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19/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17909

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mai 2004, 17909


Tribunal administratif N° 17909 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2004 Audience publique du 19 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17909 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le .. (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à L-

…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décisi...

Tribunal administratif N° 17909 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 avril 2004 Audience publique du 19 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17909 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 avril 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le .. (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mars 2004, notifiée le 18 mars 2004, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 mai 2004.

Monsieur … introduisit en date du 26 janvier 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu en outre en date du 29 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 17 mars 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le même jour, de ce que sa demande avait été refusée comme étant manifestement infondée en ce qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et que la crainte de persécution par lui invoquée à l’appui de sa demande serait manifestement dénuée de fondement. Il relève à cet égard que des convenances personnelles et des problèmes de famille, engendrés par le fait qu’il aurait refusé de succéder au trône de son père, ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié faute de rentrer dans le cadre de l’un des motifs de persécution prévus par la Convention de Genève. Le ministre a ajouté que le père du demandeur ne saurait être considéré comme un agent de persécution au sens de la prédite Convention et qu’il en irait de même du chef de quartier qui aurait été d’accord pour l’incarcérer en attendant la cérémonie de succession. Le ministre a relevé finalement que le Bénin, pays démocratique, devrait être considéré comme pays d’origine sûr où il n’existe pas en règle générale des risques de persécution.

Le 15 avril 2004, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle de refus prévisée du 17 mars 2004.

Seul un recours en annulation étant prévu à l’encontre d’une décision ministérielle déclarant une demande d’asile manifestement infondée par application de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière et de connaître ainsi du recours subsidiaire en réformation introduit. Le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir qu’il aurait été la victime de diverses persécutions dans son pays d’origine en raison du fait que son père aurait été « roi vaudou » et qu’il aurait voulu lui passer le trône, mais que lui-même aurait refusé cette succession, étant donné que cela aurait signifié qu’il aurait dû pratiquer la sorcellerie et qu’on lui aurait fait subir des sévices. Le demandeur signale que la reprise du trône d’un roi vaudou serait accompagnée d’un rituel comprenant des sacrifices qui emportent des cicatrices sur le corps de celui qui succède, ainsi que la pratique de la sorcellerie par le successeur. Il signale que suite à son refus persistant de succéder à son père, il y aurait eu une réunion entre le chef du quartier et les membres de sa famille lors de laquelle il aurait été décidé de l’enfermer jusqu’à la cérémonie de succession et de le forcer ensuite à accepter celle-ci. Dans ce cadre, il aurait également été menacé de mort s’il persistait dans son refus de succéder à son père. Eu égard à ces circonstances il aurait alors décidé de s’échapper et de quitter son pays d’origine pour se réfugier au Grand-Duché de Luxembourg. Le demandeur reproche au ministre de la Justice de s’être livré à un examen superficiel et insuffisant des faits et de ne pas avoir pris en considération à leur juste valeur les craintes réelles de persécution par lui invoquées et en rapport avec les pratiques vaudou dans son pays d’origine. Il signale en outre que des cultures différentes de la nôtre et ayant des croyances différentes de celles qui sont connues dans les pays occidentaux prendraient très au sérieux les pratiques de sorcellerie de certaines catégories de la population, étant donné que ces pratiques pourraient constituer une menace de mort pour ceux contre lesquels elles sont utilisées. Estimant qu’un éventuel retour dans son pays d’origine l’exposerait à des risques très sérieux pour sa sécurité, le demandeur estime dès lors remplir les conditions d’octroi du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il appert à l’examen du compte rendu de son audition que le demandeur, à supposer son récit véridique, a en substance exprimé des craintes de persécution face à des attitudes relatées de proches membres de sa famille, en l’occurrence son père, ainsi que de personnages de sa région d’origine qui sont en rapport direct avec des pratiques de sorcellerie, sans apporter le moindre élément concret et individuel de persécution pour l’un des motifs énoncés par la Convention de Genève. En l’absence de tout facteur de rattachement à l’un des motifs de persécution prévus par ladite Convention, le ministre a dès lors valablement pu considérer la demande d’asile introduite par Monsieur … comme étant manifestement infondée, de sorte que le recours sous examen laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mai 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17909
Date de la décision : 19/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-19;17909 ?

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