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13/05/2004 | LUXEMBOURG | N°16780

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mai 2004, 16780


Tribunal administratif N° 16780 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2003 Audience publique du 13 mai 2004 Recours formé par Madame …, Luxembourg, contre une décision du conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg en matière d’inscription au tableau des avocats

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16780 du rôle et déposée le 28 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, « solicitor of the

Supreme Court of England and Wales », demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une...

Tribunal administratif N° 16780 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juillet 2003 Audience publique du 13 mai 2004 Recours formé par Madame …, Luxembourg, contre une décision du conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg en matière d’inscription au tableau des avocats

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16780 du rôle et déposée le 28 juillet 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, « solicitor of the Supreme Court of England and Wales », demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg du 29 avril 2003 lui refusant l’inscription au tableau des avocats sous la liste IV des avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, demeurant à Luxembourg, du 29 juillet 2003, portant signification de la prédite requête à l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg ;

Vu l’acte de constitution d’avocat de Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, déposé au greffe du tribunal administratif le 12 août 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2003 par Maître Charles OSSOLA, au nom de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié le 12 décembre 2003 par voie de télécopie au mandataire constitué de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2004 au nom de la demanderesse, lequel mémoire a été notifié le même jour par voie de télécopie au mandataire constitué de la partie défenderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Lydie LORANG, Christopher VAJDA et Valentina SLOANE pour la partie demanderesse et Maître Charles OSSOLA pour la partie défenderesse en leurs plaidoiries respectives.

Suivant courrier recommandé du 4 décembre 2002, Madame …, « solicitor » dans la « Law Society of England and Wales », informa le ministre de la Justice de son établissement à Luxembourg « pour exercer de façon permanente ma profession de « Solicitor » » au sein du cabinet d’avocats … en association avec Monsieur … Par courrier remis en mains propres en date du 26 février 2003 au bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, la demanderesse sollicita sur base d’un dossier complet son inscription au tableau IV de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, ci-après dénommé l’« Ordre des avocats », comme avocat provenant d’un Etat étranger, membre de l’Union européenne, en se fondant sur l’application de la directive 98/5/CEE du 16 février 1998 visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise, ci-après dénommée « la directive ».

Par courrier du 27 mars 2003, le vice-bâtonnier de l’Ordre des avocats informa la demanderesse que l’entretien oral prévu par l’article 3 (2) de la loi du 13 novembre 2002 portant transposition en droit luxembourgeois de la directive, ci-après dénommée « la loi de 2002 », en vue de la vérification de la maîtrise par la demanderesse des langues luxembourgeoise, allemande et française, se déroulerait le 23 avril 2003 à 17.30 heures dans les locaux du conseil de l’Ordre à Luxembourg.

Ledit entretien oral se déroula à la date prévue.

Par lettre recommandée du 29 avril 2003, le conseil de l’Ordre fit parvenir à la demanderesse sa décision de la teneur suivante :

« Madame, En vertu de l’article 3 (2) de la loi du 13 novembre 2002 portant transposition en droit luxembourgeois de la Directive 98 (5) CE, le Conseil de l’Ordre saisi de la demande d’un avocat européen à pouvoir exercer sous son titre professionnel d’origine est tenu de vérifier au cours d’un entretien oral et préalablement à l’inscription au tableau des avocats que l’avocat européen maîtrise les langues française, allemande et luxembourgeoise conformément à l’article 6 (1) de la loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat.

A l’issue de l’entretien oral que vous avez subi le 23 avril 2003 le Conseil de l’Ordre a constaté que vous maîtrisez la langue française, mais ne maîtrisez pas la langue luxembourgeoise et la langue allemande.

Par conséquent le Conseil de l’Ordre a décidé de vous refuser l’inscription au tableau des avocats sous la liste IV des avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine.

Conformément à l’article 26 (7) de la loi du 10 août 1991 la présente décision peut faire l’objet d’un recours à introduire par requête devant le Conseil Disciplinaire et Administratif (Boîte Postale 575 à L-1025 Luxembourg) dans un délai de quarante jours à partir de l’envoi de la présente (…) ».

Par requête déposée le 28 juillet 2003, Madame … a saisi le tribunal administratif d’un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision précitée du conseil de l’Ordre du 29 avril 2003.

La demanderesse conclut en premier lieu à la compétence générale du tribunal administratif pour connaître des décisions du conseil de l’Ordre, au motif que le conseil de l’Ordre serait une autorité investie d’une mission de service public et que les décisions qu’il est amené à prendre seraient dès lors de nature administrative et relèveraient, en cas de recours, de la compétence des juridictions administratives.

Pour le surplus, la compétence de la juridiction saisie serait donnée, malgré la voie de recours prévue à l’article 3 (3) de la loi de 2002 qui prévoit que les décisions de refus sont susceptibles des voies de recours prévues aux articles 26 (7) et suivants de la loi du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ci-après désignée « la loi de 1991 », au motif que les organes créés par ces deux textes ne présenteraient pas la garantie d’indépendance requise pour en faire des juridictions conformes aux dispositions de l’article 9 de la directive, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 84 de la Constitution luxembourgeoise.

Dans ce contexte, la demanderesse expose que la loi de 1991 prévoit trois degrés de juridiction contre une décision de refus d’inscription au tableau IV de l’Ordre des avocats et plus précisément :

- un premier degré de juridiction, à savoir, le conseil disciplinaire et administratif (article 26 (7) de la loi de 1991), composé de cinq avocats de la liste I ;

- une instance d’appel, à savoir, le conseil disciplinaire et administratif d’appel (article 28 (1) de la loi de 1991), composé de deux magistrats à la Cour d’appel et de trois assesseurs avocats de la liste I du tableau des avocats, choisis sur une liste proposée par le conseil de l’Ordre ;

et - une instance de cassation contre l’arrêt rendu par le conseil disciplinaire et administratif d’appel (article 29 (1) de la loi de 1991), pour l’hypothèse où l’arrêt du conseil disciplinaire administratif d’appel comporte une erreur de droit.

Or, d’après la demanderesse, la procédure de recours ainsi prévue ne constituerait pas un recours juridictionnel au sens de l’article 9 de la directive, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 84 de la Constitution luxembourgeoise.

Elle expose plus particulièrement que le recours juridictionnel prévu à l’article 9, alinéa 2 de la directive serait à interpréter de manière autonome par rapport au droit interne et que l’intention de ladite directive aurait été de conférer un recours immédiat à une Cour ou un tribunal qui aurait compétence pour saisir la Cour de justice des Communautés européennes, ci-après dénommée « la Cour de justice », par une question préjudicielle. Or, d’après la jurisprudence constante de la Cour de justice, pour qu’un organe puisse être considéré comme une Cour ou un tribunal, différents critères devraient être remplis, notamment celui de l’indépendance. Or, même si la possibilité d’un pourvoi en cassation, tel que prévu par la loi de 2002, semblerait satisfaire aux exigences de l’article 9 de la directive, les deux degrés de juridiction précédents ne seraient en aucun cas conformes au critère d’indépendance, au motif que le conseil disciplinaire administratif est composé exclusivement d’avocats et le conseil disciplinaire et administratif d’appel uniquement de deux magistrats et de trois avocats choisis sur une liste proposée par le conseil de l’Ordre. Il s’ensuivrait que la procédure de recours, telle que prévue par la loi de 2002, ne constituerait pas un recours juridictionnel de droit interne au sens du droit européen, le critère d’indépendance manquant à la première et à la deuxième instance de cette procédure de recours.

Pour le surplus, la demanderesse estime encore que la procédure de recours prévue viole l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, d’après lequel « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (…) par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera (…) des contestations sur ces droits et obligations de caractère civil », et que « le simple doute, aussi peu justifié soit-il suffit à altérer l’impartialité d’un tribunal ». Dans ce contexte, la partie demanderesse se réfère encore à l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi n° 4790/1 portant transcription de la directive, qui s’était prononcé contre une composition majoritaire d’avocats au sein du conseil disciplinaire et administratif d’appel.

Finalement, la demanderesse estime encore que la procédure de recours viole l’article 84 de la Constitution luxembourgeoise au motif qu’en droit interne aussi, le critère de l’indépendance serait essentiel pour juger si un organe est un tribunal ou non.

Or, force serait de constater que le conseil disciplinaire et administratif, de même que le conseil disciplinaire et administratif d’appel, est composé d’avocats, à savoir « de pairs à l’instar du conseil de l’Ordre », d’autant plus que le conseil disciplinaire et administratif serait souvent constitué de membres sortants du conseil de l’Ordre et plus particulièrement d’anciens bâtonniers. Il s’ensuivrait que tout risque de partialité ne serait pas à exclure par la structure même des organes appelés à statuer, de sorte que l’on ne saurait considérer lesdits organes comme un tribunal susceptible de poser des actes juridictionnels.

Dans son mémoire en réponse, l’Ordre des avocats rétorque que la procédure de recours prévue par l’article 3 de la loi de 2002, qui renvoie à l’article 26 (7) de la loi de 1991, serait à considérer comme recours juridictionnel de droit interne conforme à la jurisprudence tant de la Cour de justice que de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, tant le conseil disciplinaire et administratif que le conseil disciplinaire et administratif d’appel constitueraient des juridictions organisées par la loi, à caractère permanent, régies par une procédure contradictoire analogue à celle des juridictions de droit commun, avec juridiction obligatoire destinée à rendre des décisions en droit ayant pour objet de trancher un litige entre parties, juridictions qui auraient la qualité de tiers par rapport au conseil de l’Ordre dont émane la décision initiale.

Même à supposer que lesdits organismes soient à considérer comme instances administratives, il ne saurait être contesté que le pourvoi en cassation prévu par l’article 29 (1) de la loi de 1991, telle que modifiée, prouverait à suffisance l’existence de décisions juridictionnelles susceptibles d’être soumises au contrôle de la Cour de cassation.

Partant, la législation interne ne violerait ni l’article 9 de la directive, ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni l’article 84 de la Constitution, et ceci d’autant plus que la matière du recours contre une décision de refus d’inscription au tableau de l’Ordre des avocats ne constituerait pas une contestation de nature civile, mais une contestation qui aurait pour objet des droits politiques relevant de l’article 85 de la Constitution, qui prévoit que ces contestations sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi. Pour le surplus, la demanderesse resterait en défaut de rapporter « un seul élément de preuve probant » pouvant mettre en cause l’indépendance du conseil disciplinaire et administratif, du conseil disciplinaire et administratif d’appel et de la Cour de cassation.

Il s’ensuivrait que le tribunal administratif serait incompétent pour connaître du recours introduit qui relèverait de la compétence du conseil disciplinaire et administratif, conformément aux articles 3 de la loi de 2002 et 26 (7) et suivants de la loi de 1991.

Dans un ordre d’idées subsidiaire, l’Ordre des avocats soutient que, même à supposer que l’organisation du conseil disciplinaire et administratif et du conseil disciplinaire et administratif d’appel viole des dispositions légales, il appartiendrait à la demanderesse d’épuiser au préalable toutes les voies de recours qui lui sont accordées par la loi, faute de voir déclarer son recours irrecevable omisso medio. En effet, il appartiendrait à la demanderesse dans un premier temps d’épuiser les voies de recours légales qui lui sont accordées pour contester ensuite les décisions prises par les juridictions en cause par l’introduction d’un recours auprès du tribunal administratif. La demanderesse ne saurait partant s’arroger le droit de ne pas soumettre le litige aux organes mis en place par la loi de 2002, préalablement à la saisine du tribunal administratif.

Finalement, dans un dernier ordre de subsidiarité, et pour le cas où le tribunal administratif serait compétent pour connaître du litige, l’Ordre des avocats estime que le recours a été introduit en dehors du délai légal de quarante jours à partir de la notification de la décision attaquée, le recours n’ayant été introduit qu’en date du 29 juillet 2003, alors que la décision attaquée a été notifiée le 30 avril 2003.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse réitère son argumentation ayant trait à la compétence du tribunal administratif pour connaître du litige. Plus précisément en relation avec l’article 9 de la directive et le concept de « recours juridictionnel de droit interne », la demanderesse soutient que la question de savoir si une instance de recours constitue une Cour ou un tribunal serait une question d’appréciation factuelle à toiser d’après un certain nombre de critères garantissant que l’autorité qui est amenée à juger soit indépendante et impartiale. Plus précisément, la partie demanderesse estime qu’une autorité ne constitue une Cour ou un tribunal indépendant que si elle agit en tant que partie tierce par rapport à l’autorité qui a pris la décision formant l’objet du recours, condition essentielle mais insuffisante pour l’évaluation de l’indépendance, qui inclut également « l’absence de tout intérêt dans la solution du litige ». Or, en l’espèce, ni le conseil disciplinaire et administratif, ni le conseil disciplinaire et administratif d’appel ne satisferaient aux critères d’indépendance et d’impartialité, alors qu’ils sont composés exclusivement sinon majoritairement d’avocats élus respectivement par l’Ordre des avocats des barreaux de Luxembourg et de Diekirch, sinon désignés par le conseil de l’Ordre. Même si la Cour de cassation satisfait d’après la demanderesse aux critères d’indépendance et d’impartialité au sens du droit communautaire, l’article 9 de la directive devrait être interprété comme exigeant un accès direct à une Cour ou un tribunal indépendant, les règles procédurales détaillées gouvernant les actions judiciaires à introduire par les sujets en vue de préserver les droits dérivés du droit communautaire, en l’absence même d’une réglementation communautaire, ne devant pas rendre l’exercice des droits accordés virtuellement impossible ou excessivement difficile. Or, tel serait précisément le cas en l’espèce, étant donné que la procédure de recours instituée par la loi de 1991, telle que modifiée par la loi de 2002, exigerait un recours à introduire d’abord devant deux organes non indépendants et non impartiaux avant de garantir finalement l’accès à la Cour de cassation.

Par rapport à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la demanderesse estime que l’exigence d’impartialité entérinerait la protection du justiciable contre tout préjugé et toute partialité et qu’une apparence d’indépendance et d’impartialité serait importante. Or, la procédure instituée par la législation interne ne serait pas conforme audit article 6, étant donné que ni le conseil disciplinaire et administratif, ni le conseil disciplinaire et administratif d’appel ne seraient des tribunaux indépendants et impartiaux, même si ladite législation prévoit un recours en cassation.

Comme une des questions à débattre en matière d’accès au barreau d’un avocat voulant exercer sous son titre d’origine est celle de savoir si le conseil de l’Ordre a correctement analysé les connaissances linguistiques de cet avocat et comme la conduite de l’entretien oral prévu par la législation interne serait entièrement laissée à l’appréciation du conseil de l’Ordre, tout recours sur la question de savoir si un postulant maîtrise les langues requises serait nécessairement un recours sur les faits et non sur la loi, faits sur lesquels la Cour de cassation ne pourra pas se prononcer. Pour le surplus, seuls des impératifs de souplesse et d’efficacité, entièrement compatibles avec la protection des droits de l’homme, pourraient justifier l’intervention préalable d’organes administratifs ou corporatifs et a fortiori d’organe juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects aux prescriptions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Or, en l’espèce, il n’y aurait aucun impératif de souplesse ou d’efficacité qui imposerait l’intervention préalable du conseil disciplinaire et administratif et du conseil disciplinaire et administratif d’appel.

Concernant l’article 84 de la Constitution, la demanderesse conclut à l’applicabilité dudit article au motif que le litige concernerait son droit d’accéder à une profession donnée, droit qui serait depuis des temps « immémoriaux » classé dans la catégorie des droits civils et plus particulièrement des droits de la personnalité et non dans la catégorie des droits politiques. Or, le fait qu’un recours en cassation soit prévu en la matière ne rendrait pas la procédure compatible avec l’article 84 de la Constitution, étant donné que ledit recours se limiterait à un contrôle de légalité, de sorte que sa cause ne serait pas entendue par un tribunal examinant de façon complète les mesures touchant à un droit civil, à savoir l’accès à la profession d’avocat.

La demanderesse estime en outre qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir épuisé des voies de recours « qui n’en sont en réalité pas », étant donné que la loi de 1991 ne prévoirait aucune phase précontentieuse mais un recours qu’elle qualifierait de nature juridictionnelle et le fait qu’un recours en cassation est prévu démontrerait que le système organisé par l’article 26 de la loi de 1991 ne saurait être considéré comme un préalable précontentieux.

Pour le surplus, la demanderesse estime que son recours a été déposé dans le délai pour agir, étant donné que le délai de quarante jours prévu par l’article 26 (7) de la loi de 1991 constitue un délai pour formuler une réclamation devant un organe qui n’a aucune compétence juridictionnelle et que le tribunal a été saisi dans le contexte de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, en l’absence d’autre recours admissible d’après les lois et règlements, recours qui est à introduire dans un délai de trois mois à partir de la décision litigieuse.

La demanderesse sollicite au dispositif de sa requête introductive d’instance l’annulation de la décision du conseil de l’Ordre aux motifs que les articles 3 (2) et 6 (1) de la loi de 2002 portant transposition en droit luxembourgeois de la directive violeraient le droit communautaire, et plus particulièrement son droit à la liberté de circulation selon l’article 39 du traité instituant les Communautés européennes, ci-après dénommé « le traité », son droit à la liberté d’établissement consacré par l’article 43 du traité et par la directive et constitueraient une discrimination indirecte sur base de la nationalité en violation de l’article 12 du traité. Pour le surplus, Madame … argumente que l’article 3 (2) de la loi de 2002 violerait aussi le droit interne et plus particulièrement le principe général de droit dit « de la proportionnalité de la mesure » en ce qu’il empiéterait sur les droits et libertés des particuliers au-delà de ce qui est nécessaire et utile à la réalisation des objectifs qu’il a pour mission de poursuivre et que le conseil de l’Ordre aurait commis un excès de pouvoir en dénaturant l’entretien prévu par ledit article 3 (2) en examen et en lui refusant de se faire assister par un conseil lors dudit entretien.

Si par impossible le tribunal devrait avoir le moindre doute quant à sa compétence et la possibilité d’un recours juridictionnel de droit interne, la demanderesse sollicite encore de déférer à la Cour de justice sur base de l’article 234 du traité, les questions préjudicielles suivantes :

- « Est-ce que l’article 9 de la directive 98/5/CEE visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été obtenue, doit être interprété comme excluant une procédure de recours telle que celle qui est prévue par la loi du 10 août 1991, telle que modifiée par la loi du 13 novembre 2002 ?;

- En particulier, est-ce que des instances de recours telles que le conseil disciplinaire et administratif et/ou le conseil disciplinaire et administratif d’appel peuvent-ils être considérés comme Cour ou tribunal au sens de l’article 9 de la directive 98/5/CEE et est-ce que l’article 9 doit-il être interprété comme excluant une procédure de recours qui requiert que des procédures soient introduites devant une ou plusieurs de telles instances de recours avant que ne soit possible un recours sur un point de droit devant une Cour ou un tribunal tel que visé par l’article 9 ? ».

Aux termes de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996, précitée, « le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours est admissible d’après les lois et règlements ».

Or, l’Ordre des avocats soulève précisément l’exception d’incompétence du tribunal saisi en raison des voies de recours prévues à l’article 3 (3) de la loi de 2002 qui renvoie aux articles 26 (7) et suivants de la loi de 1991.

Les dispositions pertinentes de la loi de 1991, telle que modifiée, sont :

- article 26 (7) :

En cas de prétérition d’un avocat du tableau, le refus d’inscription ou de réinscription, de contestation du rang, ainsi que dans les cas prévus aux articles 23, 34 (3) et 40 (1), l’intéressé peut saisir le Conseil disciplinaire et administratif par requête dans un délai de quarante jours à partir soit de la remise, soit de la signification, soit de l’envoi de la décision entreprise opérés selon l’un des modes prévus au paragraphe (6). La procédure est dispensée du ministère d’avoué.

- article 26 (13) :

La décision du Conseil disciplinaire et administratif est prise à la majorité absolue des voies. Elle est signée par tous les membres du Conseil.

- article 28 (1) et( 2) :Les parties en cause, ainsi que le procureur général d’Etat et le Conseil de l’ordre intéressés peuvent faire appel contre toute décision du Conseil disciplinaire et administratif, à l’exception de celle prise selon l’article 22 (2).

Il est crée à ces fins un Conseil disciplinaire et administratif d’appel composé de deux magistrats de la Cour d’appel et de trois assesseurs-avocats inscrits sur la liste 1 du tableau des avocats.

- article 29 (1) et( 2) :Les parties en cause, ainsi que le procureur général d’Etat et le Conseil de l’ordre intéressé peuvent se pourvoir en cassation contre l’arrêt rendu en appel.

Le pourvoi est introduit, instruit et jugé comme en matière civile. Le délai pour ce pourvoi court du jour où l’arrêt d’appel a été notifié par le greffier par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il convient de rappeler en premier lieu que la partie demanderesse conclut à la compétence générale du tribunal administratif pour connaître du litige, au motif que la procédure de recours prérelatée ne constituerait pas un recours juridictionnel ni au sens de l’article 9 de la directive, ni au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni au sens de l’article 84 de la Constitution. Ce faisant, la demanderesse conteste au vu des trois bases légales invoquées, l’indépendance et l’impartialité des deux premiers degrés de juridiction prévues. Selon elle, lesdites instances seraient composées exclusivement voire majoritairement d’avocats, de sorte que tout risque de partialité ne serait pas à exclure au vu de la structure des organes appelés à statuer. Pour le surplus, la possibilité d’un pourvoi devant la Cour de cassation, juridiction considérée par la demanderesse comme indépendante et impartiale, ne rendrait pas la procédure de recours conforme aux dispositions invoquées, étant donné que la procédure à suivre en vue de la saisine de la Cour de cassation rendrait l’exercice des droits invoqués virtuellement impossible sinon excessivement difficile et que tout recours sur une question de connaissances linguistiques porterait sur des faits et non sur la loi et échapperait dès lors à un examen de la Cour de cassation.

Concernant tout d’abord la nature du droit invoqué par la demanderesse, à savoir l’exercice de la profession d’avocat au Luxembourg sous son titre d’origine, et plus précisément la question de savoir si ledit droit rentre dans la catégorie des droits à caractère civil, et non dans la catégorie des droits politiques comme soutenu par la partie défenderesse, ce qui aurait pour conséquence la non-applicabilité des différentes bases légales invoquées par la demanderesse, il convient de retenir que c’est à juste titre que Madame … soutient que le droit d’accéder à une profession fait partie des droits à caractère civil.

En effet, les juges européens ont admis que les droits et obligations de caractère civil englobent tout le droit privé. En fait, ce qui est essentiel c’est le caractère du droit en cause, c’est-à-dire concrètement son contenu et ses effets. Cela signifie deux choses :

d’une part, la nature de la loi est indifférente et il importe peu qu’il s’agisse d’une loi civile, commerciale ou administrative; d’autre part, il en est de même pour les juridictions compétentes puisqu’il importe peu qu’elles soient judiciaires, administratives, et même constitutionnelles. En réalité, la question capitale est de savoir si le droit en cause a un caractère privé ou non. Le critère de l’applicabilité de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme a été affiné : il s’agit d’une contestation ayant un caractère patrimonial. Désormais, l’incidence d’une situation ou d’un acte sur les droits patrimoniaux du justiciable est le critère décisif de l’applicabilité de l’article 6.

Dès lors, le champ d’application de ce texte s’est considérablement étendu, tant dans le domaine social, qu’administratif ou encore disciplinaire (v. Jean-François RENUCCI :

Droit européen des droits de l’homme, 2ième édition, L.G.D.J., pages 190-192).

Il s’ensuit que c’est à juste titre que la demanderesse soutient que le droit d’un individu d’accéder à une profession donnée fait partie de la catégorie des droits à caractère civil tombant sous le champ d’application du droit communautaire, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 84 de la Constitution luxembourgeoise.

Afin de vérifier sa propre compétence, il appartient néanmoins encore au tribunal saisi d’examiner si les voies de recours prévues par la loi de 1991, telle que modifiée, à savoir la saisine préalable du Conseil disciplinaire et administratif et du Conseil disciplinaire et administratif d’appel, ainsi que celle de la Cour de cassation sur une question de droit, garantissent à la demanderesse l’accès à une juridiction indépendante et impartiale, cet examen pouvant se faire d’une manière globale par rapport aux différentes bases légales invoquées, à savoir l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 9 de la directive et l’article 84 de la Constitution, et une réponse affirmative excluant la compétence générale dévolue au tribunal en vertu de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996, précitée.

Il convient de noter en premier lieu que si les principes de l’applicabilité immédiate, de l’effet direct et de l’interprétation conforme habilitent les juridictions nationales à faire application du droit communautaire, ils laissent par contre intacte la question de la détermination, à l’intérieur des ordres juridiques nationaux, des juridictions compétentes pour connaître des litiges mettant en cause des dispositions du droit communautaire, ainsi que celle des règles de procédure à appliquer. Le principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale reconnaît qu’il appartient aux ordres juridiques internes des Etats membres de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice visant à assurer la protection des intérêts des justiciables affectés par la méconnaissance de dispositions du droit communautaire ayant effet direct ou pouvant bénéficier de l’application du principe de l’interprétation conforme. Cette liberté n’est toutefois pas sans limites et les dispositions nationales ne doivent pas être appliquées de manière discriminatoire, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne. L’application du critère de l’équivalence exige donc que l’on applique le même traitement procédural que celui qui serait appliqué à une situation comparable ne soulevant aucune question de droit communautaire. Le principe d’autonomie institutionnelle et procédurale exige également que les dispositions nationales ne rendent pas impossible l’application du droit communautaire et ces dispositions ne doivent pas rendre excessivement difficile l’exercice des droits que les juridictions nationales ont pour objectif de sauvegarder (v. Michel L. STRUYS et Leo FLYNN, La subsidiarité au sein de l’Union européenne, L’Europe de la subsidiarité, Edition Bruylant 2000, pages 229-233).

Pour le surplus, cette démarche revient à se demander, lorsqu’une juridiction collégiale est en cause, si indépendamment de l’attitude personnelle de tel de ses membres, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de celle-ci. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. Il en résulte que pour se prononcer sur l’existence, dans une espèce donnée, d’une raison légitime de redouter d’une juridiction un défaut d’impartialité, l’optique du ou des intéressés entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions de ceux-ci peuvent passer pour objectivement justifiées (v. Michele DE SALVIA, Compendium de la CEDH ; Les principes directeurs de la jurisprudence relatives à la Convention européenne des droits de l’homme, Vol. 1, Jurisprudence 1960 à 2002, n° 623).

Concernant l’indépendance et l’impartialité des instances ordinales, la question essentielle est de savoir dans quelle mesure les membres du conseil qui statuent sur le cas de leur ( futur) collègue peuvent présenter la neutralité et l’objectivité suffisante, la question étant de savoir si le fait pour les « juges » de bien connaître les problèmes de la profession représente une garantie ou au contraire une source de partialité (v. Séverine Rudolff ; Droits et libertés de l’avocat dans la Convention européenne des droits de l’homme, Edition Bruylant, 1995, page 138). Plus précisément en matière administrative, la question de l’impartialité du Conseil de l’Ordre lors de l’examen d’une demande d’inscription ou de réinscription a fait l’objet d’un examen superficiel par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans l’affaire H. c. Belgique, la Cour a jugé que « l’indépendance des membres du conseil de l’Ordre ne fait pas problème, élus par leurs pairs, ils ne relèvent d’aucune autorité et ne sont soumis qu’à leur propre conscience », quant à leur impartialité personnelle, il n’existe « nulle raison d’en douter ». Elle a considéré enfin qu’il n’est « pas nécessaire de se prononcer sur l’impartialité structurelle du Conseil de l’Ordre ». Par contre, dans l’affaire De Moor, la Commission européenne des droits de l’homme a adopté une position plus sévère à l’égard du Conseil de l’Ordre en estimant à l’unanimité que celui-ci ne remplissait pas la condition d’impartialité structurelle (v. Séverine Rudolff, op. cit. pages 143-145).

Dans ses arrêts Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981 et Albert et Le Compte du 10 février 1983, la Cour européenne des droits de l’homme a dit que la disposition de l’article 6-1 n’impose pas que les procédures se déroulent à chacun de leur stade devant un tribunal conforme à ces diverses prescriptions, car « des impératifs de souplesse et d’efficacité, entièrement compatibles avec la protection des droits de l’homme, peuvent justifier l’intervention préalable d’organes administratifs ou corporatifs et a fortiori juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects à ces mêmes prescriptions, un tel système pouvant se réclamer de la tradition juridique de beaucoup d’Etats membres du Conseil de l’Europe ». Il suffit, a ajouté la Cour, qu’un organe de pleine juridiction soit compétent pour exercer ultérieurement un contrôle « pour les points de fait comme pour les questions de droit » et présente toutes les garanties prévues à l’article 6. A cet égard, l’intervention du juge de cassation est insuffisante à compenser le « déficit » éventuel de l’instance d’appel au regard de la convention, dans la mesure où il n’exerce pas en matière disciplinaire un contrôle de pleine juridiction (v. Les procédures disciplinaires des barreaux européens au regard de la Convention européenne des droits de l’homme ; Colloque du 11 mars 1998 organisé par les instituts des droits de l’homme des barreaux de Paris, Barcelone et Bruxelles ;

Rapport de synthèse par Monsieur Pierre LAMBERT, Edition Nemesis-Bruylant, Collection droit et justice, pages 116 et 117).

Il est constant en cause que la demanderesse soulève exclusivement une question de droit, à savoir la non-conformité au droit communautaire et au droit interne de l’exigence de connaissances linguistiques respectivement un excès de pouvoir commis par le conseil de l’Ordre en relation avec la tenue d’un entretien en vue de vérifier des connaissances linguistiques, entretien contesté quant à son principe. Il n’en serait autrement que pour l’hypothèse où la demanderesse affirmerait avoir des connaissances linguistiques suffisantes qui n’auraient cependant pas été appréciées à leur juste valeur par ledit conseil de l’Ordre.

En l’espèce, le tribunal retient que les appréhensions de la demanderesse vis-à-vis du conseil disciplinaire et administratif et du conseil disciplinaire et administratif d’appel, en raison de la composition peuvent, au vu des apparences, passer pour objectivement justifiées. Cependant cette appréhension doit être tempérée, étant donné que le but de la Convention européenne des droits de l’homme consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs.

Les différentes garanties énumérées par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme constituent les éléments divers d’une exigence unique, celle du procès équitable. Il en découle que le respect de telle ou telle garantie doit être soupesé par rapport à l’ensemble du procès. Les divers stades de la procédure nationale (instance de base, appel, cassation) ne doivent pas être considérés isolément. La défaillance d’une garantie précise lors d’un stade peut être « rachetée » par d’autres éléments de sauvegarde, lors d’un stade ultérieur (v. Louis-Edmond PETTITI, Emmanuel DECAUX et Pierre-Henri IMBERT, La Convention européenne des droits de l’homme, commentaire article par article, Edition Economica, pages 248 et 249).

Par le jeu des voies de recours, un même procès vient successivement devant plusieurs juridictions ; en d’autres termes, ce procès comporte plusieurs étages. Et l’on se doute que selon l’étage considéré, les exigences de l’article 6 seront plus ou moins strictes. Il s’impose donc, en premier lieu, de déterminer ces exigences selon telle ou telle étage du procès en cause. L’article 6-1 concerne d’abord les juridictions de première instance : il ne requiert pas l’exigence de juridictions supérieures. Sans doute ces garanties fondamentales doivent-elles être assurées par les Cours d’appel ou de cassation qu’a pu créer un Etat contractant, mais il n’en découle pas que les juridictions inférieures n’aient pas à les fournir elles-mêmes en pareil cas. Une telle conséquence irait à l’encontre de la volonté sous-jacente à l’instauration de plusieurs degrés de juridiction :

renforcer la protection des justiciables. En d’autres termes, un Etat contractant peut fort bien n’avoir qu’un seul degré de juridiction. Mais s’il a choisi d’en instaurer plusieurs, tous doivent subir l’application de l’article 6. Cependant, ce premier principe se trouve assoupli par un autre principe : la modulation des garanties prévues par l’article 6. Le manquement constaté à un stade peut être corrigé à un stade ultérieur, à condition que l’organe de recours dispose d’une compétence qui lui permette d’effacer le vice reproché.

De sorte qu’après la modulation des exigences selon tel ou tel étage du procès en cause, il faut considérer ces exigences dans une approche synthétique, selon l’ensemble du procès en cause (La Convention européenne des droits de l’homme, commentaire article par article, op. cit., pages 262 à 264).

Il convient dès lors de se livrer à une appréciation globale et il importe de rechercher si les particularités de la procédure nationale, envisagée en bloc, justifient une dérogation à l’une ou l’autre des exigences de l’article 6, lors de telle ou telle phase juridictionnelle en prenant en compte l’ensemble du procès mené ou à mener dans l’ordre juridique interne.

Or, il est constant en cause que la demanderesse, comme relevé ci-avant, a uniquement soulevé une question de droit, de sorte que les instances collégiales, à savoir le conseil disciplinaire et administratif et le conseil disciplinaire et administratif d’appel, de même que la Cour de cassation ne se trouveraient pas en l’espèce, en cas de saisine, confrontés à une question de fait.

Partant, même si les appréhensions de la demanderesse vis-à-vis des instances collégiales peuvent être objectivement justifiées, cet éventuel manquement par rapport à l’exigence d’un tribunal indépendant et impartial se trouve tempéré en l’espèce par l’appréciation que la Cour de cassation serait le cas échéant amenée à apporter sur la question de droit soulevée. Conformément aux principes énoncés ci-avant, les particularités de la procédure nationale et plus précisément des voies de recours instituées par les lois de 1991 et 2002 doivent être envisagées en bloc par rapport à l’ensemble du procès mené ou à mener.

Il s’ensuit qu’à ce stade de la procédure, le tribunal saisi doit se déclarer incompétent pour connaître du litige, étant donné qu’un éventuel manquement constaté par rapport à la notion de tribunal indépendant et impartial devant le conseil disciplinaire et administratif et devant le conseil disciplinaire et administratif d’appel est susceptible d’être effacé par la Cour de cassation par rapport à la question de droit soulevée.

Dans ce contexte, le tribunal ne saurait non plus partager l’opinion de la partie demanderesse consistant à soutenir que les voies de recours imposées par la législation nationale pour le cas d’espèce, et plus particulièrement l’accès à la Cour de cassation, pour toiser une question de droit, seraient excessivement difficiles voire impossibles respectivement que l’intervention préalable des instances collégiales ne se justifierait par aucun impératif de souplesse ou d’efficacité, étant donné que la saisine du conseil disciplinaire et administratif et du conseil disciplinaire et administratif d’appel se déroule d’après une procédure moins lourde et plus rapide que la saisine du tribunal administratif et qu’un recours en cassation pour toiser une question de droit ne saurait être qualifié de virtuellement impossible ou d’excessivement difficile pour un avocat à la Cour exerçant sa profession au Luxembourg. Pour le surplus, il échet de noter que les voies de recours imposées en l’espèce ne sont pas appliquées de manière discriminatoire, étant donné qu’elles sont strictement identiques à celles concernant des recours similaires de nature interne, pour l’hypothèse d’un recours d’un avocat désirant accéder au barreau de Luxembourg et ne soulevant aucune question de droit communautaire.

Finalement, même à admettre qu’un demandeur soulève une question de fait en relation avec la problématique de son inscription au tableau des avocats sous la liste IV des avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine, il lui appartiendrait néanmoins d’épuiser au préalable les voies de recours administratives précontentieuses, par la saisine du conseil disciplinaire et administratif et du conseil disciplinaire et administratif d’appel, sous peine de voir déclarer son recours irrecevable.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’à ce stade de la procédure, et sans qu’il soit nécessaire ou utile que le tribunal fasse usage de la faculté lui ouverte d’un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice, le tribunal est amené à se déclarer incompétent pour connaître du recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours ;

laisse les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 13 mai 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16780
Date de la décision : 13/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-13;16780 ?

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