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07/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17810

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2004, 17810


Tribunal administratif N° 17810 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17810 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur …, … , né le … (Biélorussie), de nationalité biélorusse, demeurant actuellement à L...

Tribunal administratif N° 17810 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mars 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17810 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mars 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , né le … (Biélorussie), de nationalité biélorusse, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 décembre 2003, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 2004.

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Le 30 janvier 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.Il fut encore entendu en date du 20 mai 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision du 5 décembre 2003, notifiée en mains propres le 26 février 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans son chef.

Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée par requête déposée en date du 24 mars 2004.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation au motif que seul un recours au fond serait prévu en la matière.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire, est dès lors irrecevable.

Quant au fond, Monsieur … fait exposer à l’appui de son recours qu’il aurait été membre en Biélorussie du parti libéral démocrate de Russie et qu’il aurait de ce fait été persécuté par la milice. Il relate à ce sujet avoir fait l’objet de violences physiques de la part de la milice et avoir été détenu pendant 24 heures par la milice à l’occasion d’une manifestation pour le parti en avril 2002.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Force est de constater qu’il se dégage des déclarations même du demandeur, qui se considère comme n’ayant été qu’un « membre ordinaire du parti », que ses problèmes en Biélorussie, qualifiés par lui-même de « quelques petits ennuis », trouvent leur origine dans le fait que lui-même a assené des coups aux agents de la milice à l’occasion d’un meeting politique en avril 2002, suite à quoi il aurait été roué de coups et aurait ensuite été détenu pendant 24 heures par la milice.

Le demandeur ne fait par ailleurs pas état de sévices ou de mauvais traitements de la part de la milice à l’occasion de sa détention, mais qualifie lui-même ses conditions de détention comme étant « tout à fait normales ».

Il résulte encore des déclarations du demandeur qu’il aurait été accusé et détenu en 1999 pour avoir agressé verbalement un agent de milice.

Or tant le fait d’être arrêté par la milice pour avoir assené des coups aux forces de l’ordre à l’occasion d’une manifestation, que celui d’être poursuivi en justice pour avoir agressé verbalement un agent de milice, ne sauraient être considérés comme constitutifs de persécutions au sens de la Convention de Genève, alors qu’il ne saurait être raisonnablement reproché aux les autorités de poursuivre des faits constitutifs de délits de droit commun, sinon de troubles à l’ordre public.

Le tribunal constate que le demandeur ne fait, à part ces deux incidents, mention d’aucun fait concret laissant supposer un danger pour sa personne.

Il se dégage en fait des déclarations faites par le demandeur tant devant la police grand-ducale que devant les services du ministère de la Justice que les craintes exprimées se basent uniquement sur la situation générale en Biélorussie (« J’ai peur du président biélorusse, des autorités. Je voudrais que la démocratie soit instaurée dans mon pays et que le régime démocratique vienne remplacer le régime totalitaire que connaît mon pays actuellement ») et sur sa propre situation matérielle (« J’ai eu du mal à trouver un emploi » « De façon générale, il devient difficile pour une personne de trouver un emploi une fois que son nom est fiché par la milice. Et surtout, un emploi bien rémunéré »), voire sur l’attrait du Luxembourg (« Ich finde Luxemburg ist ein schönes Land und möchte demzufolge hier Asyl beantragen »).

De tels craintes et circonstances ne sauraient cependant justifier l’obtention du statut de réfugié, étant donné qu’ils s’analysent en substance en un vague sentiment général d’insécurité.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation formulé à titre subsidiaire irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juillet 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17810
Date de la décision : 07/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-07;17810 ?

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