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07/07/2004 | LUXEMBOURG | N°18298

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2004, 18298


Tribunal administratif Numéro 18298 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juin 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18298 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité algérien...

Tribunal administratif Numéro 18298 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juin 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18298 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 10 juin 2004 prorogeant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de l'arrêté en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 2004.

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Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre de la Justice du 11 mai 2004 au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois. Par arrêté ministériel du 10 juin 2004, notifié le même jour à l'intéressé, la mesure de placement fut prorogée pour la durée d'un mois.

Cette décision de prorogation est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 11 mai 2004 décidant du placement temporaire de l'intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un document de voyage valable ;

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qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

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qu’il est susceptible de constituer par son comportement un danger pour l’ordre et la sécurité publics;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 11 mai 2004 ;

- qu’il est en possession d’un document émis en date du 26 octobre 2002 par les autorités norvégiennes attestant le dépôt d’une demande d’asile en Norvège ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu des dispositions du règlement no CE 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités norvégiennes en date du 17 mai 2004 ;

- qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 28 juin 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel de prorogation de placement du 10 juin 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 10 juin 2004. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que les autorités administratives compétentes seraient restées en défaut de faire tous les efforts et toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard. Il estime que la condition posée par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 relative à l’exigence d’une nécessité absolue en cas de prorogation d’une décision de placement ne serait pas remplie en l’espèce, l’autorité administrative compétente étant restée en défaut de démontrer qu’elle n’aurait pas été en mesure de procéder à l’exécution matérielle de son éloignement dans un délai plus bref.

Il relève plus particulièrement à cet égard qu’il existerait depuis le 2 juin 2004 une possibilité effective de transfert, étant donné qu’il y aurait lieu d’admettre une acceptation tacite de la part des autorités norvégiennes depuis cette date et que partant l’impossibilité d’un refoulement dans son chef aurait fait défaut dès lors qu’il aurait été possible aux autorités luxembourgeoises de le refouler vers la Norvège sur base des articles 16 (1) e) et 20 b) du règlement CE 343/2004 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers.

Le demandeur fait valoir en outre que le Centre pénitentiaire de Schrassig ne serait pas à considérer comme un établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Le délégué du Gouvernement relève que la demande adressée en date du 17 mai 2004 aux autorités norvégiennes n’avait pas encore fait l’objet d’une réponse à la date de la prise de la décision litigieuse, de sorte qu’une nouvelle mesure de placement a dû être prise. Il signale en outre que les autorités luxembourgeoises se sont de nouveau adressées à la direction de l’immigration norvégienne le 21 juin 2004 pour l’informer que la Norvège, à défaut d’une réponse, était considérée comme responsable pour la reprise de Monsieur …. Il signale en outre qu’en date du 28 juin 2004, les autorités norvégiennes ont répondu que sur base des photos qui leur avaient été envoyées elles n’étaient pas en mesure de donner leur accord à la reprise, alors que les photos prises à Luxembourg et celles prises en Norvège montreraient des personnes qui ne se ressembleraient absolument pas. Ainsi, afin de procéder à l’établissement de l’identité de la personne concernée, les autorités norvégiennes ont demandé l’envoi des empreintes digitales, raison pour laquelle le transfert de Monsieur … vers la Norvège prévu pour le vendredi 2 juillet 2004, a dû être annulé, en attendant la réponse définitive des autorités concernées.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que dans ces circonstances, même si à première vue un transfert était théoriquement possible vers la Norvège, il n’en resterait pas moins qu’une mesure de rapatriement doit être préparée, étant donné qu’il n’y a pas de vol direct vers Oslo et que de toute façon une escorte de la part de la police judiciaire doit être prévue. Compte tenu des frais inhérents à un tel voyage sous escorte, il estime que c’est à juste titre que les autorités luxembourgeoise tiennent à avoir préalablement l’accord écrit du pays vers lequel le rapatriement doit être opéré afin de ne pas exposer inutilement des frais.

Quant au caractère approprié du lieu de placement retenu, le représentant étatique relève que Monsieur … est placé dans un Centre de séjour spécialement créé pour les personnes en situation irrégulière et qu’un demandeur d’asile pour lequel un autre pays est responsable serait à assimiler à un étranger en situation irrégulière à cet égard.

Conformément aux dispositions de l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une mesure de placement peut « en cas de nécessité absolue être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois. » Il se dégage du libellé de la disposition légale prérelatée que le tribunal, appelé à statuer par rapport à une décision de prorogation d’une mesure de placement, doit analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rendait la prorogation de la décision de placement inévitable.

A cet égard le demandeur reproche aux autorités luxembourgeoises de rester en défaut de justifier de la nécessité absolue de proroger la mesure de placement pour la durée d’un mois.

Il se dégage des pièces versées au dossier que le ministre de la Justice a contacté les autorités norvégiennes en date du lundi 17 mai 2004 seulement, soit plus de trois jours ouvrables après la prise de la décision de placement initiale, et que cette demande, d’après les indications figurant sur le formulaire afférent versé au dossier administratif, ne comportait ni un numéro de référence Eurodac, ni une photo de l’intéressé, la case « image of applicant included » n’étant pas cochée. Il est encore constant que cette demande fut complétée par des photos lesquelles n’ont été expédiées qu’en date du 17 juin 2004 et il se dégage des renseignements fournis au dossier et plus particulièrement du courrier télécopié des autorités norvégiennes du 18 juin 2004, qu’au vu de problèmes d’identification de la personne concernée rencontrés lors de la comparaison des photos envoyées par les autorités luxembourgeoises avec celles prises en Norvège, une demande en communication d’empreintes digitales fut adressée aux autorités luxembourgeoises en date du 21 juin 2004, laquelle, à la date du 28 juin 2004, n’avait pas encore été suivie d’effet.

Si le tribunal admet la possibilité même de problèmes d’identification pouvant se présenter dans le cadre d’une demande de reprise sur base du règlement n° 343/2003 précité, il n’en reste cependant pas moins que le retard accumulé dans le traitement du dossier sous examen, à la date où le tribunal est amené à statuer, compte tenu notamment des possibilités actuelles d’identification d’une personne par la prise d’empreintes digitales dans les délais les plus brefs, est imputable pour le moins en partie aux autorités luxembourgeoises, de sorte que la condition relative à une nécessité absolue pour justifier l’arrêté ministériel litigieux n’est plus remplie à l’heure actuelle.

Il y a partant lieu de réformer l’arrêté ministériel déféré et d’ordonner la mise en liberté immédiate du demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le dit justifié, partant, par réformation, ordonne la mise en liberté immédiate du demandeur ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juillet 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18298
Date de la décision : 07/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-07;18298 ?

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