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08/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17510

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juillet 2004, 17510


Tribunal administratif N° 17510 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 janvier 2004 Audience publique du 8 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur … et Madame …, (F) … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17510 du rôle, déposée en date du 23 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Vinciane SCHANDELER, avocat à la Cour, assistée de

Maître Bérangère POIRIER, avocat, les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Tribunal administratif N° 17510 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 janvier 2004 Audience publique du 8 juillet 2004

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Recours formé par Monsieur … et Madame …, (F) … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17510 du rôle, déposée en date du 23 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Vinciane SCHANDELER, avocat à la Cour, assistée de Maître Bérangère POIRIER, avocat, les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à F-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 octobre 2003 portant rejet de leur réclamation du 17 juillet 2002, introduite le 18 juillet 2002, contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1999 et ainsi, refusant la déduction, au titre des dépenses spéciales, de « primes d’épargne-logement » versées à la Poste française ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 23 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé en nom et pour compte des demandeurs le 21 mai 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale litigieuse ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Bérangère POIRIER en sa plaidoirie.

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Faisant suite à une réclamation introduite le 18 juillet 2002 par Monsieur … et son épouse, Madame …, contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années 1999, 2000 et 2001, tous émis le 4 juillet 2002, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « directeur », par décision du 23 octobre 2003, statuant, après disjonction des volets relatifs aux années 2000 et 2001, sur la réclamation contre le bulletin de l’année 1999, rejeta partiellement ladite réclamation en décidant que des cotisations faites par les réclamants dans le cadre d’un plan d’épargne-logement par eux conclu auprès de la Poste française n’étaient pas déductibles au titre des dépenses spéciales au sens de l’article 111, alinéa 1er, litt. c) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».

Ladite décision directoriale est plus particulièrement motivée comme suit :

« Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-

même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes (Conseil d’Etat 06.02.1996 n° 8925) ;

qu’en conséquence, la présente décision portera sur la réclamation contre le bulletin de l’année 1999, les réclamations contre les bulletins des années 2000 et 2001 étant disjointes pour être vidées séparément sous les numéros du rôle C 12038 et C 12039 ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir I.) refusé la déduction, à titre de dépenses spéciales, de primes d’épargne-logement versées pendant l’année en cause à « La Poste » auprès de laquelle ils ont souscrit un plan d’épargne-

logement ;

(…) Considérant qu’en vertu du § 243 AO une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause sans égard aux conclusions et moyens des requérants, la loi d’impôt étant d’ordre public (décision C 7640 du 09.09.1991) ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé (décision C 7444 du 21.05.1993) ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’aux termes de l’article 111, al. 1er, litt. c) de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), les cotisations versées à des caisses d’épargne-logement agréées au Grand-Duché de Luxembourg ou dans un autre des Etats membres de l’Union Européenne en vertu d’un contrat d’épargne-logement, sont déductibles comme dépenses spéciales ;

qu’il en résulte que la déductibilité dépend de la nature de la caisse d’épargne-

logement alors que le législateur a entendu favoriser expressément et spécialement les cotisations payées à une caisse spécifique, à l’exclusion de tout autre organisme de crédit, bancaire ou financier ;

qu’en effet l’épargne-logement constitue un régime tout à fait particulier d’épargne destinée uniquement à la réalisation de projets de logement, ceci à un taux d’intérêt fixe et donc indépendant des fluctuations du marché des capitaux, toutes autres opérations bancaires quelconques restant prohibées aux véritables caisses d’épargne-logement ;

que ces dernières se caractérisent essentiellement par un fonctionnement à circuit fermé impliquant que les fonds collectés sont prêtés sans délai aux épargnants qui se trouvent en rang utile ;

qu’en effet, par la souscription d’un tel contrat d’épargne-logement, on devient membre d’une entité fermée d’épargnants poursuivant un seul et même objectif, à savoir l’obtention, en échange de l’épargne en faveur de l’entité, d’un droit de contre-prestation ultérieure consistant en l’octroi d’un prêt aux conditions très particulières de l’épargne-

logement, notamment celle de l’existence de fonds suffisants préalablement à l’octroi du prêt ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que ce régime hautement spécifique des caisses d’épargne-logement diffère totalement de celui des instituts bancaires et financiers usuels, « même s’ils offrent un produit similaire à celui d’une caisse d’épargne-

logement » (trib. adm. du 24 avril 2003, numéros 15459 et 15472 du rôle), de sorte que les épargnants de ceux-ci ne peuvent invoquer le bénéfice de l’article 111 L.I.R. ;

Considérant que les réclamants ont conclu un plan d’épargne-logement auprès de « La Poste » fonctionnant ni spécifiquement ni uniquement aux conditions des caisses d’épargne-logement ;

qu’il en découle que les primes d’épargne des réclamants ne sauraient donner lieu à une déduction comme dépenses spéciales en vertu de l’article 111 L.I.R. (…) ».

Par requête, déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2004, les époux …-… ont introduit un recours en réformation sinon en annulation contre la susdite décision directoriale dans la mesure où le directeur refuse la déduction, au titre des dépenses spéciales, de « primes d’épargne-logement » versées à la Poste française.

Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ouvrant un recours au fond contre la décision directoriale critiquée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal par les demandeurs. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation à l’encontre de la décision directoriale critiquée est par contre irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le recours en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En ce qui concerne la demande de jonction avec deux autres affaires, inscrites sous les numéros 17508 et 17509 du rôle, menées par les mêmes demandeurs contre les deux autres décisions directoriales portant sur la réclamation du 18 juillet 2002 en ce qu’elle vise les bulletins des années 2000 et 2001, qui avaient été disjointes par le directeur et examinées séparément, il n’y a pas lieu de l’admettre, étant donné qu’il n’appert pas des éléments en cause qu’il soit, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, indispensable sinon utile de les joindre pour y statuer par un seul et même jugement.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent être imposables au Luxembourg au titre de leurs revenus de l’année 1999 et reprochent au directeur d’avoir fait une mauvaise interprétation de l’article 111, alinéa 1er LIR en refusant d’admettre la déduction de cotisations mensuelles faites au titre de deux plans d’épargne-logement, pour eux-mêmes ainsi que pour leur fille, auprès de la Poste française.

Ils estiment plus particulièrement que la Poste française doit être « considérée comme une caisse d’épargne-logement agréée par l’Etat français au sens du texte fiscal luxembourgeois » et que le plan d’épargne contracté a pour but le financement, la construction, l’acquisition ou la transformation d’un appartement ou d’une maison d’habitation, de sorte que la finalité de ce produit serait celle prévue par la disposition légale.

Ils insistent encore sur ce que le produit offert par la Poste française serait semblable aux produits offerts par les deux caisse d’épargne-logement principales agréées au Luxembourg.

Ils font encore état de ce que la prohibition additionnelle des activités bancaires ou financières impliquerait une restriction des mouvements de capitaux contraire aux dispositions communautaires.

Aux termes de l’article 111, alinéa 1er, litt. c) LIR, « les cotisations versées à des caisses d’épargne-logement agréées au Grand-Duché de Luxembourg ou dans un autre des Etats membres de l’Union Européenne en vertu d’un contrat d’épargne-logement » sont déductibles comme dépenses spéciales.

Force est de constater que la déductibilité susvisée est conditionnée par un versement de cotisations à des « caisses d’épargne-logement » et qu’il se dégage de l’emploi du terme spécifique de « caisse d’épargne-logement » que le législateur luxembourgeois a indubitablement soumis la déductibilité non seulement à la condition d’une cause spécifique, à savoir des cotisations effectuées dans le cadre d’un contrat d’épargne-logement - destiné à favoriser l’accession à la propriété immobilière -, mais également à un critère organique, à savoir que le contrat soit passé avec une entité spécifique.

Ainsi, contrairement à la thèse soutenue par les demandeurs, l’emploi du terme spécifique de « caisse d’épargne-logement » exclut des versements à des instituts financiers quelconques, même s’ils offrent un produit similaire à celui d’une caisse d’épargne-logement.

Cette conclusion n’est pas ébranlée – comme le relève à juste titre le délégué du gouvernement – par le fait qu’en France, tout comme d’ailleurs au Luxembourg, l’ouverture de comptes d’épargne-logement auprès des établissements bancaires est réglementée, étant donné que cette considération à elle-seule ne saurait tenir en échec l’exigence expresse du critère organique prévu par l’article 111, alinéa 1er, litt. c) LIR. – Par ailleurs, en ce qui concerne le reproche basé sur ce que pareille analyse impliquerait une méconnaissance du droit communautaire et, plus particulièrement, de la liberté de circulation des capitaux, qui s’en trouverait restreinte, ce reproche manque de fondement étant donné que même à admettre que les exigences formulées impliquent une restriction de la libre circulation des capitaux, pareille restriction se trouve objectivement justifiée par le but spécifique recherché, à savoir par l’accession à la propriété immobilière dans le cadre d’un régime hautement spécifique présentant des garanties spéciales aux épargnants.

Etant donné qu’il est encore constant en cause que la Poste française ne constitue pas une caisse d’épargne-logement agréée au Grand-Duché de Luxembourg, d’une part, et qu’il ne se dégage pas des éléments produits en cause que la Poste française soit agréée comme telle en France, tant le rôle spécial joué par la Caisse de Dépôts et des Consignations, que l’habilitation spéciale – par dérogation à l’interdiction générale de toute opération de crédit -

de la Poste française d’accorder des prêts d’épargne-logement, étant insuffisant pour impliquer une assimilation de la Poste française à une caisse d’épargne-logement spécialisée au sens de la disposition légale luxembourgeoise, d’autre part, il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le directeur a fait des justes lecture et application de la disposition contenue à l’article 111, alinéa 1er, litt. c) LIR et que le recours dirigé à l’encontre de sa décision laisse d’être fondé et doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, rejette la demande de jonction avec les rôles respectivement inscrits sous les numéros 17508 et 17509 du rôle, reçoit le recours en réformation en la forme, le dit cependant non justifié, partant le rejette, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 8 juillet 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17510
Date de la décision : 08/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-08;17510 ?

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