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19/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17927

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2004, 17927


Tribunal administratif N° 17927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 avril 2004 Audience publique du 19 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie-

Monténégro), de nationalité serbo-monténégr...

Tribunal administratif N° 17927 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 avril 2004 Audience publique du 19 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17927 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie-

Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 8 mars 2004, notifiée le 19 mars 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mai 2004.

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Le 10 février 2004, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Le 5 mars 2004, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 8 mars 2004, notifiée par lettre recommandée le 19 mars 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’elle ne correspondrait à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève.

Le 19 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation sinon en réformation contre la décision ministérielle de refus du 8 mars 2004.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

Il ressort des éléments du dossier que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et sur l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des article 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision attaquée.

Le recours en annulation, prévu explicitement par le prédit article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996, est recevable dans la mesure où il émane du destinataire direct de l’acte litigieux et qu’il a été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait quitté son pays parce qu’il y aurait subi des persécutions. Il précise à ce sujet avoir fait l’objet de menaces de mort de la part de ses voisins, qui chercheraient à se venger d’une attaque perpétrée à leur encontre par son frère.

Il estime encore faire parti d’un « certain groupe éthique (sic) et social, minoritaire au Kosovo ».

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, le demandeur explique avoir eu une dispute avec ses voisins au Kosovo, à l’occasion de laquelle son frère aurait agressé physiquement l’un des membres de la famille voisine, pour ensuite s’enfuir. La famille voisine, cherchant à se venger, se serait retournée contre le demandeur, qu’elle aurait menacé de représailles, de sorte qu’il n’aurait plus osé sortir de sa maison, et aurait été contraint de se réfugier à l’étranger.

Force est de constater que le seul élément concret dont le demandeur fait état ne permet pas de retenir dans son chef un risque de persécution au sens de la Convention de Genève. En effet, la crainte invoquée par le demandeur à l’appui du recours est exclusivement d’ordre privé en ce qu’elle se dégage directement de sa querelle avec ses voisins, et qu’elle trouve sa seule origine dans les relations de voisinage du demandeur.

Pour le surplus le tribunal relève que l’affirmation vague et non autrement circonstanciée selon laquelle le demandeur ferait partie d’un « certain groupe éthnique et social, minoritaire au Kosovo » ne saurait suffire à établir qu’il remplit les conditions de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Le demandeur a affirmé en particulier à ce sujet n’avoir eu aucune activité politique au Kosovo et n’avoir eu aucun problème avec le gouvernement de son pays ; il résulte par ailleurs de son rapport d’audition qu’il est musulman de langue maternelle albanaise, de sorte qu’il appartient à l’ethnie majoritaire au Kosovo.

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2004 par:

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17927
Date de la décision : 19/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-19;17927 ?

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