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07/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17683

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2004, 17683


Tribunal administratif Numéro 17683 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17683 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2004 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Tunisie), de nationalité tunisienne...

Tribunal administratif Numéro 17683 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17683 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2004 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Tunisie), de nationalité tunisienne, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 22 décembre 2003, notifiée le 18 février 2004, par laquelle ce dernier a déclaré que le Luxembourg était incompétent pour statuer sur sa demande en obtention du statut de réfugié et qu’en vertu des dispositions de l’article 8 de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 c’est la République d’Allemagne qui est responsable du traitement de sa demande d’asile ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude DERBAL et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 2004.

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En date du 13 juillet 2001, Monsieur … introduisit une demande de régularisation dans le cadre de la procédure dite de « régularisation » des étrangers en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois s’étant étendue du 15 mai au 13 juillet 2001, auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille.

Par courrier datant du 19 mars 2002, le ministre de la Justice, d’une part, et le ministre du Travail et de l’Emploi, d’autre part, ont refusé de faire droit à cette demande de régularisation et invité l’intéressé à quitter le Luxembourg dans un délai d’un mois.

Le recours contentieux que Monsieur … a fait introduire à l’encontre de cette décision par requête déposée le 5 septembre 2002 s’est soldé par un jugement du tribunal administratif du 28 avril 2002 portant annulation des décisions déférées des ministre de la Justice et du Travail et de l’Emploi du 19 mars 2002 tel que confirmées sur recours gracieux en date du 29 mai 2002, le dossier ayant été renvoyé par le même jugement aux deux ministres respectivement concernés.

Monsieur … a ensuite introduit au Luxembourg le 24 juillet 2003 une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951.

Suivant décision datant du 22 décembre 2003, notifiée le 18 février 2004, le ministre a retenu qu’en vertu des dispositions de l’article 8 de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990, approuvée par une loi du 20 mai 1993, ci-après dénommée « la Convention de Dublin », ce n’est pas le Grand-Duché de Luxembourg qui est responsable du traitement de cette demande d’asile, mais la République Fédérale d’Allemagne.

Par requête déposée en date du 3 mars 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision prévisée du ministre de la Justice du 22 décembre 2003.

A l’appui de son recours le demandeur soutient que les dispositions de la Convention de Dublin ne seraient pas applicables en l’espèce, étant donné qu’au sens de cette Convention en entend par demandeur d’asile un étranger ayant présenté une demande d’asile sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement et qu’en l’espèce les autorités allemandes auraient définitivement statué sur sa demande en refusant d’y faire droit. Il relève pour le surplus avoir renoncé à sa demande d’asile formulée en Allemagne, de sorte qu’en tout état de cause la Convention de Dublin n’aurait pas pu être utilement invoquée à son encontre.

Subsidiairement, dans l’hypothèse où le tribunal estimerait que la Convention de Dublin est applicable au litige sous examen, il fait état du fait qu’avant d’avoir formulé une demande d’asile en Allemagne il aurait préalablement séjourné au Grand-Duché de Luxembourg où il avait formulé une demande de régularisation le 13 juillet 2001 et que durant le traitement de cette demande de régularisation le ministre de la Justice lui aurait accordé une autorisation de séjourner sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg sur une période de plus de six mois ayant couru du 31 octobre 2001 au 2 mai 2002. Le demandeur estime que dans ces circonstances c’est au Grand-Duché de Luxembourg que reviendrait la compétence pour connaître de sa demande d’asile et non aux autorités allemandes. Le demandeur relève finalement qu’au prescrit de l’article 11.5. de la loi du 20 mai 1993 portant application de la Convention de Dublin, son transfert vers la République Fédérale d’Allemagne aurait dû intervenir au plus tard un mois après l’acceptation de la prise en charge datant du 18 décembre 2003, soit au plus tard le 18 janvier 2004.

Le délégué du Gouvernement rétorque que dès le moment qu’il y a eu introduction d’une demande d’asile au Luxembourg, la Convention de Dublin serait applicable et que dans ce contexte il ne saurait être reproché au ministre de la Justice de ne pas avoir informé les autorités allemandes d’un séjour antérieur au Luxembourg, étant donné que seul le séjour régulier serait pris en compte dans le cadre de l’article 5 de la Convention de Dublin, cette régularité étant formellement contestée en l’espèce, alors que le seul document délivré au demandeur lors de l’instruction de sa demande de régularisation aurait été une simple copie conforme de son passeport laquelle fut prolongée de mois en mois et ce afin de permettre au demandeur de s’identifier en cas d’éventuels contrôles policiers. Quant au délai de transfert vers l’Allemagne, le représentant étatique relève que force serait de constater qu’aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect dudit délai.

La demande d’asile sous examen ayant été introduite avant la date prévue à l’article 29 deuxième alinéa du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, lequel a abrogé la Convention de Dublin, la détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de cette demande est à effectuer conformément aux critères énoncés dans la Convention de Dublin.

Aux termes de l’article 3, 4. de la Convention de Dublin « Chaque Etat membre a le droit d’examiner une demande d’asile qui lui est présentée par un étranger, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères définis par la présente Convention, à condition que le demandeur d’asile y consente.

L’Etat membre responsable en application des critères précités est dès lors libéré de ses obligations qui sont transférées à l’Etat membre qui souhaite examiner la demande d’asile. Ce dernier Etat en informe l’Etat membre responsable en application desdits critères si celui-ci a été saisi de cette demande. » Il se dégage de la disposition prérelatée qu’en l’espèce la République Fédérale d’Allemagne, à laquelle le demandeur s’est volontairement adressé pour introduire une demande d’asile, par le fait d’avoir examiné cette demande, a libéré de ses obligations tout autre Etat membre qui aurait pu être responsable, le cas échéant, en application des critères prévus par la Convention de Dublin.

Parmi les obligations incombant à l’Etat membre qui a examiné une demande d’asile présentée par un étranger figurent les obligations de prise ou de reprise en charge énoncées à l’article 10, 1., sub a) à e), de sorte que même à supposer que le demandeur ait effectivement été débouté de sa demande d’asile formulée en Allemagne et que sa « renonciation » à cette demande d’asile soit effectivement opposable aux autorités allemandes, celles-ci demeurent néanmoins responsables de l’examen de la demande d’asile présentée par la suite au Grand-

Duché de Luxembourg en date du 24 juillet 2003 et elles étaient dès lors obligées de rependre le demandeur par application de la Convention de Dublin.

Cette conclusion ne saurait être énervée par les moyens du demandeur basés sur une violation alléguée des articles 6, 7 et 10, 2. de la loi du 20 mai 1993 précitée, étant donné que l’hypothèse énoncée audit article 6 d’un demandeur d’asile ayant franchi irrégulièrement la frontière d’un Etat membre par lequel il peut être prouvé qu’il est entré n’est pas pertinente en l’espèce, la même conclusion s’imposant relativement à l’article 7 précité épinglant également une question de contrôle de l’entrée de l’étranger. Quant à l’article 10.2., disposant que « si un Etat membre délivre au demandeur d’asile un titre de séjour d’une durée supérieure à trois mois, les obligations prévues au paragraphe 1. a) à e) lui sont transférées », force est encore de constater qu’il ne saurait être utilement invoqué en l’espèce, étant donné que le demandeur n’établit pas disposer d’un quelconque titre de séjour d’une durée supérieure à trois mois au Grand-Duché de Luxembourg.

En effet, la pièce invoquée à ce titre, en l’occurrence une photocopie du passeport du demandeur comportant différentes inscriptions manuscrites de prolongation y apposées pour le ministre de la Justice, ne saurait en aucun cas valoir autorisation de séjour au Grand-

Duché de Luxembourg, ceci d’autant plus que celle-ci a été explicitement refusée au demandeur.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’à partir du moment où les autorités allemandes, auxquelles le demandeur s’est volontairement adressé, ont accepté d’instruire la demande d’asile introduite par Monsieur … en date du 3 décembre 2002, les autorités luxembourgeoises, par application de la Convention de Dublin, ont valablement pu solliciter une reprise en charge du demandeur par les autorités allemandes, ceci indépendamment du fait que l’intéressé a séjourné préalablement au pays, étant entendu que ledit séjour ne saurait en tout état de cause pas être considéré comme ayant été régulier.

Quant au moyen basé sur le non-respect du délai de transfert prévu par la Convention de Dublin, force est encore de constater qu’il reste sans incidence sur la régularité de la décision d’incompétence elle-même, de manière à ne pas pouvoir être utilement invoqué dans la présente instance.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juillet 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17683
Date de la décision : 07/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-07;17683 ?

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