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05/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17515

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juillet 2004, 17515


Tribunal administratif N° 17515 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2004 Audience publique du 5 juillet 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.àr.l., contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17515 du rôle, déposée le 26 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la

société à responsabilité limitée …, représentée par son gérant actuellement en fonctions...

Tribunal administratif N° 17515 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2004 Audience publique du 5 juillet 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.àr.l., contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17515 du rôle, déposée le 26 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le numéro B 33.021, tendant à la réformation sinon à l’annulation, principalement d’une décision implicite de rejet découlant du silence que l’administration a observé suite à une demande adressée par la requérante au ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en date du 24 septembre 2003, et subsidiairement d’une lettre du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 17 novembre 2003, notifiée à la requérante le 24 novembre 2003 dans l’hypothèse où cette lettre devrait être qualifiée de décision administrative susceptible de recours ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2004 par Maître Roland ASSA pour compte de la société à responsabilité limitée … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la lettre ministérielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jeanne FELTGEN, en remplacement de Maître Roland ASSA, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 juin 2004.

___________________________________________________________________________

Par courrier de son mandataire du 24 septembre 2003, la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois …, préqualifiée, désignée ci-après par la « société … », adressa au ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après « le ministre », un courrier l’informant de ce que « Monsieur Xxx, gérant de la société … Sàrl, a décidé de confier à partir du 1er octobre 2003 les attributions de « personne autorisée » à Madame Yyy, demeurant à L-…» , et priant le ministre « de bien vouloir accéder à notre demande tendant au transfert de l’autorisation mentionnée en marge sur la personne de Monsieur Xxx ».

Le ministre prit position quant à la demande prévisée du 24 septembre 2003 par lettre du 17 novembre 2003 conçue dans les termes suivants :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre-temps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Il en résulte que Madame Yyy remplit la condition de qualification professionnelle requise pour le transport de marchandises par route avec des véhicules de plus de 3,5 tonnes .

Avant de prendre une décision définitive, je vous prie de me faire parvenir une copie du contrat d’emploi de la dame précitée, conformément à l’article 5 de la loi du 28 décembre 1988 ; ce texte stipule que l’engagement d’un gérant est à prouver par la production d’un contrat de louage de services en due forme, déterminant les droits et obligations du gérant, la durée hebdomadaire de travail, ainsi que sa rémunération au moins égale au salaire social minimum d’un employé qualifié.

A la même occasion il y a lieu de joindre une copie de la décision dûment enregistrée de l’organe directeur compétent de la société attribuant la fonction de gérante technique avec signature ou cosignature obligatoire à la personne précitée.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif… ».

Par requête déposée le 26 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation, principalement de la décision implicite de rejet découlant du silence que le ministre aurait observé suite à la demande du 24 septembre 2003, et subsidiairement de la prédite lettre du ministre du 17 novembre 2003, dans l’hypothèse où cette lettre devrait être qualifiée de décision administrative susceptible de recours.

La demanderesse fait valoir à l’appui de son recours que le ministre, en ne répondant pas endéans un délai de trois mois à sa demande du 24 septembre 2003, aurait émis un refus implicite de lui délivrer une autorisation d’établissement sur la personne de Monsieur Xxx.

Elle estime qu’un tel refus serait contraire à la loi, notamment aux articles 1er et 2 de la loi du 30 juillet 2002 concernant l’établissement de transporteur de voyageurs et de transporteur de marchandises par route et portant transposition de la directive 98/76/CE du Conseil du 1er octobre 1998.

A titre subsidiaire, la société … critique la lettre du ministre du 17 novembre 2003 en ce qu’elle lui imposerait de produire une décision de l’organe directeur de la société attribuant la fonction de gérante technique avec signature exclusive ou co-signature obligatoire à Madame Yyy.

Elle fait plaider que le ministre commettrait ce faisant un excès de pouvoir, en ignorant une décision interne de la société, intitulée « Kompetenzzuteilung », selon laquelle Madame YYY serait investie d’une mission de représentation du gérant et d’exécutante des décisions de celui-ci, et en tendant à imposer à Madame YYY des pouvoirs de décision et de direction propre allant au-delà des fonctions lui confiées.

Elle estime encore qu’en refusant l’autorisation sollicitée, le ministre violerait la loi du 30 juillet 2002 précitée, notamment en ses articles 1er et 2. Elle soutient à ce sujet que contrairement à la thèse défendue par le ministre, le gérant, Monsieur Xxx, serait parfaitement à même d’assumer la direction effective et permanente de la société, et ce nonobstant le fait qu’il réside au Danemark.

Elle relève de plus que la loi du 30 juillet 2002 précitée n’exigerait pas la présence permanente du gérant au Luxembourg, étant donné que la présence d’une personne autorisée à engager la société à l’égard des tiers, en sus du gérant, permettrait précisément de pallier aux difficultés pouvant résulter du fait que le gérant ne se trouve pas nécessairement en permanence au siège de la société.

Elle relève encore que l’exigence de la présence permanente au siège de la personne sur laquelle repose l’autorisation d’établissement ne serait pas un moyen nécessaire pour lutter contre les sociétés « boîtes à lettres » et qu’elle serait anachronique au regard des moyens de communication et de transmission de données modernes.

La société … s’empare encore de l’article 11 (6) de la Constitution pour soutenir qu’en exigeant que toute société dont le gérant ne se trouve pas habituellement au Luxembourg devrait mettre en place une autre personne non pas chargée du remplacement du gérant et de l’exécution de ses instructions, mais investie d’un pouvoir de direction correspondant à celui du gérant, le ministre « étouffe les principes constitutionnels visés » dans la mesure où il rendrait impossible la gestion d’une société par un seul gérant, laquelle serait pourtant admise par la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales.

Dans la mesure où le recours formulé à titre principal porte sur un refus implicite de délivrer à la société … une autorisation d’établissement sur la personne de Monsieur Xxx, le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour cause de litispendance avec une affaire ayant fait l’objet d’un jugement en date du 15 mars 2004, n° 16774 du rôle et ayant le même objet en ce qu’elle porte également sur la qualification de Monsieur Xxx.

A titre subsidiaire, il soulève encore l’irrecevabilité du recours en réformation formulé à titre principal.

En ce qui concerne le fond de l’affaire, il estime que le ministre aurait fait une saine application de la loi. A cet effet, il relève que l’autorisation d’établissement devrait nécessairement reposer sur la personne qui assure dans la pratique la gestion quotidienne au sens des dispositions du droit des sociétés, personne qui en l’espèce ne saurait être Monsieur Xxx, étant donné que celui-ci résiderait au Danemark, mais qui devrait plutôt être Madame YYY laquelle dirigerait effectivement et en permanence l’activité de la société.

Il soutient que dans ces conditions, l’exigence d’une nomination de Madame YYY en tant que gérante ou préposée à la gestion quotidienne, dans les formes prévues par le droit des sociétés, ne serait que légitime, conclusion qu’il entend étayer en s’emparant des articles 2 in fine et 6 (3) de la loi du 30 juillet 2002 précitée.

La société demanderesse réplique en contestant l’irrecevabilité de son recours, au motif que tant la situation matérielle tranchée par le jugement du 15 mars 2004 cité par l’Etat que les décisions administratives analysées par ce même jugement seraient différentes des questions actuellement soumises au tribunal. Elle fait plaider à ce sujet que dans la première affaire, le tribunal aurait été amené à trancher la question de la validité de décisions du ministre intervenues par rapport à une demande tendant à voir transférer l’autorisation d’établissement sur la personne de Monsieur Xxx, lui-même mandatant comme « personne autorisée » une certaine Madame Zzz, tandis que le présent recours porterait sur une décision du ministre par rapport à une demande tendant à voir transférer l’autorisation d’établissement sur la personne de Monsieur Xxx, et par rapport à la qualité de personne autorisée de Madame YYY, désignée par le gérant comme remplaçante de Madame ZZZ.

Elle souligne encore que le gérant Xxx viendrait d’être remplacé par Monsieur Aaa, mais que la situation se présentant actuellement étant en tous points identique à celle décrite dans le recours initial du 26 janvier 2004, elle conserverait son intérêt à voir trancher les questions soumises au tribunal aux termes de ce recours actuel sous analyse.

Quant au fond, elle conteste l’interprétation faite par le délégué du Gouvernement des fonctions incombant à son gérant ainsi que des compétences accordées en vertu de la « Kompetenzzuteilung » à Madame YYY, ainsi que l’interprétation faite par la partie publique des dispositions invoquées de la loi du 30 juillet 2002 précitée.

Quant à la recevabilité Etant donné que la loi du 30 juillet 2002 rend applicable, à travers son article 1er alinéa 2, la loi d’établissement dans la mesure où elle n’est pas incompatible avec ses propres dispositions et que ladite loi d’établissement instaure expressément dans son article 2 alinéa final un recours en annulation en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation pour sa part est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond Il s’avère que le recours introduit en date du 26 janvier 2004 a pour cadre général et objet principal l’autorisation d’établissement sollicitée au profit du gérant Xxx, tandis qu’il tend à titre subsidiaire à critiquer une lettre du ministre du 17 novembre 2003 en ce qu’elle impose à la société … de produire une décision de l’organe directeur de la société attribuant la fonction de gérante technique avec signature exclusive ou co-signature obligatoire à Madame Yyy, décision motivée par le fait que le gérant de l’époque, Monsieur Xxx, au profit duquel l’autorisation d’établissement avait été sollicitée, résiderait au Danemark, de sorte qu’il ne serait pas à même de diriger effectivement et en permanence l’activité de la société.

Il s’ensuit que la lettre litigieuse, et plus particulièrement la condition critiquée y contenue, trouve son origine dans le fait que le gérant Xxx résidait au Danemark, et, aux dires mêmes de la demanderesse, qu’il ne se trouverait pas nécessairement en permanence au siège de la société ; il en résulte encore que la question de la personne autorisée est intimement liée, et ce tant aux yeux du ministère qu’à ceux de la société …, à celle du gérant, les positions des parties ne différant en substance que sur la question des compétences et attributions de la personne autorisée.

Il est dès lors constant en cause que le présent recours a pour objet, tant à titre principal qu’à titre subsidiaire la question de l’autorisation d’établissement au profit de Monsieur Xxx, autorisation soit refusée implicitement par le ministre, soit assortie de conditions relatives aux compétences de la personne autorisée mandatée par le même gérant, conditions que la société n’entend pas accepter.

Le tribunal relève que selon le mémoire en réplique déposé en date du 25 mai 2004 par la demanderesse au greffe du tribunal administratif, « le gérant Xxx vient d’être remplacé par le sieur AAA », information encore étayée par un courrier daté du 27 février 2004 adressé par la société … au ministre sollicitant le transfert de l’autorisation d’établissement sur la personne de Monsieur AAA.

Par conséquent, le fait de remplacer Monsieur Xxx par une autre personne modifie substantiellement les circonstances du litige qui, de ce fait et compte tenu de la portée initiale du recours introduit en date du 26 janvier 2004, est devenu sans objet.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argument, qui d’ailleurs demeure à l’état de pure allégation, que la situation du nouveau gérant AAA serait « identique en tous points capitaux (gérant remplissant les conditions d’honorabilité et de qualification professionnelles, demeurant au Danemark, mandat de « personne autorisée » confié à la dame Yyy) à celle décrite dans le recours du 26 janvier 2004 », le tribunal administratif n’étant pas saisi d’un recours concernant une situation donnée, mais d’un recours dirigé contre un acte administratif déterminé.

La demanderesse réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000.- €., demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17515
Date de la décision : 05/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-05;17515 ?

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