La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17432

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juillet 2004, 17432


Tribunal administratif N° 17432 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2004 Audience publique du 5 juillet 2004 Recours formé par l’administration communale de Mertert contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de l’entreprise des Postes et Télécommunications en matière d’établissement classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17432 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

, au nom de l’administration communale de Mertert, représentée par son collège des bourg...

Tribunal administratif N° 17432 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2004 Audience publique du 5 juillet 2004 Recours formé par l’administration communale de Mertert contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de l’entreprise des Postes et Télécommunications en matière d’établissement classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17432 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mertert, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie en la maison communale à L-6630 Wasserbillig, 1-3, Grand-Rue, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 27 novembre 2003 (n° 3/00/0235) accordant à l’entreprise des Postes et Télécommunications l’autorisation d’installer et d’exploiter dans la commune de Mertert, section B de Wasserbillig, sur la parcelle cadastrée sous le numéro 720/3221, sise 5, Grand-Rue, L-6630 Wasserbillig, sur la toiture de l’immeuble des P & T, un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques se composant de deux émetteurs d’ondes électromagnétiques à savoir une antenne GSM : p.i.r.e. 380 W (25.8 dBW), azimut 220°; et une antenne GSM : p.i.r.e 380 W (25.8 dBW), azimut 240° ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 9 janvier 2004, portant signification de ce recours à l’entreprise des Postes et Télécommunications, établissement public, établie à L-2020 Luxembourg 8a, avenue Monterey, représentée par son comité de direction actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2004 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 8 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie adressée au mandataire de l’administration communale de Mertert en date du 7 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2004 par Maître Roger NOTHAR pour compte de l’administration communale de Mertert ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique au mandataire de l’entreprise des Postes et Télécommunications intervenue en date du 7 mai 2004 ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2004 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2004 par Maître Georges KRIEGER pour compte de l’entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée au mandataire de l’administration communale de Mertert en date du 7 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté ministériel entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR et Georges KRIEGER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2004.

Le 24 mai 2000, l’entreprise des Postes et Télécommunications, ci-après dénommée « l’entreprise des P & T », par l’intermédiaire de la société anonyme C.S.D.

S.A., sollicita de la part de l’administration de l’Environnement, service des établissements classés, l’autorisation d’installer et d’exploiter sur la toiture de l’immeuble de l’entreprise des P & T sis dans la commune de Mertert, section B de Wasserbillig, numéro cadastral 720/3221, 5, Grand-Rue, L-6630 Wasserbillig, un ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques se composant de deux émetteurs d’ondes électromagnétiques : une antenne GSM : p.i.r.e 380 W (25.8 dBW), azimut 220° et une antenne GSM : p.i.r.e 380 W (25.8 dBW), azimut 240°.

Le 27 novembre 2003, le ministre de l’Environnement délivra l’autorisation sollicitée sous les conditions y plus amplement spécifiées.

Par requête du 8 janvier 2004, l’administration communale de Mertert, ci-après désignée par « la commune », a fait introduire un recours en réformation contre l’arrêté prévisé du ministre de l’Environnement du 27 novembre 2003.

Les P & T soulèvent d’abord l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du recours en faisant valoir que l’arrêté ministériel litigieux fut notifié à la commune le 28 novembre 2003 et que celle-ci, eu égard à cette date, serait dès lors forclose d’agir.

Conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, le recours au fond prévu en la présente matière doit être interjeté sous peine de déchéance dans le délai de 40 jours qui, vis-à-vis des intéressés autres que le demandeur de l’autorisation, commence à courir à dater du jour de l’affichage de la décision. La commune n’étant pas le bénéficiaire de l’autorisation litigieuse, mais simple partie intéressée, le premier moyen de l’entreprise des P & T laisse dès lors d’être fondé, étant donné qu’il n’est pas contesté en cause que l’affichage de l’arrêté ministériel litigieux a eu lieu le 2 décembre 2003 et que le recours sous examen a partant été introduit dans le délai de recours légal.

Le recours en réformation, expressément prévu par la loi en la matière et non autrement critiqué du point de vue de sa recevabilité, est dès lors recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes prévues par la loi.

Au fond, la commune soulève en premier lieu la violation de l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes en vertu duquel l'autorité administrative doit donner une publicité adéquate mettant en mesure les tiers de faire valoir leurs moyens lorsqu'une décision administrative est de nature à affecter les droits et intérêts de ceux-ci, et que, dans la mesure du possible, elle doit rendre publique l'ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision et porter la décision définitive, par tous les moyens appropriés, à la connaissance des personnes ayant présenté des observations. Elle estime que la disposition en question aurait vocation à s'appliquer en l'espèce, et cela alors même que la loi du 10 juin 1999 sur les établissements classés prévoit à son tour des mesures de publicité de la procédure préliminaire devant aboutir à l'autorisation, ainsi que de l'autorisation intervenue, étant donné que par rapport aux établissements de la classe 3, dont relèvent les antennes litigieuses, la loi n'organiserait pas de procédure de publicité présentant des garanties équivalentes à celles découlant du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité.

Il est constant que l’établissement autorisé à travers l’arrêté ministériel litigieux range, en tant qu’ensemble de deux émetteurs d’ondes électromagnétiques installés sur un même site produisant au total une puissance isotrope rayonnée (p.i.r.e.) maximale comprise entre 100 W (20 dBW) et 2500 W (34 dBW), dans la classe 3 des établissements classés, ceci conformément à l’annexe du règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, considérée sous son point 302, 3).

Conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi du 10 juin 1999 précitée, les décisions portant autorisation pour un établissement de la classe 3 sont notifiées par l’administration de l’Environnement et l’Inspection du Travail et des Mines, chacune en ce qui la concerne, au demandeur en autorisation ou aux exploitants, et aux autorités communales sur le territoire desquelles est situé l’établissement et, le cas échéant, aux autorités communales dont le territoire se trouve dans un rayon inférieur à 200 mètres des limites de l’établissement, étant entendu que dans les communes ainsi visées à l’alinéa 1er dudit article, le public, conformément aux dispositions du 4ième alinéa du même article, sera informé des décisions en matière d’établissement classés par affichage de celles-ci à la maison communale pendant un délai de 40 jours.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la procédure de notification ainsi prévue fut observée en ce que l’arrêté ministériel litigieux fut communiqué à l’administration communale de Mertert le 28 novembre 2003 et que celle-ci a procédé à son affichage à la maison communale pendant 40 jours, à partir du 2 décembre 2003, de manière à l’avoir porté à la connaissance du public à travers le mode de publicité prévu par l’article 16, alinéa 4 de la loi du 10 juin 1999 précitée.

La commune demanderesse soulève en l’espèce une violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité au motif que le ministre de l’Environnement, préalablement à la prise de la décision, aurait omis de la mettre à même, en tant que partie intéressée, de faire valoir ses observations.

Au vœu de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les dispositions réglementaires ainsi invoquées ont en principe vocation subsidiaire à s’appliquer aux décisions pour lesquelles un texte particulier n’organise pas de procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré.

S’il est certes vrai que les demandes d’autorisation introduites concernant les établissements de la classe 3 ne font pas spécifiquement l’objet, selon les dispositions de la loi du 10 juin 1999, d’une procédure de consultation publique, il n’en demeure cependant pas moins que la loi du 10 juin 1999 constitue, de par son objet et quant au volet procédural plus particulièrement sous examen, une loi spéciale par rapport à celle du 1er décembre 1978 précitée, et qu’elle réglemente d’une manière générale les établissements classés, tant au niveau procédural qu’au fond, de manière à traduire la volonté expresse du législateur de couvrir cette matière dans son intégralité et partant également quant au volet de la publicité à accorder respectivement aux demandes et décisions d’autorisation par elle visées, en différenciant notamment suivant la nature et le degré de dangerosité potentielle des établissements classés par la mise en place de mécanismes de consultation et d’information du public plus ou moins poussés, allant à de multiples égards bien au-delà des exigences minimales posées par le règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 (cf. trib. adm. 3 mars 2004, n° 16214 du rôle, www.

état.lu/JURAD).

Appliqué au cas d’espèce, l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 précitée fait aboutir ainsi au constat que s’agissant d’une décision administrative individuelle en matière d’établissements classés, il existe un texte particulier, en l’occurrence la loi du 10 juin 1999 précitée, qui globalement considérée organise une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré, sans que cette procédure spéciale, couvrant de par son objet tous les établissements classés y visés en les assortissant de différents degrés de protection procédurale en fonction notamment de leur nature, puisse être disséquée, pour les besoins de l’application de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978, sous peine de méconnaître l’objectif du législateur ayant consisté à réglementer à travers la loi du 10 juin 1999 les établissements classés d’une manière cohérente dans leur ensemble, y compris le volet procédural.

Il s’y ajoute qu’en tout état de cause une administration communale ne saurait être visée par le champ d’application de la loi du 1er décembre 1978 réglementant la procédure administrative non contentieuse et plus particulièrement par son règlement d’application du 8 juin 1979 précité, étant donné qu’une commune, autorité de droit public, ne saurait être considérée comme administré à protéger dans ses rapports avec l’administration, ces textes n’étant en effet pas applicables aux procédures susceptibles de se dérouler entre deux administrations, même si elles relèvent de personnalités juridiques différentes (cf. trib. adm. 19 septembre 2002, n° 13916 du rôle, confirmé par Cour adm.

1er avril 2003, n° 15497C du rôle, V° Pas adm. 2003, Procédure administrative non contentieuse, n° 11 et autres références y citées, p. 468).

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen de la demanderesse basé sur une violation alléguée de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité laisse d’être fondé.

La commune invoque ensuite la violation de l'article 17, 2. de la loi du 10 juin 1999 qui dispose que « dans le cas où l'établissement est projeté dans des immeubles existants dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l'établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d'aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l'aménagement général du territoire ou avec la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l'établissement est projeté dans un immeuble à construire. » Elle fait plaider que la parcelle sur laquelle l’exploitation des antennes GSM est autorisée se trouve dans le secteur du centre de Wasserbillig d’après le plan d’aménagement général de la commune (PAG) et que d’après l’article 6.1 du PAG, la construction d’antennes GSM dans cette zone ne serait pas permise. Elle relève à cet égard que la question du caractère autorisable ou non de l’implantation de l’établissement s’analyserait en un préalable découlant des dispositions de l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée et fait valoir que même si l’existence d’une autorisation pour l’installation d’antennes de la part de la commune, obligatoire au prescrit des dispositions de l’article 101.4.1 e) du PAG, ne serait pas requise de façon préalable au moment où le ministre statue dans le cadre de la loi modifiée du 10 juin 1999, il lui appartiendrait cependant, sur base de l’article 17.2 prévisé, de vérifier si, d’après les dispositions de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ensemble la réglementation communale d’urbanisme applicable, pareille autorisation peut être obtenue au regard de la zone dans laquelle l’établissement à autoriser se situe.

Dans la mesure où seules les constructions destinées à l’habitation ou à intensifier les échanges sociaux, culturels et commerciaux, ainsi que celles pour les administrations, établissements commerciaux et récréatifs pourraient être autorisées dans le secteur du centre, l’établissement litigieux ne serait dès lors pas valablement autorisable par le bourgmestre au regard de la réglementation communale d’urbanisme actuellement applicable, la partie demanderesse estime que le ministre, par application de l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, aurait dû refuser de délivrer l’autorisation litigieuse.

Le délégué du Gouvernement rétorque que l’exploitation d’un émetteur GSM rangerait parmi les constructions autorisables dans la zone concernée, étant donné qu’à travers l’utilisation de cet établissement, les échanges sociaux, culturels et commerciaux pourraient s’intensifier et que la rapidité des communications, de toute nature, caractériserait notre société moderne. Il estime qu’à travers la formulation extensive de la disposition pertinente du PAG, la localité de Wasserbillig pourrait se développer davantage vers un centre urbain moderne. Il estime en outre qu’il serait permis d’admettre que les auteurs du PAG concerné n’auraient guère voulu faire de la localité de Wasserbillig une « handy free zone », étant donné que si tel avait été leur volonté, ils auraient intégré dans le plan d’aménagement une disposition explicite afférente.

L’entreprise des P & T estime également que l’article 6.1 du PAG de la commune de Mertert ne comporte aucune disposition qui exclurait l’installation d’une station de base GSM, pour conclure que l’établissement projeté pourrait parfaitement être intégré dans la zone du secteur du centre de Wasserbillig, sans se heurter aux dispositions du PAG.

Dans son mémoire en réplique, la commune conteste que des antennes GSM puissent servir à intensifier les échanges sociaux, culturels et commerciaux et fait valoir que de telles antennes ne seraient pas non plus à compter parmi les constructions pour les administrations ou les établissements commerciaux et récréatifs, de même que dire qu’une station GSM intensifierait l’habitation reviendrait à ignorer la jurisprudence administrative en la matière aux termes de laquelle il a été décidé que les quartiers d’habitation ne seraient pas des zones prévues aux fins de l’exploitation d’établissements de ce type.

Il est constant que l’établissement faisant l’objet de l’autorisation litigieuse est installé sur le toit de l’immeuble des P & T à Wasserbillig.

La formule « dans les immeubles existants » consacrée à l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 s'oppose à « immeuble à construire » et signifie que les établissements classés ne peuvent être autorisés, lorsqu'ils s'intègrent dans un immeuble existant, que lorsque ce dernier se trouve implanté dans une zone destinée à accueillir des immeubles répondant à la destination de l'établissement projeté. Il est indifférent, à ce sujet, que l'établissement soit projeté dans l'immeuble, adossé à celui-ci, ou encore, tel le cas d’espèce, installé sur cet immeuble, en l’espèce le toit de l’immeuble des P & T (cf.

Cour adm. 26 novembre 2002, n° 15051C du rôle).

Il s’ensuit qu’indépendamment de la question de savoir si entretemps l’autorisation requise par application de l’article 101.4.1 e) du PAG pour l’installation d’antennes fut délivrée ou non par les autorités communales compétentes, il appartient au ministre de l’Environnement, statuant dans le cadre de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, de vérifier en premier lieu et par application de son article 17.2 si l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, ou avec un plan d'aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l'aménagement général du territoire, actuellement remplacée par la loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire, ou avec la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

Les parties sont en accord pour admettre que l’installation de l’établissement litigieux est prévue sur le toit d’un immeuble situé dans le secteur du centre d’après le plan d’aménagement général de la commune défini d’après les dispositions de son article 6.1 comme suit :

« Le secteur du centre de Wasserbillig englobe un ensemble architectural et urbanistique dont il convient de sauvegarder l’agencement et la volumétrie caractéristique des bâtiments ainsi que des aires qui y sont situées.

Cette zone est destinée à confirmer et à développer le caractère central et urbain de la localité de Wasserbillig en vue d’intensifier les échanges sociaux, culturels et commerciaux et à l’habitation. Y seront également favorisées les constructions pour les administrations, les établissements commerciaux et récréatifs ayant une surface utile maximale de 1000 m2, tels que : magasins, cafés, restaurants, salles de réunion, ateliers, notariats, cabinets médicaux, pharmacies, drogueries, etc.

Toutefois ces activités ne pourront causer aucune gêne pour l’habitat. » L’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée consacre une exception au principe général de l’indépendance des législations et réglementations concernant respectivement les établissements classés et l’aménagement du territoire, dont l’application commande en principe que les autorités respectivement compétentes, sous l’égide de ces différentes législations, agissent chacune dans sa propre sphère de compétence sans empiéter sur le domaine de compétence de l’autorité chargée de l’application d’un autre corps de législation.

S’il est vrai que l’article 17.2 prévisé témoigne de l’interdépendance existant entre les différentes législations applicables en ce qui concerne l’implantation utile d’un établissement et prévient l’émission de décisions contradictoires sur base de différents corps de textes, il n’en reste pas moins que les législations et réglementations concernant respectivement les établissements classés et l’aménagement du territoire constituent en principe, hormis cette hypothèse d’un lien expressément établi par le législateur, des corps de législations indépendants et spécifiques, de manière que les autorités respectivement compétentes sous l’égide de ces législations doivent agir dans leur sphère de compétences propre et ne doivent empiéter sur le domaine de compétences de l’autorité compétente pour appliquer l’autre corps de législation (cf. trib. adm.

12.06.2002, n° 13110a du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etablissements classés, n° 17, page 157) ;

L’article 17.2 prévisé a en effet pour objet de voir faire en sorte qu’en présence du constat d’une incompatibilité de l’établissement projeté avec le zonage tel que consacré au niveau de la réglementation urbanistique applicable, le ministre respectivement compétent pour déterminer tant le principe même de l’autorisation de l’établissement concerné que le détail des conditions d’exploitation, puisse immédiatement clôturer l’instruction du dossier, ceci par souci de rationalité, afin d’éviter le travail d’une instruction détaillée et technique d’une demande d’autorisation vouée d’emblée à l’échec du point de vue de l’emplacement retenu pour l’établissement concerné.

Compte tenu de l’existence d’une compétence spéciale du ministre de l’Environnement en la matière entrevue plus particulièrement sous l’aspect de la protection de l’environnement humain et naturel et découlant directement de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, la compétence d’exception du même ministre pour vérifier à titre préalable la compatibilité de l’établissement projeté avec le zonage tel que défini par d’autres corps de législations, s’inscrit dès lors dans un cadre strictement urbanistique, étant entendu que dans l’hypothèse d’une conformité de l’établissement projeté avec la zone concernée, le ministre est appelé à définir suivant sa compétence spéciale en matière d’établissements classés les conditions auxquelles l’exploitation sera subordonnée, ceci compte tenu notamment de la nature de la zone devant accueillir l’établissement concerné.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner en l’espèce si d’un point de vue urbanistique l’installation des deux antennes GSM litigieuses est compatible ou non avec la destination de la zone concernée, en l’occurrence le secteur du centre de Wasserbillig tel que défini à l’article 6.1 du PAG.

A cet escient le tribunal est amené à constater qu’eu égard à la destination expressément prévue pour le secteur du centre à la confirmation et au développement du caractère urbain de la localité concernée en vue d’y intensifier les échanges sociaux, culturels et commerciaux, l’installation d’une antenne GSM, compte tenu de la contribution vérifiée du téléphone mobile aux échanges prévisés et du caractère faiblement incisif d’une installation de ce type du point de vue strictement urbanistique, ne saurait être considérée comme étant incompatible, dans son principe, avec la destination urbanistique de la zone concernée, ceci au-delà de toutes considérations liées aux inconvénients d’exploitation par rapport à l’environnement humain et naturel proprement dits, lesquelles relèvent de la compétence de fond du ministre de l’Environnement et qui sont à aborder à un stade ultérieur du litige sous examen, après l’examen de la question préalable liée à l’application de l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée.

Il s’ensuit que le moyen basé sur une violation de l’article 17.2 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, laisse d’être fondé ;

La commune se plaint ensuite de ce que la demande d’autorisation, contrairement aux exigences découlant des articles 7 et 13, 3. de la loi du 10 juin 1999, ne fournirait pas les précisions nécessaires concernant les mesures envisagées en vue de prévenir ou d’atténuer les risques et les inconvénients auxquels l’établissement projeté pourrait donner lieu tant pour les personnes attachées à l’exploitation que pour les voisins, le public et l’environnement. Elle reproche en particulier aux P & T d’omettre d’envisager concrètement les conditions d’aménagement et d’exploitation de l’établissement par rapport au site concret retenu, qui se trouve dans le secteur du centre de Wasserbillig, ainsi que de rester extrêmement discrète en ce qui concerne sa nature par l’omission de mentionner que l’immeuble des P & T se situe dans le voisinage direct de maisons d’habitation, de manière à constituer un site très sensible par la présence permanente de personnes qui y séjournent dans un rayon de 100 mètres autour des antennes.

En l’espèce, la détermination de l’emplacement exact de l’établissement litigieux ne saurait être sérieusement sujette à discussion étant donné qu’à partir du plan d’implantation versé les alentours précis de l’émetteur, sur le toit de l’immeuble des P & T, sont facilement déterminables.

Il se dégage encore des pièces versées au dossier et plus particulièrement du dossier de demande d’autorisation que tant les aspects de sécurité lors de la phase d’exploitation que les aspects en relation avec l’environnement ont été abordés à partir de l’implantation concrète de l’établissement litigieux et qu’une minimisation des risques d’exploitation a été recherchée.

Les critiques sous examen étant libellées sous forme de considérations d’ordre général, non suffisamment concrètes pour énerver utilement la régularité de l’arrêté ministériel litigieux au regard des exigences des articles 7 et 13, 3. de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, le moyen afférent de la commune laisse partant d’être fondé pour défaut de précision suffisante.

La commune invoque finalement la violation du principe de précaution et d'action préventive. Elle estime que la périphérie des pylônes de relais des opérateurs de téléphonie mobile serait dangereuse pour la santé, ainsi que le feraient craindre des études scientifiques. Le principe de précaution exigerait que toute menace d'atteinte grave et irréversible pour l'environnement, qui ne serait pas confirmée par la preuve scientifique, justifierait l'adoption immédiate de mesures de prévention appropriées. Elle conteste les normes de référence invoquées par le gouvernement. Tout en concédant qu'à l'heure actuelle les risques à long terme de cette nouvelle technologie par radiation non ionisante ne sont pas encore connus dans leur totalité, elle est d'avis qu'au stade actuel de la science les risques d'ores et déjà connus seraient suffisamment établis pour obliger les autorités à respecter le principe de précaution.

La loi du 10 juin 1999 a pour objet, entre autres, en vertu de son article 1er, de protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements classés, la santé et la sécurité des travailleurs au travail ainsi que l'environnement humain et naturel. Les autorités compétentes sont appelées à fixer, conformément à l'article 13 de la loi, les conditions d'aménagement et d'exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts ci-avant visés.

Loin d'exclure péremptoirement la prise de tout risque, connu ou inconnu, et d'imposer l'abstention face à toute activité qui comporte un risque, le principe de précaution, tel qu'il a d'ailleurs été consacré à partir de l'article 174 du Traité de Rome, impose d'éliminer les risques dans la mesure du possible, et d'encadrer les activités qui comportent un risque qui ne peut pas être mesuré dans le sens d'en réduire au maximum les effets nocifs potentiels. En toute hypothèse, l'absence de certitudes ne doit ni conduire à un immobilisme, ni dispenser de l'adoption de mesures effectives et proportionnées à un coût économiquement acceptable, étant entendu qu'en cas de danger avéré pour la santé des individus ou pour l'environnement, même une impossibilité absolue d'éliminer ce danger ou des coûts prohibitifs pour le faire ne sauraient légitimer une telle activité dangereuse et justifier des autorisations administratives afférentes.

La loi du 10 juin 1999 fait application du principe de précaution en ce qu'elle ne nie pas l'existence de risques tout en ne cherchant cependant pas à interdire toute activité en résultant. Elle les reconnaît en revanche en essayant de les éliminer au maximum, mais non pas totalement, et d’encadrer les risques résiduels. C'est ainsi que si, en vertu de l'article 13, 1. de la loi, des conditions tendant à éliminer les effets nocifs d'une activité peuvent être prescrites, en tenant compte des meilleures technologies possibles, à condition que l'applicabilité de celles-ci n'entraîne pas de coûts excessifs, le législateur a envisagé l'exercice d'activités comportant des dangers et des risques qu'il serait trop coûteux d'éliminer.

En l'espèce, il se dégage de l'autorisation délivrée par le ministre de l'Environnement que l'apport de chacun des éléments rayonnants autorisés d'un émetteur dans une direction déterminée ne doit pas dépasser l'intensité du champ électrique de 3 V/m dans les lieux où des gens peuvent séjourner.

Dans la mesure où le ministre, en limitant ainsi l'effet nuisible de l'émetteur par la fixation d’un seuil qui, de manière non contestée en cause, fixe des conditions éminemment plus strictes que les limitations proposées au niveau européen, notamment par la recommandation 1999/519/CE du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz), le même ministre ne saurait dès lors se voir reprocher en l’espèce une violation du principe de précaution.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne la commune de Mertert aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juillet 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17432
Date de la décision : 05/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-05;17432 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award