La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2004 | LUXEMBOURG | N°16088a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2004, 16088a


Tribunal administratif Numéro 16088a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2003 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Revu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le.., demeurant à L-.., tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 6 janvier 2003

rejetant la demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie D ;

Vu le ju...

Tribunal administratif Numéro 16088a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2003 Audience publique du 7 juillet 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Revu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2003 par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le.., demeurant à L-.., tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 6 janvier 2003 rejetant la demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie D ;

Vu le jugement du 18 juin 2003 instituant avant tout autre progrès en cause une expertise en nommant experts les docteurs Roland HIRSCH, Gilles KIEFFER et Carlo KNAFF avec la mission plus amplement définie en son dispositif ;

Vu l’ordonnance de prorogation des délais du 19 janvier 2004 pour la remise du rapport d’expertise ;

Vu le rapport d’expertise des docteurs Roland HIRSCH, Gilles KIEFFER et Carlo KNAFF déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2004 ;

Vu la certification du règlement des frais d’expertise par la partie demanderesse en date du 18 juin 2004 ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Maître Pierre PROBST ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 juillet 2004.

Le 16 juillet 2002, Monsieur …, titulaire du permis de conduire des catégories A et B, introduisit une demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie D.

Le 24 juillet 2002, il fut invité par la commission médicale telle que prévue par l’article 90, paragraphe 2 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques de produire un rapport neurologique récent.

Le 25 juin 2002, le docteur I. RIEKEL-CLASEN présenta un certificat médical ayant la teneur suivante :

« Monsieur … né le … a présenté pendant son enfance une épilepsie Petit Mal absences pour laquelle il a suivi un traitement antiépileptique de 1981 à 1985. Les dernières absences ont été observées en 1981.

Le malade n’a donc plus présenté d’épisode critique depuis 21 ans et tous les EEG enregistrés depuis 1981 sont restés normaux (le suivi EEG avait été régulier jusqu’en 1991).

Le malade vient de se présenter à ma consultation le 05/06/2002 pour un contrôle neurologique et EEG en vue de l’obtention d’un permis de conduire un bus.

L’examen neurologique est dépourvu d’anomalie, tout comme l’EEG.

Après une période asymptomatique aussi prolongée je suis d’avis qu’il n’existe pour le moment plus de contre-indication médicale à ce que Monsieur … passe le permis en question ».

Le 4 septembre 2002, la commission médicale, se ralliant à l’avis négatif du docteur KRATZENBERG du 8 novembre 2002, proposa au ministre des Transports de refuser l’apprentissage du permis de conduire de la catégorie D à Monsieur ….

Le 6 janvier 2003, le ministre des Transports, considérant que Monsieur … souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire, prit à l’égard de ce dernier une décision dont l’article 1er est libellé de la façon suivante : « la demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie D présentée par Monsieur …, préqualifié est rejetée ».

Le 5 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre cette décision.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir que ce serait à tort que le ministre estime qu’il souffre d’infirmités susceptibles d’entamer ses capacités et aptitudes à conduire.

Pour étayer ses dires, il s’appuie sur un premier certificat médical établi le 25 juin 2002 par le docteur I. RIEKEL-CLASEN, précité, et sur un deuxième établi le 27 mars 2003 par le docteur C.JACOBY, ces deux certificats retenant qu’il n’y a pas de restriction à sa faculté de conduire un véhicule automoteur.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que la commission médicale, après avoir vu et entendu l’intéressé en date du 4 septembre 2002 et en se basant notamment sur les certificats médicaux du docteur FISCHER et du docteur RIEKEL et suivant l’avis du docteur KRATZENBERG estimant que même s’il subsiste un risque minimal, l’octroi d’un permis de conduire pour exercer la profession de chauffeur professionnel n’est pas indiqué, a proposé de refuser le permis de conduire de la catégorie D. Il constate qu’en présence des avis contraires des médecins spécialistes consultés, seule une expertise pourrait être envisagée.

Par un jugement du 18 juin 2003 (n° du rôle 16088), le tribunal administratif a reçu le recours en annulation en la forme et, avant tout autre progrès en cause, a nommé trois experts médecins avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de savoir si l’épilepsie présentée par Monsieur … pendant son enfance, compte tenu de la période asymptomatique prolongée, est susceptible d’entraver encore aujourd’hui ses aptitudes ou capacités de conduire un véhicule de la catégorie D.

Le collège d’experts constitué par les docteurs Roland HIRSCH, Gilles KIEFFER et Carlo KNAFF a déposé son rapport d’expertise en date du 2 mars 2004. Il conclut que Monsieur … « est apte à l’obtention d’un permis de conduire de la catégorie D à condition de prévoir des contrôles neurologiques et électroencéphalographiques à intervalles réguliers ».

Pour arriver à cette conclusion les experts ont retenu que : « Le patient a donc présenté une pathologie de type absence au cours de la deuxième décennie de son existence. Il s’agit dans la grande majorité des cas d’une pathologie bénigne, spontanément régressive après la puberté avec un pronostic excellent à long terme.

Le patient ne présente pas de pathologie somatique ou psychiatrique surajoutée.

L’évolution très favorable avec disparition complète des absences depuis plus de 21 ans a été objectivée aux différents contrôles neurologiques et électroencéphalographiques.

D’un point de vue neurologique le risque actuel de faire un malaise épileptique de type absence n’est pas significativement supérieur à celui de la population normale.

Les dispositions actuelles en vigueur en Allemagne concernant les permis de conduire avec transport de personnes exigent une absence de crise épileptique sans traitement médical d’une durée supérieure à cinq ans.

Ces dispositions sont largement réalisées dans le cas de Monsieur …… ».

Aucune des parties n’a présenté des conclusions écrites postérieurement au dépôt du rapport d’expertise, ni n’a demandé l’autorisation de ce faire.

A l’audience, le demandeur fait valoir que le rapport d’expertise serait très clair et lui serait largement favorable, de sorte que la décision déférée devrait être annulée. Le délégué du Gouvernement s’est rapporté à prudence de justice.

Le tribunal n’est appelé à s’écarter de l’avis des experts par lui commis qu’avec une grande prudence, dès lors qu’il a de justes motifs d’admettre que les experts se sont trompés ou lorsque l’erreur de ceux-ci résulte d’ores et déjà soit de leur rapport, soit d’autres éléments acquis en cause (TA 29 septembre 1998, n° 9849a du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, VI. Production de pièces-mesures d’instruction, n° 297, p. 558 et autres décisions y citées).

Au vu des conclusions des experts, ensemble leur argumentaire et la référence aux lignes de conduite actuelles applicables en Allemagne selon lesquelles une absence de crise épileptique sans traitement médical d’une durée supérieure à cinq ans est exigée des personnes désireuses de faire le permis de conduire avec transport de personnes, ainsi que de la prise de position du représentant étatique, le tribunal est amené à entériner les conclusions contenues au rapport déposé.

Il s’en suit que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation en ce qu’elle a rejeté de plano la demande en obtention d’un permis de conduire de la catégorie D présentée par Monsieur … et ne l’a de la sorte pas admis à l’apprentissage y relatif.

Au vu du rapport d’expertise entériné par le tribunal, le ministre sera amené à tenir compte, en cas de délivrance du permis de conduire de la catégorie D, à titre de condition dans le chef du demandeur, de l’exigence de contrôles neurologiques et électroencéphalographiques à intervalles réguliers.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 18 juin 2003 ;

au fond déclare le recours en annulation justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le ministre du Transports ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais, y compris les frais d’expertise.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT DELAPORTE 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16088a
Date de la décision : 07/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-07;16088a ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award