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26/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17587

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mai 2004, 17587


Tribunal administratif N° 17587 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2004 Audience publique du 26 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17587 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur… , né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité

serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision ...

Tribunal administratif N° 17587 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2004 Audience publique du 26 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17587 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur… , né le … (Kosovo, Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2003, notifiée le 4 décembre 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 14 janvier 2004, suite à un recours gracieux du 5 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2004 par Maître Edmond DAUPHIN pour compte de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mai 2004.

Le 29 septembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en outre en date du 13 octobre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 12 novembre 2003, notifiée par voie de courrier recommandé expédié le 3 décembre 2003, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif que les personnes qui l’ont menacé ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a noté à ce sujet que ces personnes, d’après les déclarations du demandeur, seraient recherchées par la police, de sorte que les autorités de son pays tenteraient de mettre fin à leurs agissements et qu’il résulterait tout au plus de ses dires qu’il éprouve un sentiment d’insécurité générale plutôt qu’une crainte réelle de persécution rentrant dans le cadre de la Convention de Genève. Le ministre a retenu finalement qu’il ne se dégagerait pas du dossier qu’il aurait été impossible à Monsieur … de s’installer dans une autre ville et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne. Finalement il a constaté que le Kosovo, pour des Albanais, ne saurait être considéré comme un territoire où des risques de persécution sont à craindre.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 5 janvier 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice prit une décision confirmative le 14 janvier 2004.

Le 16 février 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les deux décisions ministérielles prévisées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait fait l’objet de menaces des plus précises au Kosovo pendant les derniers mois précédant son départ, étant donné qu’on lui en aurait voulu à sa vie au motif d’avoir trahi un mouvement qui entend, par le feu et par le sang, réunir les personnes d’origine albanaise dans une grande Albanie unifiée. Estimant que les forces de l’ordre au Kosovo seraient incapables de le protéger à tout moment contre les actes du mouvement « Aksh » en question et que celui-ci, de son côté, aurait le bras long, le demandeur, persuadé de voir sa vie sérieusement compromise en cas de retour, reproche en substance au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs par lui mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte en effet des déclarations du demandeur telles que relatées dans le rapport d’audition du 13 octobre 2003 que les problèmes invoqués ont trait à la situation générale tendue au Kosovo sans pour autant revêtir une gravité suffisante pour être valablement invoqués pour justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève suffisamment caractérisée à l’heure actuelle pour lui valoir le statut de réfugié.

En effet, une persécution émanant non pas de l’Etat mais de groupes de la population, telle qu’alléguée en l’espèce, ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève. Or, tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce, puisqu’il se dégage des déclarations mêmes du demandeur que les autorités en place, loin d’encourager ces agissements, sont à la recherche des auteurs des persécutions alléguées. Il s’y ajoute qu’il n’est ni établi, ni allégué en cause que le demandeur ait effectivement recherché la protection des autorités en place, de sorte qu’un défaut de protection de la part du pays d’origine ne saurait en tout état de cause pas être utilement retenu en l’espèce.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le ministre de la Justice a valablement pu déclarer la demande d’asile sous analyse comme étant non fondée et que le recours en réformation est à rejeter comme étant non justifié.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mai 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17587
Date de la décision : 26/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-26;17587 ?

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