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21/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18222

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2004, 18222


Tribunal administratif Numéro 18222 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juin 2004 Audience publique du 21 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18222 du rôle et déposée le 14 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Belgrade (Etat de Serbie et Monténégro), de na

tionalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour é...

Tribunal administratif Numéro 18222 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 juin 2004 Audience publique du 21 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18222 du rôle et déposée le 14 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Belgrade (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 9 juin 2004 ordonnant son placement audit Centre de séjour pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en ses plaidoiries à l’audience publique du 21 juin 2004.

Monsieur … introduisit au Grand-Duché de Luxembourg une demande d’asile en date du 31 août 2001, demande qui a été définitivement rejetée comme non-fondée par un arrêt de la Cour administrative du 20 novembre 2003.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale du centre d’intervention d’Esch-sur-Alzette du 21 février 2003 qu’un procès-verbal a été dressé à l’encontre de Monsieur … en date du 7 janvier 2003 du chef de coups et blessures volontaires et menaces.

Par décision du ministre de la Justice du 9 juin 2004, Monsieur … a été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la dite décision dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

1La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Considérant que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il constitue par son comportement un danger pour l’ordre et la sécurité publics;

- qu’il est dépourvu de papiers de légitimation prescrits ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible, étant donné qu’une demande d’obtention d’un titre de voyage doit être adressée aux autorités serbes & monténégrines ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l’attente de l’établissement d’un titre de voyage par les autorités serbes & monténégrines ».

Par courrier du 10 juin 2004, le ministère de la Justice a sollicité auprès du ministère de l’Intérieur de la République serbe la reprise de Monsieur ….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 9 juin 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas.

adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 183).

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que la décision ministérielle critiquée ne serait pas motivée, au motif qu’elle ne ferait qu’énoncer « de façon lapidaire » qu’il manquerait de moyens d’existence personnels, qu’il constituerait par son comportement un danger pour l’ordre et la sécurité publics et qu’il serait dépourvu des papiers de légitimation prescrits.

Ledit moyen est cependant à rejeter, étant donné qu’indépendamment du fait que l’arrêté de placement litigieux du 9 juin 2004 est motivé à suffisance en relation avec le séjour irrégulier de Monsieur …, la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918 C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 44).

2En outre, Monsieur … reproche au ministre de la Justice d’avoir violé l’article 15 de la loi du 28 mars 1972, au motif que la décision de placement du 9 juin 2004 n’aurait pas été précédée d’un arrêté d’expulsion ou de refoulement.

L’article 15, paragraphe 1, alinéa 1er de la loi du 28 mars 1972 dispose que : « lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

L’article en question exige la réunion de deux conditions légales sous-jacentes à une décision de placement :

1. une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la loi du 28 mars 1972, 2. l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison de circonstances de fait.

L’existence de ces deux conditions légales amène le tribunal à vérifier, si en l’espèce, le ministre de la Justice a pu prendre une décision de rétention à l’encontre de Monsieur ….

Il est constant qu’en l’espèce, la décision litigieuse n’est pas basée sur une décision d’expulsion et que le dossier tel que soumis en cause ne renseigne pas non plus l’existence d’une décision explicite de refoulement.

Il n’en demeure cependant pas moins qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine la forme d’une décision de refoulement, de sorte que celle-ci est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 précitée sont remplies et où, par la suite, une décision de rétention administrative a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de rétention à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

Il y a dès lors lieu d’examiner si la décision de refoulement sous-jacente à la décision litigieuse rentre dans les prévisions légales de l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 auquel renvoie l’article 15 de la même loi.

Ledit article 12 dispose que peuvent être éloignés du territoire luxembourgeois sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal, les étrangers non autorisés à résidence :

«1.

qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2.

qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3.

auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4.

qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5.

qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2, paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée 3du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public ».

En l’espèce, parmi les motifs invoqués au moment de la prise de la décision litigieuse le 9 juin 2004, le ministre de la Justice a fait état du fait que le demandeur n’est pas en possession de moyens d’existence personnels suffisants, qu’il est dépourvu de papiers de légitimation prescrits et qu’il constitue un danger pour l’ordre et la sécurité publics, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays.

Dans la mesure où ces faits ne sont pas contestés en cause, Monsieur … remplissait dès lors en date du 9 juin 2004 les conditions légales telles que fixées par la loi sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à son encontre.

Le demandeur affirme finalement que les conditions justifiant un placement ne seraient pas données, au motif qu’il aurait introduit une nouvelle demande d’asile au Luxembourg et qu’il disposerait « donc toujours d’un séjour régulier au Luxembourg ».

Or, face à la contestation formelle du délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse quant à l’introduction de pareille demande d’asile, ledit moyen est à rejeter, d’autant plus que le représentant étatique n’a pas été contredit dans son affirmation que Monsieur … n’a pas quitté le territoire luxembourgeois depuis la fin de la procédure devant les juridictions administratives en vue de l’obtention du statut de réfugié, documentée par l’arrêt de la Cour administrative du 20 novembre 2003, de sorte qu’il ne saurait de toute façon faire valoir des faits de persécution nouveaux par rapport à ceux pour lesquels il a déjà été définitivement débouté.

Dans la mesure où l’irrégularité du séjour du demandeur était dès lors patente préalablement à l’introduction de sa prétendue nouvelle demande d’asile, le ministre pouvait valablement ordonner en date du 9 juin 2004 une décision de rétention à son encontre, afin d’assurer son rapatriement.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

4M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 21 juin 2004 à 17.30 heures par le vice-président en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18222
Date de la décision : 21/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-21;18222 ?

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