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12/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17697

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juillet 2004, 17697


Tribunal administratif N° 17697 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2004 Audience publique du 12 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17697 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mars 2004 par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo

urg, au nom de Monsieur …, retraité, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’u...

Tribunal administratif N° 17697 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2004 Audience publique du 12 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17697 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mars 2004 par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, retraité, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 13 novembre 2003 portant refus de renouvellement de son autorisation de port d’armes de sport n° … lui délivrée le 14 novembre 2000, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 8 décembre 2003, suite à un recours gracieux introduit par Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2004 par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT en nom et pour compte du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Jacques SCHONCKERT, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par décision du 13 novembre 2003, le ministre de la Justice refusa de faire droit à une demande en renouvellement d’une autorisation de port d’armes introduite par Monsieur … le 23 octobre 2003, décision de la teneur suivante :

« Monsieur, J’ai l’honneur de me référer à votre demande du 23 octobre 2003 par laquelle vous sollicitez le renouvellement de votre autorisation de port d’arme de sport numéro 22-2-

317078 du 14 novembre 2000.

Toutefois, il résulte de votre dossier administratif que vous avez fait l’objet d’une condamnation prononcée le 25 juin 2003 par le Tribunal correctionnel de Luxembourg pour détention illégale d’arme prohibée et infraction à la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée.

Par conséquent, comme il est à craindre, sur base de l’ensemble de ces faits, que vous ne fassiez un mauvais usage des armes en votre possession, l’autorisation sollicitée est refusée en application de l’article 16 alinéa 2 de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

Je me permets encore de vous rendre attentif au fait qu’en exécution de la présente décision vous êtes invité à vous dessaisir des armes et des munitions en votre possession, soit en les remettant provisoirement à un commissariat de Police, soit en les cédant directement et à titre définitif à une personne autorisée ou à autoriser par le Ministère de la Justice, telle qu’un armurier.

Copie de la présente a été adressée pour information à Monsieur le Directeur de la Police Grand-Ducale.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à introduire dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision par une requête signée par un avocat à la Cour ».

Par courrier du 5 décembre 2003, le mandataire de Monsieur … a fait introduire un recours gracieux auprès du ministre de la Justice.

Le 8 décembre 2003, le ministre de la Justice refusa de faire droit à la demande « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Par requête déposée le 5 mars 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles prérelatées des 13 novembre et 8 décembre 2003.

Etant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions, ni une autre disposition légale ne prévoient la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour statuer sur la demande principale tendant à la réformation des décisions ministérielles critiquées.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur estime que le ministre de la Justice a dépassé son pouvoir d’appréciation en retenant qu’il ferait un mauvais usage des armes en sa possession. Cette conclusion serait erronée au vu de ses antécédents judiciaires, tels que résultant du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Luxembourg en date du 25 juin 2003 le condamnant pour détention illégale d’armes prohibées et infraction à la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, au motif qu’il ne ressortirait d’aucun autre élément du dossier qu’il ne fasse un mauvais usage d’une arme, qu’il serait âgé de 75 ans et qu’il détiendrait son autorisation de port d’armes depuis des décennies, que ladite autorisation ne viserait que l’exercice du tir sportif et que rien ne laisserait conclure qu’il aurait l’intention d’utiliser des armes à une autre fin.

En droit, le demandeur conclut d’abord au caractère injustifié des décisions litigieuses, étant donné que l’appréciation ministérielle ne reposerait pas sur des critères objectifs et s’opérerait d’une manière arbitraire et qu’il n’y aurait aucun élément laissant présupposer le commencement d’un début d’une violation grave de la loi sur les armes et munitions dans son chef.

Le délégué du gouvernement relève en premier lieu que Monsieur … a été condamné suivant jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg à un peine de prison de trois mois avec sursis et à une amende de 3.500.- euros pour détention d’armes prohibées et infraction à la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, jugement coulé en force de chose jugée. Comme le ministre de la Justice disposerait en la matière d’un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité de soumettre une autorisation à la condition d’un comportement à l’abri de tout reproche, ce serait à bon droit qu’il aurait refusé le renouvellement du permis de port d’armes litigieux.

D’après l’article 16 de la loi modifiée du 15 mars 1983, précitée, « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables.

L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents ne fasse un mauvais usage de l’arme ».

L’article 19 de la même loi dispose que « la durée de validité des autorisations est fixée par règlement grand-ducal, les autorisations périmées sont renouvelables ».

Force est de constater qu’il se dégage indubitablement de la lecture combinée des dispositions des articles 16 et 19 de la loi précitée du 15 mars 1983 que, d’une part, la durée de validité des autorisations de port d’armes est limitée, étant entendu que ces autorisations sont néanmoins renouvelables et, d’autre part, le renouvellement ne s’opère point de façon automatique, de même qu’aucun droit acquis au renouvellement n’existe dans le chef du bénéficiaire d’une autorisation de port d’armes, mais que pour chaque demande de renouvellement, l’autorité compétente est amenée à contrôler si le candidat remplit, au moment donné, les conditions d’attribution légalement prévues.

Ceci étant, il convient de relever que l’article 16 de ladite loi du 15 mars 1983 revêt deux volets en ce qu’en son premier alinéa, il se réfère à un critère positif comportant les motifs valables à invoquer par un demandeur à l’appui de sa demande en vue d’obtenir le permis ministériel de port d’armes, tandis qu’en son second alinéa, il énonce des motifs de refus ayant trait à des aspects inhérents à la personne du demandeur.

Il convient encore de relever que le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer ou de refuser l’autorisation de port d’armes à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire (trib. adm. 27 mars 1997, n° 9597 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Armes prohibées, n° 1 et autres références y citées) et que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, seule une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité ayant pris la décision déférée étant à sanctionner en conséquence (trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 10 et autres décisions y citées).

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier administratif librement discutés en cause que suivant jugement définitif du tribunal correctionnel de Luxembourg du 25 juin 2003, Monsieur … a été retenu dans les liens des infractions de détention d’armes prohibées, pour avoir été en possession de deux couteaux à projection, six couteaux à lancer, deux nunchakus, un fusil à air comprimé, un pistolet 9 mm, un pistolet à blanc 6.35 mm avec 15 cartouches, un pistolet à blanc 8 mm avec une cartouche de gaz lacrymogène et une carabine 10,5 mm, et d’atteinte à l’article 3 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, pour avoir fait placer des caméras dans une chambre du premier étage du cabaret « … » qu’il exploitait à Luxembourg et qu’il a été condamné pour ces deux infractions à une peine de prison de trois mois avec sursis et à une amende de 3.500.- euros.

Au regard de ces éléments et d’une attitude, révélée dans le chef du demandeur, peu respectueuse de la législation du Grand-Duché de Luxembourg, même si une des infractions retenue ne relève pas de la matière des armes et munitions, force est de constater que le ministre, qui, au moment de l’octroi ou du renouvellement d’une autorisation de porter une arme, doit faire application de critères très restrictifs pour la reconnaissance de motifs valables y relatifs (cf. Cour adm. 22 octobre 1998, n° 10746C du rôle, non publié), tout comme il est appelé à apprécier rigoureusement les considérations fondées sur le comportement, l’état mental et les antécédents de l’intéressé, n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi précitée du 15 mars 1983 et il a donc légalement pu refuser le renouvellement de l’autorisation de port d’armes sollicitée sur base d’un risque que Monsieur … fasse un mauvais usage de ses armes.

Cette conclusion n’est nullement énervée par l’« explication » fournie par Monsieur … relativement au fait qu’il aurait trouvé une partie des armes pour lesquelles il a été condamné par le tribunal correctionnel, en l’espèce trois pistolets, sur son grenier après un cambriolage dont il fut victime et qu’il aurait voulu les garder pour un retour éventuel des cambrioleurs, étant donné que même à admettre la réalité de pareil état des choses, il ne saurait justifier le comportement de Monsieur …, auquel il aurait au contraire appartenu, comme l’a relevé à juste titre le délégué du gouvernement, à remettre ces armes à la police pour les besoins de l’enquête.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 12 juillet 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17697
Date de la décision : 12/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-12;17697 ?

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