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08/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17323

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 juillet 2004, 17323


Numéro 17323 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2003 Audience publique du 8 juillet 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17323 du rôle, déposée le 17 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cou

r, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, hôtelière, de...

Numéro 17323 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 décembre 2003 Audience publique du 8 juillet 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17323 du rôle, déposée le 17 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, hôtelière, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 septembre 2003 déclarant irrecevable sa réclamation « tendant à voir réexaminer la situation fiscale de la requérante par suite d’inexactitudes matérielles et de fautes graves commises par le bureau d'imposition »;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2004 par Maître Georges PIERRET pour compte de Madame …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pierre MEDINGER, en remplacement de Maître Georges PIERRET, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mai 2004.

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Ayant été mariée à Monsieur N. B., hôtelier, du 1980 au 15 juillet 1999, Madame …, préqualifiée, rejoignit l’exploitation des hôtels X. des consorts B. et fut occupée à partir du 1er avril 1993 en tant que co-gérante dans les sociétés d’exploitation des différents hôtels.

Par acte de donation du 25 août 1995, Madame … reçut de son père la pleine propriété d’un immeuble sis à Luxembourg, 37, avenue Monterey, et elle fit démolir l’ancienne construction sur ce terrain pour y ériger un nouvel hôtel qu’elle donna, suivant contrat de bail du 29 avril 1999, en location à la société Y., constituée le 19 février 1999 et dont Madame … assurait la direction.

Madame … est en outre depuis le 28 octobre 1997 titulaire d’une autorisation d’établissement pour l’exploitation d’un débit de boissons alcooliques et non-alcooliques avec établissement d’hébergement.

Suite aux dépôts successifs par Madame … des déclarations de l’impôt sur le revenu pour les années 1996 à 1999, le bureau d'imposition Luxembourg 4 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes adressa à Madame … un courrier en date du 31 janvier 2001, lequel, outre de soulever certaines questions et de solliciter des pièces supplémentaires, comporta notamment le passage suivant :

« (…) La construction d’un hôtel sur votre terrain, av. Monterey est à considérer comme gestion de fortune privée. Le loyer est imposable comme revenu de location ! Pendant la période de construction, aucun amortissement ne peut être déduit. Il ne sera calculé qu’à partir de la mise à disposition de l’immeuble qui se situe dans l’année 98 (amortissement à partir de ’99). La valeur du terrain retenue dans l’acte de partage ne peut être reprise dans le tableau d’amortissement. Comme valeur, il y a lieu de mettre en compte le prix payé par le détenteur antérieur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux (voir Art. 102 (3) LIR). Les frais d’acte relatifs au terrain ne sont pas à amortir ! Les frais de comptabilité constituent une dépense privée ! ».

En date du 5 avril 2001, le bureau d'imposition Luxembourg 4 émit à l’égard de Madame … le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1996 à travers lequel la construction de l’hôtel au n° … et le revenu négatif afférent de –1.699.723 LUF déclaré au titre de l’exercice d’une profession libérale furent considérés comme rentrant dans le cadre de la gestion de la fortune privée. Le même bulletin précisa que « construction hôtel av.

Monterey : durant la période de construction, il n’y a pas lieu de déduire un amortissement.

Les frais de comptabilité ne sont pas déductibles ! Les frais et les intérêts sont déduits comme perte de location ! Les frais de sécurité chantier ainsi que les frais de chancellerie sont à inclure dans le prix de revient de la constr. Le prêt BGL … est déduit à raison de 85% du loyer … et à raison de 15% comme dépenses spéciales (…) ».

En date du 25 avril 2002, le même bureau d'imposition émit à l’égard de Madame … les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1997, 1998, 1999 et 2000, lesquelles consacrèrent la même qualification d’opération relevant de la fortune privée pour la construction du susdit hôtel, tout comme le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001 émis le 27 mars 2003.

Par courrier de son conseiller fiscal du 17 juillet 2003, Madame … a fait introduire devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », une requête tendant aux fins suivantes :

« dire que la mise en valeur par la construction suivie de la location de l’hôtel meublé de la requérante situé … et à la lumière des fonctions de la même requérante comme gérante salariée dans l’exploitation hôtelière X. située …et locatrice des biens de la requérante constitue une entreprise commerciale ab ovo ;

dire que les déclarations pour les années 2000 et 2001 de la requérante sont entachées d’inexactitudes matérielles par le fait que les résultats commerciaux établis sur base de comptes annuels ont été indiqués comme revenus de location au lieu de bénéfice commercial, ceci à la suite de la désinformation donnée par le bureau d'imposition compétent en date du 31 janvier 2001 ;

dire que les bulletins d’impôt pour les années 1996 à 2001, émis par le même bureau d'imposition sans instruction valable, faisant état de revenus nets de location, sont faux ;

partant rectifier les assiettes fiscales pour les années 1998 à 2001 non prescrites en matière de l’impôt sur le revenu et de la contribution dépendance de dame … en vertu du § 92 AO endéans les meilleurs délais ;

émettre des bulletins pour l’impôt commercial communal des mêmes années 1998 à 2001, avec déduction des résultats d’exploitation immobiliers conformément au § 9 Ziffer 1 Gewerbesteuergesetz ».

Par courrier du 2 septembre 2003, le mandataire adressa encore au directeur une pièce complémentaire à l’appui de sa prédite requête du 17 juillet 2003.

Par décision du 17 septembre 2003 (n° du rôle C 12075), le directeur déclara cette requête irrecevable aux motifs énoncés comme suit :

« Vu la requête introduite le 18 juillet 2003 par le sieur Guy URBIN au nom de la dame Françoise …, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années :

- 1996, émis le 5 avril 2001 ;

- 1997, 1998, 1999 et 2000, émis le 25 avril 2002 ;

- 2001, émis le 27 mars 2003 ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi, qu’il n’y a pas lieu de la refuser ;

Considérant que le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2001 a été mis à la poste sous pli fermé le 27 mars 2003 ;

Considérant qu’aux termes des §§ 245 et 246 AO, dont la règle a été reprise dans l’instruction sur les voies de recours jointe aux bulletins entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification, qui en cas de simple pli postal est présumée accomplie le troisième jour ouvrable après la mise à la poste ;

Que la requête, datée le 17 juillet 2003, et entrée le 18 juillet 2003, n’a donc pas été introduite dans le délai légal de réclamation ayant expiré le 1er juillet 2003 ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant que l’instruction n’a pas révélé de circonstance susceptible de justifier un relevé de forclusion (§§ 86 et 87 AO) ;

Considérant, en conséquence des développements qui précèdent, que toutes les réclamations entrées le 18 juillet 2003, portant contre les bulletins d’impôt des années antérieures à 2001, notamment de 1996 à 2000, sont également tardives ;

Considérant que c’est à tort que la réclamante entend contester les bulletins litigieux en la forme ;

Que non seulement le bureau d’imposition a correctement appliqué, donc respecté les prescriptions des §§ 205, al. 3 AO, et 211, al. 2 AO, mais que de toutes façons, une non-

observation, telle qu’alléguée, du § 205 prénommé ne saurait pas proroger le délai de réclamation ;

Considérant qu’aux termes du § 252 AO la réclamation tardive est irrecevable ;

P a r c e s m o t i f s dit les réclamations irrecevables ».

A l’encontre de cette décision directoriale du 17 septembre 2003, Madame … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 17 décembre 2003.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une requête par lui qualifiée de réclamation contre un bulletin d’impôt sur le revenu. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que la requête du 17 juillet 2003 soumise en son nom au directeur n’aurait pas constitué une réclamation contre les bulletins d’impôt des années 1996 à 2001, mais une demande au directeur en sa qualité de « Aufsichtsbehörde » de constater les fautes commises par le bureau d'imposition aux fins d’engager les rectifications qui s’imposeraient. Elle soutient que le courrier précité du bureau d'imposition du 31 janvier 2001 véhiculerait une décision quant à la requalification inadéquate de son bénéfice commercial en relation avec la location de l’immeuble sis à Luxembourg, 37, avenue Monterey, laquelle se trouverait à la base des bulletins d’impôt pour les années 1996 à 2001 et constituerait partant une décision passible du « Beschwerdeverfahren » au sens du paragraphe 237 AO. Elle estime que le directeur, en sa prédite qualité, « dispose d’une plénitude de pouvoir emportant pour lui les obligations suivantes : modification de l’imposition ; substitution de son analyse juridique de la situation légale du contribuable à celle faite antérieurement par l’administration (par le bureau d'imposition) ; examen de tous les éléments de fait et de droit d’une situation individualisée ; fixation de la dette du contribuable ». Elle conclut que sa requête du 17 juillet 2003 s’analyserait en une demande de rectification des bulletins d’impôt sur base du paragraphe 92 (2) AO, de constat des fautes commises par le bureau d'imposition sur pied du paragraphe 224 AO et de redressement sur base de faits nouveaux en vertu du paragraphe 222 (1) n° 4 AO.

Il est vrai que le paragraphe 237 AO, en disposant que « gegen andere als die in den Paragraphen 211, 212, 214, 215, 215a und 212a, Absatz 1, und 235 bezeichneten Verfügungen von Steuerbehörden ist lediglich die Beschwerde gegeben », admet la voie de recours de la contestation à l’encontre de toutes les décisions qui ne sont pas des bulletins au sens de la AO. Il n’en reste pas moins que le prétendu élément décisionnel contenu dans le courrier du bureau d'imposition du 31 janvier 2001 consiste en une indication concernant la qualification des revenus et dépenses relatifs à une certaine opération de la demanderesse - la construction d’un hôtel sur le terrain reçu en donation et sa location subséquente - dans le cadre de l’impôt sur le revenu. Or, une telle qualification fait partie intégrante de la détermination de la base de l’impôt sur le revenu, laquelle s’insère dans la phase d’assiette et de liquidation de l’impôt qui constitue une procédure unique sans distinction des décisions préparatoires ayant pour objet exclusif la détermination de la base de l’impôt et dont l’ensemble aboutit à la fixation de la cote d’impôt à travers un bulletin d’impôt, lequel constitue ainsi l’acte d’imposition final seul susceptible d’une voie de recours, en l’occurrence celle prévue par le paragraphe 228 AO. Il s’ensuit que, même à admettre que le courrier précité du 31 janvier 2001 comporte l’élément décisionnel prédécrit, il n’est pas susceptible d’un recours sur pied du paragraphe 237 AO en tant que décision détachable, mais fait partie intégrante des bases d’imposition fixées par les bulletins d’impôt émis à sa suite et doit être critiqué dans le cadre de la voie de recours à introduire contre ces bulletins.

C’est partant à tort que la demanderesse reproche au directeur de ne pas avoir qualifié sa requête du 17 juillet 2003 de contestation d’une décision détachable au sens du paragraphe 237 AO et c’est à bon droit que le directeur a estimé que les demandes dans ladite requête – tendant à voir « dire que la mise en valeur par la construction suivie de la location de l’hôtel meublé de la requérante … constitue une entreprise commerciale ab ovo » et « dire que les bulletins d’impôt pour les années 1996 à 2001 … faisant état de revenus nets de location, sont faux » - sont à qualifier de critiques contre les bulletins d’impôt des années en cause et qu’il a considéré la requête du 17 juillet 2003 comme véhiculant une réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 1996 à 2001. C’est encore à bon droit que le directeur a déclaré la réclamation contre ces mêmes bulletins d’impôt irrecevable pour raison de tardiveté.

Dans la mesure encore où la demanderesse entend voir sa requête du 17 juillet 2003 qualifiée de demande de rectification des bulletins d’impôt sur base du paragraphe 92 (2) AO ou de demande de redressement sur base de faits nouveaux en vertu du paragraphe 222 (1) n° 4 AO, force est constater que la rectification d’un bulletin d’impôt rentre dans la compétence exclusive du bureau d'imposition et que le directeur ne peut ainsi être utilement saisi d’une telle demande. En outre, si les dispositions des paragraphes 222 (1) n° 4 et 224 AO ont certes pour but d'empêcher que des erreurs d'imposition soient maintenues pour la seule raison que le contribuable a omis de réclamer en temps utile, le contribuable ne peut cependant pas obliger l'administration de procéder à de nouvelles investigations et le refus de celle-ci d'instruire à nouveau sur la situation du contribuable n'est susceptible d'aucun recours (CE 6 janvier 1960, n° 5609).

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que c’est à juste titre que le directeur a déclaré la requête du 17 juillet 2003 introduite pour compte de la demanderesse irrecevable et que le recours sous analyse laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 8 juillet 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17323
Date de la décision : 08/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-08;17323 ?

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