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07/07/2004 | LUXEMBOURG | N°18091

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2004, 18091


Tribunal administratif N° 18091 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mai 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18091 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2004 par Maître Benoit DELZELLE, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Arménie), de nationalité arménienne, demeurant actuellement à L-…, t

endant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26...

Tribunal administratif N° 18091 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mai 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18091 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2004 par Maître Benoit DELZELLE, avocat, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Arménie), de nationalité arménienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 février 2004 déclarant manifestement infondée la demande en obtention du statut de réfugié introduite par le demandeur et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 26 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Benoit DELZELLE en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 juin 2004 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 28 juin 2004 ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Max WELBES et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 2004.

Monsieur … introduisit le 28 janvier 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 26 février 2004, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

En cours d’audition, il refusa de continuer celle-ci et d’en signer le procès-verbal au motif qu’il sollicite la présence d’un avocat et d’un interprète arménien et non pas russe.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 26 février 2004, lui envoyée par lettre recommandée le 9 mars 2004, de ce que sa demande est refusée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Il indique plus précisément que le fait de ne pas vouloir parler une langue qu’on maîtrise, à savoir le russe, constitue un manque flagrant de coopération et un refus de s’acquitter d’obligations dans le cadre de la procédure d’asile.

Par courrier d’un avocat du 25 mars 2004, il fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 26 avril 2004, envoyée par lettre recommandée le 27 avril 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus antérieure.

Par requête déposée le 24 mai 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles des 26 février et 26 avril 2004.

En date du 28 juin 2004, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre à la partie demanderesse de prendre position face au fait que la requête introductive d’instance est signée par Maître Benoit DELZELLE, avocat, pour Maître Max WELBES empêché, avocat à la Cour, dans la mesure où l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives exige que tout recours en matière contentieuse introduit devant le tribunal administratif soit formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils de l’Ordre des avocats.

A l’audience publique à laquelle l’affaire a été fixée pour continuation des débats, Maître Max WELBES a fait valoir que l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne prévoit pas de sanction en cas de non respect des dispositions y énoncées. Il estime qu’en vertu de l’article 29 de la même loi, l’irrecevabilité du recours serait soumise à la condition d’une violation des droits de la défense, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce, de sorte que le recours ne serait pas irrecevable.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part qu’il s’agirait en l’espèce d’une question d’ordre public et que le recours sous analyse devrait être déclaré irrecevable.

L’article 1 de la loi modifiée du 21 juin 1999 dispose :

« Tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif, dénommé ci-après «tribunal», est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats.

La requête, qui porte date, contient :

- les noms, prénoms et domicile du requérant, - la désignation de la décision contre laquelle le recours est dirigé, - l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, - l’objet de la demande, et - le relevé des pièces dont le requérant entend se servir. » L’article 29 de la loi modifiée du 21 juin 1999 dispose :

« L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l'irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

L’article 1er ne prévoyant pas de sanction spécifique, il y a lieu de se référer au commentaire de l’article afférent qui est libellé comme suit :

« La procédure reprend pour l’essentiel les dispositions de l’arrêté royal grand-

ducal du 21 août 1866, tout en le complétant en fonction des dispositions contenues à l’article 61 du code de procédure civile relatif au contenu des assignations en matière civile et commerciale.

Il a paru indiqué de ne pas prévoir les énonciations y prévues sous peine de nullité, eu égard au principe, formulé de manière expresse à l’article 261, qu’il n’a y lieu à nullité qu’au cas où l’inobservation d’une formalité a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense2 ».

De la lecture de l’article 1er et du commentaire y relatif, il résulte qu’il y a lieu de distinguer clairement entre les dispositions de ses alinéas 1er et 2.

En effet en ce qui concerne les énonciations de la requête (nom du requérant, désignation de la décision, exposé sommaire des faits et moyens, objet de la demande, relevé des pièces), l’inobservation des règles prescrites n’entraîne l’irrecevabilité de la demande, conformément à l’article 29 de la loi modifiée du 21 juin 1999, que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense.

Cependant la même conclusion ne saurait être retenue en ce qui concerne les prescriptions inscrites à l’alinéa 1er en ce qu’elles exigent que tout recours en matière contentieuse introduit devant le tribunal administratif est formé par requête signée d’un avocat à la Cour inscrit à un des tableaux dressés par les conseils de l’Ordre des avocats.

En effet l’exigence du recours à un avocat à la Cour en matière administrative s’analyse en une condition essentielle de la procédure contentieuse applicable d’autant plus 1 L’actuel article 29 2 Doc. parl. N° 4326, p. 13 que cette condition est intiment liée aux dispositions de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat et dont le non-respect aboutirait à méconnaître les compétences respectives des avocats à la Cour et des avocats. En effet en application de l’article 9, paragraphe 1 de la loi modifiée du 10 août 1991, seuls les avocats à la Cour sont habilités à accomplir les actes pour lesquels les lois et règlements prescrivent le ministère d’avocat à la Cour, de sorte qu’un avocat ne saurait valablement signer, fût-ce pour compte d’un avocat à la Cour, une requête introductive d’instance devant le tribunal administratif, faute de qualité légalement exigée pour ce faire.

Or, en l’espèce, il est constant que le recours dont le tribunal est appelé à connaître a été signé par Maître Benoit DELZELLE, qui n’a pas encore la qualité d’avocat à la Cour, pour Maître Max WELBES empêché.

Dans la mesure où la signature d’un avocat à la Cour est une condition essentielle de la procédure contentieuse, toute insuffisance y relative constitue un vice entachant la requête introductive d’instance et entraîne l’irrecevabilité du recours3.

Il s’en suit que le recours introduit est irrecevable.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juillet 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 3 cf. TA 6 avril 2000, n° du rôle 11882, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, IV. Requête introductive d’instance, p. 535.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18091
Date de la décision : 07/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-07;18091 ?

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