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19/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17961

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2004, 17961


Tribunal administratif N° 17961 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 19 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17961 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (KOSOVO), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuelle

ment à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 janvier...

Tribunal administratif N° 17961 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 19 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17961 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (KOSOVO), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 janvier 2004 et de celle confirmative prise par le ministre de la Justice le 22 mars 2004 déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié comme manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mai 2004.

Monsieur … introduisit le 1er décembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 31 décembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 21 janvier 2004, lui notifiée par courrier recommandé expédié le 22 janvier 2004, de ce que sa demande est refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Il souligne que le demandeur a nié avoir fait une demande d’asile dans un autre pays et retient que d’un côté le Kosovo est à considérer comme territoire où il n’existe pas en règle générale des risques de persécution pour les Albanais et que les motifs à la base de sa demande d’asile ne correspondent pas à un motif de persécution tel que prévu par la Convention de Genève.

Le 23 février 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le 22 mars 2004, le ministre de la Justice, à défaut d’éléments pertinents nouveaux, confirma sa décision négative du 21 janvier 2004. La décision confirmative du 22 mars 2004 fut notifiée par courrier recommandé expédié le même jour à Monsieur ….

Par requête déposée le 23 avril 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des deux décisions ministérielles des 21 janvier et 22 mars 2004.

Etant donné que l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit qu’un recours en annulation peut être introduit contre les demandes d’asile déclarées manifestement infondées, le recours en annulation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fait d’avoir nié d’avoir séjourné en Allemagne et d’y avoir posé une demande d’asile, Monsieur … affirme qu’il aurait agi ainsi par crainte d’être de suite ramené au Kosovo.

Quant au fond de sa demande, Monsieur … fait valoir qu’il aurait fait l’objet de menaces de mort de la part d’inconnus et qu’en « bon Kosovar, qui connaît la mentalité des hommes de son pays », il aurait pris ces menaces au sérieux et se serait enfui de suite à l’étranger. Il ajoute qu’il aurait été membre de la section locale du parti démocratique.

Enfin il soutient que le Kosovo aurait montré son vrai visage fin mars 2004.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée … si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

L’article 6 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application de l’article 8 de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose :

« 1) Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile.

2) Tel est notamment le cas lorsque le demandeur a : … b) délibérément omis de signaler qu’il avait précédemment présenté une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités … 3) Si le demandeur peut donner une explication satisfaisante relative à la fraude ou au recours abusif aux procédures en matière d’asile lui reproché, sa demande d’asile ne sera pas automatiquement rejetée ».

En l’espèce il est résulte des pièces versées au dossier que Monsieur … est entré en Allemagne en date du 13 août 1997, que sa demande d’asile y a été refusée le 18 septembre 1997 et qu’il a quitté l’Allemagne le 17 mai 2000. D’ailleurs Monsieur … convient avoir caché aux autorités luxembourgeoises le fait qu’il avait présenté une demande d’asile en Allemagne. En plus il résulte du rapport d’audition du 31 décembre 2003, que Monsieur … a répondu par la négative à toutes les questions en relation avec une précédente demande d’asile ou un éventuel séjour dans un autre pays membre de l’Union européenne.

Il y a donc lieu de retenir que Monsieur … a délibérément omis de signaler qu’il avait déjà présenté une demande d’asile dans un autre Etat.

Il convient dès lors au tribunal d’examiner en application de l’article 6, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 cité ci-avant si, en l’espèce, le demandeur a donné une explication satisfaisante à son comportement, de sorte que sa demande d’asile aurait pu ne pas être automatiquement rejetée.

A titre d’excuse Monsieur … avance que son comportement aurait été motivé par une « peur folle » d’être éloigné immédiatement vers le Kosovo.

Le tribunal constate que cette simple affirmation ne saurait être qualifiée d’explication satisfaisante à son comportement, d’autant plus que le fait d’avoir déjà déposé une demande d’asile dans un autre Etat membre n’est pas de nature à entraîner nécessairement le rapatriement immédiat au pays d’origine.

Quant au fond même de la demande d’asile, l’article 9 de la loi modifiée précitée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit qu’« une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement… » L’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, précise : « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande ».

L’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève au Kosovo.

En effet le seul événement dont il fait état, à savoir le fait d’avoir trouvé chez lui, le 10 novembre 2003, une lettre anonyme dans laquelle il aurait été marqué qu’il sera liquidé ne saurait être suffisant pour motiver une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social laquelle serait susceptible de lui rendre la vie intolérable au Kosovo.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est dès lors à bon droit que le ministre de la Justice a pu fonder le refus de la demande d’asile sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996, de sorte que le recours sous examen est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17961
Date de la décision : 19/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-19;17961 ?

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