La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17544

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2004, 17544


Tribunal administratif Numéro 17544 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2004 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, de nationalité polonaise, demeurant à L-… , tendant à l’annulation d’une décision du ministre

du Travail et de l’Emploi du 6 novembre 2003 lui refusant le permis de travail ;

Vu le mémo...

Tribunal administratif Numéro 17544 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2004 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2004 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, de nationalité polonaise, demeurant à L-… , tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 6 novembre 2003 lui refusant le permis de travail ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2004 par Maître Pol URBANY ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Maître Fabienne RISCHETTE, en remplacement de Maître Pol URBANY, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 2004.

Le 22 juillet 2003, la société … s.à r.l. ci-après « la société … » fit parvenir à l’administration de l’Emploi, ci-après « ADEM », une déclaration de place vacante pour 2 postes de chauffeur routier international en possession d’un permis de conduire CE et ADR.

Par une déclaration d’engagement datée du 28 août 2003, la société … s.à.r.l.

introduisit auprès de l’ADEM une demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur …, de nationalité polonaise, en tant que chauffeur.

Par une décision du 6 novembre 2003, le ministre du Travail et de l’Emploi décida :

« Article 1er Le permis de travail est refusé à .., né le … , de nationalité polonaise, pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 22 chauffeurs internationaux inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen - occupation irrégulière depuis le 25.08.2003 - recrutement à l’étranger non autorisé(…)» Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle de refus du 6 novembre 2003.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur reproche tout d’abord au ministre d’avoir refusé la délivrance d’un permis de travail en faisant référence à la situation globale et à l’organisation du marché de l’emploi. Il fait valoir que le ministre resterait en défaut de prouver l’existence de demandeurs d’emploi aptes et qualifiés dans la profession pour laquelle le permis a été sollicité et que la seule mention de la disponibilité de 22 chauffeurs internationaux ne saurait suffire à cet égard.

Concernant le motif d’annulation basé sur un défaut d’indication suffisante des motifs, il y a lieu de relever qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tandis que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes dispose que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et qu’une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

En l’espèce, la décision ministérielle du 6 novembre 2003 énonce quatre motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant été utilement complétée et explicitée par le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision ministérielle déférée, étant relevé qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

En l’espèce, parmi les quatre motifs invoqués à la base du refus ministériel déféré figure celui du recrutement à l’étranger non autorisé.

Le représentant étatique expose à ce sujet que Monsieur … n’aurait pas et n’aurait jamais eu d’autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg et que suivant la déclaration d’engagement il serait domicilié en Pologne, de sorte qu’il serait à considérer comme ayant été recruté à l’étranger faute d’être en possession d’une autorisation de séjour au Luxembourg. Il fait valoir que l’employeur aurait dû solliciter en premier lieu l’autorisation en vue de recruter un travailleur à l’étranger auprès de l’ADEM, ce qu’il n’aurait pas fait.

Le demandeur fait valoir que contrairement aux affirmations du délégué du Gouvernement selon lesquelles il aurait été recruté à l’étranger, il se serait présenté lui-même auprès de la société … pour solliciter un emploi. Il ajoute que la société … n’aurait jamais entamé des recherches pour recruter du personnel à l’étranger et notamment en Pologne, dans la mesure où elle se serait adressée le 16 août 2002 à l’ADEM pour déclarer une vacance de poste.

Concernant le motif de refus basé sur le recrutement non autorisé à l’étranger de Monsieur …, il y a lieu de constater que conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art.

16).

En l’espèce, il n’est pas contesté qu’au moment où a été prise la décision Monsieur … n’avait pas d’autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il est à considérer comme ayant été recruté à l’étranger. A ce titre les affirmations qu’en fait le demandeur lui-même avait contacté son employeur pour solliciter un travail n’enlèvent rien.

En effet il importe peu de savoir de quelle façon l’engagement de Monsieur … a eu lieu in concreto, à partir du moment où il n’est pas contesté que Monsieur … travaille en tant que chauffeur international pour la société …. En effet il résulte des mémoires de la partie demanderesse que suite aux 13 assignations effectuées par l’ADEM, aucune des personnes qui se sont présentées ne répondait aux critères d’embauche tels que précisés dans la déclaration de poste vacant, de sorte que la société … était dès lors obligée de recruter par d’autres voies que celle de l’ADEM.

Même à admettre qu’aucune des personnes assignées ne corresponde aux critères retenus par l’employeur, il n’en reste pas moins que l’employeur doit se soumettre à la formalité telle que prévue par l’article 16 (2) cité ci-avant. Dans la mesure où aucun élément du dossier tel que présenté en cause ne permet d’établir que le recrutement à l’étranger de Monsieur … fut dûment autorisé, les faits à la base du motif de refus sous examen sont à considérer comme étant établis en cause.

La méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de la loi du 21 février 1976, précitée, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 à 25.000 € toute personne qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation.

Au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par l’article 41 prévisé, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à l’article 16 (2) précité est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail.

A cet égard, il a été décidé par la Cour administrative que l’article 16 (1) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, III.

Permis de travail, n° 52, p. 622).

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant fondées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi » peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que le tribunal, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, est appelé à vérifier si les dispositions de l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, ont été observées.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au-delà de toute question ayant pu se poser en l’espèce au sujet de la disponibilité effective de ressortissants de l’Union Européenne ou de l’E.E.E. bénéficiant d’une priorité à l’emploi et susceptibles de pouvoir utilement occuper le poste de travail en question, l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait à la date où il a été pris par le seul constat du non-

respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17544
Date de la décision : 07/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-07;17544 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award