIDZE se serait installé en Russie avec sa famille, de manière qu’on pourrait conclure que « la région « naturelle » de fuite pour un Géorgien est la Fédération de Russie, a fortiori si, en plus, il en possède la nationalité ».

Les demandeurs exposent néanmoins que Monsieur … serait né à Tbilissi, que ses parents seraient certes d’origine russe, mais qu’il ne serait pas lui-même de nationalité russe, le terme de nationalité ayant nécessairement été utilisé dans le dossier administratif comme synonyme du terme « origine ». Ils font encore valoir que Monsieur … se serait adressé à l’ambassade russe en Géorgie pour s’enquérir sur les conditions pour obtenir la nationalité russe, mais qu’on lui aurait répondu par la négative au vu de sa propre naissance et de celle de sa mère en Géorgie et de la nationalité géorgienne de son épouse. Ils reprochent encore au délégué du gouvernement de faire l’amalgame entre la possibilité de fuite interne dans le pays d’origine et une hypothétique possibilité de s’installer dans un pays voisin dont on ne possède pas la nationalité et ils renvoient à leur religion catholique qui pourrait risquer de leur causer des problèmes également en Russie qui est également un pays où la religion orthodoxe est dominante.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2003, v° Recours en réformation, n° 11).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les quatre comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs font état et établissent à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les demandeurs ont soumis un récit cohérent et crédible quant aux persécutions rendant leur vie intolérable dans leur pays d’origine, persécutions qu’ils ont personnellement dû subir de la part d’agents étatiques en raison de leur engagement religieux, ce récit n’ayant pas été utilement mis en doute par la référence par le ministre à l’attitude du Vatican après le décès du père SZCZEPANEK, et quant à l’impossibilité d’une recherche concrète de protection de la part des autorités compétentes supérieures au vu de l’expérience vécue par ou moins un autre membre de leur mouvement s’étant adressé au parquet de Tbilissi. Ils ont également soumis des indices que la situation générale en Géorgie n’est pas telle qu’un risque de persécution pourrait être exclu.

Dans la mesure où il s’est avéré que Monsieur … n’a pas la nationalité russe, l’existence d’une possibilité pour les demandeurs de s’installer en Russie sur cette base ne saurait être admise en l’espèce. Au vu des éléments de l’espèce, l’existence d’une possibilité de fuite interne ne peut non plus être retenue.

Il s’ensuit que c’est à tort que le ministre a rejeté la demande d’asile des demandeurs comme n’étant pas fondée et que les décisions entreprises encourent la réformation dans le sens d’une reconnaissance du statut de réfugié aux demandeurs.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation des décisions entreprises des 23 septembre et 12 novembre 2003, reconnaît aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et renvoie l’affaire devant le ministre de la Justice pour exécution, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17348
Date de la décision : 14/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-14;17348 ?

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