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09/07/2004 | LUXEMBOURG | N°18322

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2004, 18322


Tribunal administratif Numéro 18322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2004 Audience publique du 9 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18322 du rôle, déposée le 1er juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité libérienne, retenu actuellement au Centre de séjou...

Tribunal administratif Numéro 18322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2004 Audience publique du 9 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18322 du rôle, déposée le 1er juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité libérienne, retenu actuellement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 21 juin 2004 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2004 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en sa plaidoirie à l’audience publique du 8 juillet 2004.

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Le 21 juin 2004, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le rapport no 6/1748/04/BIR du 21 juin 2004 établi par la Police grand-ducale, Service de Police Judiciaire ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

1 Considérant qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé l’éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 21 juin 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Le recours est également recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai prévus par la loi.

Le demandeur fait exposer qu’il serait entré sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en date du 21 juin 2004 « avec l’intention de présenter une demande d’asile au sens de la Convention de Genève ».

Il ajoute s’être présenté au bureau d’accueil des réfugiés sis à Luxembourg-Gare dans l’immeuble « Galerie Konz » au troisième étage, que le responsable du bureau d’enregistrement des demandeurs d’asile lui aurait demandé d’attendre, que par la suite, il aurait été appréhendé par la police grand-ducale aux motifs qu’il serait en situation irrégulière et ne disposerait pas de moyens d’existence personnels.

Il précise avoir « ressaisi de nouveau via télécopie, par le biais d’assistante sociale du Centre Pénitentiaire de Luxembourg, l’autorité ministérielle en date du 24 juin 2004 d’une demande d’asile ».

En droit, il soutient que la mesure de rétention serait viciée à sa base, le ministre de la Justice l’ayant, à tort, considéré comme un étranger en séjour irrégulier et ordonné son placement en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois, alors qu’il aurait dû être considéré comme demandeur d’asile qui s’est présenté sans délai au ministère de la Justice en vue de l’enregistrement de sa demande d’asile et qu’ainsi, il aurait été irrégulièrement et en violation de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, privé de sa liberté.

Il ajoute encore qu’en tant que demandeur d’asile et en vertu du principe de non-

refoulement, il ne saurait faire l’objet d’un éloignement du territoire luxembourgeois aussi longtemps qu’il n’a pas été définitivement statué sur sa demande d’asile.

2Enfin, il invoque le caractère disproportionné de la mesure de placement au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle. Dans ce contexte, il fait valoir que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ne constituerait pas un établissement approprié pour l’exécution d’une mesure de placement.

Sur ce, il sollicite la réformation de la décision déférée et sa remise en liberté immédiate, sinon subsidiairement que le tribunal ordonne son placement dans un endroit plus approprié à sa situation individuelle.

Le délégué du gouvernement se réfère à un rapport du service de police judiciaire dressé en date du 21 juin 2004 qui renseignerait que contrairement aux déclarations du demandeur, celui-ci aurait fait l’objet d’un contrôle d’identité dans le quartier de la gare à sept heures du matin et qu’il ne se serait partant pas présenté au bureau d’accueil qui n’ouvrirait ses portes qu’à 8.30 heures et qu’il aurait valablement pu être considéré comme se trouvant en séjour irrégulier, au motif que lors de son contrôle, il n’aurait pas pu présenter de pièce d’identité et que ses moyens d’existence personnels n’auraient été que de 23 euros.

Le délégué du gouvernement estime encore que le fait que le demandeur a, postérieurement à son placement, formulé une demande d’asile ne saurait affecter la légalité de la mesure querellée et qu’elle aurait pu être maintenue en attendant son audition sur les motifs à la base de sa demande d’asile, fixée au 5 juillet 2004.

Il soutient encore qu’il n’y aurait pas eu violation de la Convention européenne des droits de l’homme, au motif que la détention d’une personne en voie d’être expulsée ne contreviendrait pas à ladite charte et qu’il n’y aurait pas d’entrave au principe du non-

refoulement « alors que la mesure n’a pas pour objet un éloignement pendant l’examen d’une demande d’asile alors que (…) le requérant n’avait pas présenté de demande d’asile au moment où il a été placé au centre de séjour provisoire ».

Enfin, il estime qu’en l’espèce, le Centre de séjour provisoire constituerait un endroit approprié pour le placement de l’intéressé.

Au cours de l’instruction du présent recours, le demandeur a encore produit et fait état d’un écrit intitulé « attestation de témoin » émanant de Monsieur A.M., d’après laquelle l’interpellation et l’arrestation du demandeur, de même que la sienne et celle d’une troisième personne, seraient intervenues à l’intérieur des locaux de la Galerie Konz, plus précisément au rez-de-chaussée où les trois personnes auraient attendu l’ouverture des bureaux du bureau d’accueil des demandeurs d’asile.

Il convient de prime abord de relever qu’un rapport dressé le 8 juillet 2004 par le commissaire de police B. tendant à compléter le rapport précité du 21 juin 2004 établi par le même commissaire de police est de la teneur suivante :

„ Betrifft :

Nachtragsbericht über den angeblich aus Liberia stammenden … Toni, geboren am 22.08.1974 in Wataset/Liberia (lt eigenen Angaben) Unterzeichneter B., commissaire du service de police judiciaire, berichtet in obenstehender Angelegenheit folgendes:

3 Am 21.06.2004 wurde seitens unserer Abteilung im Bahnhofsviertel Luxemburg eine Observation im Rahmen der Bekämpfung der illegalen Einreise/Schleuseraktivitäten abgehalten.

Hierbei wurde gegen 7.00 Uhr vor dem Bahnhofsgebäude obererwähnter Schwarzafrikaner angetroffen und aufgefordert, sich auszuweisen. Da er dieser Aufforderung nicht nachkam, er hatte keine Ausweisdokumente bei sich, wurde er zwecks weiterer Untersuchung mit zur Dienststelle genommen.

Bei einer Körperdurchsuchung wurden 23,- € und eine Rasierklinge gefunden. Bei einer Befragung gab der Mann an, er sei vor zwei Tagen mit dem Flugzeug aus Monrovia/Liberia abgereist, und am heutigen Morgen am Flughafen Luxemburg gelandet.

Vom Flughafen Luxemburg sei er anschliessend mit dem Zug bis nach Luxemburg gefahren.

Genaue Angaben über seine Person wollte er nicht geben. Er hat nie behauptet, er sei nach Luxemburg gekommen, um hier Asyl zu beantragen.

Das Justizministerium wurde hiervon unterrichtet, und ordnete an, den Mann im „Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière“ (mesure de placement) unterzubringen. Im wurde der Beschluss des Justizministeriums zugestellt und anschliessend zum CPL, Schrassig, gebracht. Aus Sicherheitsgründen hatte der Mann zeitweilig die Handschellen an.

Die Aussagen, welcher der Schwarzafrikaner bei Unterzeichnetem machte, entsprechen hundertprozentig nicht der Wahrheit, da am 21.06.04 auf dem Flughafen Luxemburg kein Flugzeug aus Monrovia landete und es zur Zeit noch keine Zugverbindung vom Flughafen Luxemburg zum Bahnhof gibt. Daher behaupte ich, dass die meisten von ihm gemachten Angaben Lügen sind “.

Au regard de la force probante légalement conférée au contenu du susdit rapport, qui a été établi par un officier de police judiciaire ayant reçu de la loi le pouvoir de constater les infractions jusqu’à inscription de faux, pareille inscription de faux, en bonne et due forme, n’ayant pas été formulée en cause, il y a lieu de retenir que ni les déclarations et allégations faites par le demandeur – pour le surplus partiellement incohérentes et invraisemblables –, ni encore la prétendue attestation testimoniale produite en cause, ne sauraient être admis pour prouver contre le contenu dudit rapport.

Il s’ensuit que le demandeur ne saurait être suivi en ses moyen et argumentation fondés sur sa prétendue qualité de demandeur d’asile au moment de la prise de la décision querellée.

Ceci étant, force est cependant de constater que suite à son placement au Centre de séjour provisoire, par lettre du 24 juin 2004, le demandeur a formulé une demande d’asile, son audition relativement aux faits à la base de cette demande ayant été fixée, aux termes du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, au 5 juillet 2004, mais qu’il ne se dégage d’aucun élément d’information soumis au tribunal pour quelle raison, au jour des présentes, le demandeur se trouve toujours en rétention.

Or, étant relevé qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois et sans vouloir dénier le fait qu’un défaut de documents de voyage valables 4trouvés en possession de l’intéressé pourrait impliquer la nécessité de mesures de vérification afférentes ou que, même en présence d’un demandeur d’asile, la nécessité de l’organisation des modalités pratiques d’un éloignement, moyennant transfert dans un autre pays sûr, le cas échéant compétent pour connaître de sa demande d’asile, pourrait justifier le maintien de la mesure de rétention, il aurait incombé à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

Faute de ce faire, le tribunal est amené à retenir qu’au jour où il est appelé à statuer, le bien-fondé du maintien de la mesure de rétention laisse d’être établie et le recours est partant fondé sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens invoqués par le demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare également justifié ;

partant, par réformation, met fin à la décision du ministre de la Justice du 21 juin 2004 et ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur …;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 9 juillet 2004 à 9.00 heures par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18322
Date de la décision : 09/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-09;18322 ?

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