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12/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17240,17241

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2004, 17240,17241


Tribunal administratif Nos 17240 et 17241 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 4 décembre 2003 Audience publique du 12 mai 2004 Recours formés par la société anonyme … S.A., … contre deux décisions de l’administration communale de la Ville de … en matière de taxes communales

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17240 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme â€

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Tribunal administratif Nos 17240 et 17241 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 4 décembre 2003 Audience publique du 12 mai 2004 Recours formés par la société anonyme … S.A., … contre deux décisions de l’administration communale de la Ville de … en matière de taxes communales

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17240 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’un bulletin d’imposition émis le 5 décembre 2002 par l’administration communale de la Ville de … relatif à la mise en décharge de 3.000 tonnes de déchets pour l’année 2001 pris sur base d’un règlement-taxe adopté par le conseil communal le 7 février 2002 ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17241 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2003 par Maître Jean MEDERNACH, pour compte de la société anonyme … S.A., préqualifiée, tendant à l’annulation d’un bulletin d’imposition émis le 5 décembre 2003 par l’administration communale de la Ville de … relatif à la mise en décharge de 3.000 tonnes de déchets pour l’année 2002 pris sur base du même règlement-taxe adopté par le conseil communal le 7 février 2002 ;

I. + II.

Vu les exploits de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à …, du 10 décembre 2003, portant signification de ces deux recours à l’administration communale de … ;

Vu les mémoires en réponse déposés au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2004 par Maître Paul TRIERWEILER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de … ;

Vu les exploits de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 10 mars 2004, portant signification de ces mémoires en réponse à la société anonyme … S.A. ;

Vu les mémoires en réplique déposés au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2004 par Maître Jean MEDERNACH, pour compte de la société anonyme … S.A. ;

Vu les notifications de ces mémoires en réplique par voie de télécopies adressées au mandataire de l’administration communale de … en date du 25 mars 2004 ;

Vu les mémoires en duplique déposés au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2004 par Maître Paul TRIERWEILER, pour compte de l’administration communale de … ;

Vu les notifications de ces mémoires en duplique par voie de télécopies adressées au mandataire de la société anonyme … S.A. en date du 23 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Paul TRIERWEILER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2004.

Lors de sa séance publique du 7 février 2002, le conseil municipal de la Ville de … a décidé d’introduire une taxe comme compensation pour les nuisances résultant de l’existence et du fonctionnement d’une décharge de déchets sur une déponie fixe située sur le territoire de la commune à … dans le but de faire face aux dépenses générales du budget communal. Cette délibération fut approuvée par arrêté grand-ducal du 1er mars 2002, ainsi que par décision du ministre de l’Intérieur datant du 7 mars 2002.

Par courrier datant du 5 décembre 2002, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de … transmit à la société anonyme … S.A., ci-après désignée par « la société … », deux factures relatives à la mise en décharge de déchets au … à … au cours des années 2001 et 2002, établies sur base de la délibération ci-avant visée, pour un montant total respectif de 12.000,- €, ceci sous la précision que « cette facturation a été établie à titre provisoire étant donné que les éléments requis pour la rédaction de la facture définitive n’étaient pas disponibles au moment de la facturation. Nous vous prions donc de nous renseigner par retour du courrier sur le tonnage exact des déchets pour l’année 2001 et dans la première quinzaine de janvier 2003 sur le tonnage exact de l’an 2002.

Dès réception de ces informations manquantes une facture supplémentaire respectivement une note de crédit sera établie pour l’année 2001 respectivement l’année 2002. ».

Après plusieurs échanges de courriers entre la société … et la Ville de … ayant porté sur des contestations de la société concernée quant à son assujettissement à la taxe lui facturée, la société … a fait introduire, par deux requêtes séparées déposées au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2003 et y inscrites sous les numéros du rôle respectifs 17240 et 17241, des recours en annulation à l’encontre des bulletins d’imposition émis le 5 décembre 2002 à son encontre par la Ville de … pour les années respectives 2001 et 2002.

Les deux recours ainsi introduits portant sur l’application à la même activité pour deux années consécutives d’un même règlement- taxe, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

La Ville de … conclut principalement à l’incompétence du tribunal pour connaître des recours introduits en faisant valoir que ces recours sont uniquement dirigés contre les factures du 5 décembre 2002 et non pas contre le règlement-taxe à leur base, lequel serait le seul acte administratif attaquable devant la juridiction administrative.

Dans la mesure où un procès serait actuellement pendant devant le tribunal de commerce de … pour voir condamner la société … au paiement du montant réclamé pour la période du 16 août au 31 octobre 2003, il estime qu’il appartiendrait aux seuls tribunaux de droit commun de décider du bien-fondé de la créance réclamée. S’agissant à son avis d’un litige né à l’occasion d’un acte de recouvrement forcé d’un impôt direct, voire d’une taxe, la Ville de … estime ainsi que seuls les juges du contentieux de l’exécution seraient compétents pour connaître des moyens que le contribuable peut faire valoir contre les actes d’exécution et des difficultés afférentes.

La société demanderesse réplique que les recours en annulation par elle introduits seraient dirigés contre les bulletins d’imposition mêmes et toucheraient partant le fond de l’imposition, à l’exclusion de toute difficulté relative à l’exécution du recouvrement de l’impôt, de sorte que ces bulletins seraient à considérer comme des décisions administratives à caractère individuel, attaquables en tant que telles par un recours en annulation devant les juridictions administratives.

Elle se réfère en outre aux dispositions de l’article 8 (1) b) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif pour soutenir que les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des contestations relatives aux impôts et taxes communaux à l’exception des seules taxes rémunératoires, dont la taxe litigieuse ne présenterait aucun des caractères.

A titre subsidiaire, la Ville de … fait valoir que dans l’hypothèse où les factures du 5 décembre 2002 seraient à considérer comme des actes administratifs attaquables devant le tribunal administratif, les recours en annulation sous examen seraient irrecevables pour cause de tardiveté faute d’avoir été déposés dans le délai légal de trois mois.

La société demanderesse signale à cet égard avoir répondu par un courrier recommandé du 10 avril 2003 à la sommation intervenue le 27 mars 2003. Elle relève pour le surplus que le délai pour attaquer le règlement-taxe à la base des impositions litigieuses ne présenterait aucune pertinence en l’espèce pour être étranger à l’objet du recours, alors que seuls les bulletins d’imposition attaqués ont été déférés au tribunal et qu’à leur encontre aucun délai de recours n’aurait utilement commencé à courir, faute d’indication des voies de recours ouvertes à leur encontre. Elle estime finalement que même en admettant que le délai de recours ait pu commencer à courir, il aurait été interrompu à d’itératives reprises à travers les différentes réclamations par elle formulées.

Il y a lieu de relever liminairement que les recours sous examen sont dirigés non pas contre le règlement communal de la Ville de … du 7 avril 2002 ayant pour objet l’introduction d’une taxe pour la mise en décharge de déchets sur une déponie fixe à …, et les actes d’approbation grand-ducal et ministériel subséquents, lesquels, en tant qu’actes administratifs à caractère réglementaire, sont en tant que tels susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée (cf. trib. adm. 24 juin 2003, n° 15616 du rôle, non encore publié), mais que ces deux recours ont pour objet deux décisions individuelles d’imposition prises par la Ville de … par application dudit règlement communal.

Conformément aux dispositions de l’article 8 (1) b) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée « le tribunal administratif connaît des contestations relatives :

(…) aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires. ».

La taxe introduite par le règlement communal prévisé du 7 février 2002 n’étant pas de nature rémunératoire, faute d’avoir été établie pour rémunérer un service rendu et obligatoire, le tribunal est dès lors en principe compétent, par application des dispositions de l’article 8 (1) b) de la loi modifiée du 7 novembre 1996, pour connaître des contestations y relatives.

S’il est certes patent en l’espèce que l’imposition de la société demanderesse intervenue sur base du règlement communal du 7 février 2002 fut matérialisée par deux factures émises à son encontre, il n’en demeure cependant pas moins qu’il y a lieu de distinguer entre, d’une part, des contestations ayant trait à l’établissement de l’impôt et, d’autre part, des contestations se rapportant au volet du recouvrement de l’impôt, ceci indépendamment du support matériel concrètement retenu pour porter l’imposition à la connaissance de la personne concernée.

En l’espèce, il se dégage clairement des deux recours sous examen que les contestations de la société demanderesse ont trait à l’application-même du règlement communal du 7 février 2002 en ce sens que la société demanderesse estime ne pas être passible de la taxe y prévue, faute de tomber sous son champ d’application et n’ont pas directement trait à des questions relevant du domaine du recouvrement de la taxe.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le tribunal est compétent pour connaître des deux recours introduits.

Quant au délai pour agir, force est encore de relever que s’agissant d’un litige qui n’a pas trait à la matière des contributions directes expressément exceptée du champ d’application de la procédure administrative non contentieuse, c’est à juste titre que la société demanderesse se prévaut des dispositions de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes pour soutenir qu’à défaut pour les décisions litigieuses de comporter une instruction sur les voies de recours ouvertes contre elles, aucun délai de recours contentieux n’a pu commencer à courir dans le chef de leur destinataire à leur encontre.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté invoqué par la partie défenderesse laisse en tout état de cause d’être fondé.

Les recours en annulation ayant pour le surplus été introduits dans les formes prévues par la loi, ils sont recevables.

A l’appui de ses recours la société demanderesse fait valoir qu’elle ne saurait être considérée comme étant elle-même exploitant d’une décharge et ne saurait donc figurer comme organe percepteur de la taxe au sens de l’article 5 dudit règlement communal du 7 février 2002, étant donné que bien qu’implantée sur le site …, elle est une entreprise privée qui n’a aucun lien avec le SIDEC (Syndicat intercommunal pour la collecte, l’évaluation et l’élimination des ordures provenant des communes de la région de …, Ettelbruck et Colmar-Berg) lequel serait en réalité le seul protagoniste à qui la ville pourrait réclamer un paiement en qualité d’exploitant de la décharge pour déchets sis à ….

Elle précise que ses activités consistent en l’hygiénisation des boues de stations d’épuration par compostage et qu’à côté desdites boues d’épuration, elle prend en charge d’autres types de matières organiques, principalement des résidus végétaux et des écorces, que ces diverses matières organiques sont préalablement mélangées, puis exposées à une aération forcée selon un processus novateur, que la durée moyenne du compostage est de quatre mois et que cette durée correspond à la période qui sépare la réception des matières premières et le moment où le compost est commercialisé. Elle fait valoir que de telles activités ne seraient ni en fait, ni en droit assimilables à une décharge de déchets et se prévaut à cet égard du fait que dans le cadre de la procédure en obtention du permis requis de la part du ministre de l’Environnement sur base de la loi du 17 juin 1994 relative à la prévention et à la gestion de déchets, l’administration n’a pas qualifié ses activités comme des opérations de décharge de déchets, étant entendu que l’arrêté afférent émis le 17 septembre 1999 autorise les opérations suivantes : « recyclage ou récupération de substances organiques qui ne sont pas utilisées comme solvants (y compris des opérations de compostage et autres transformations biologiques) ».

Elle se prévaut en outre du fait qu’une installation de compostage et une décharge de déchets sont deux établissements disposant d’une numérotation distincte au niveau de la nomenclature des établissements dangereux établie par règlement grand-ducal du 18 mai 1990 ainsi qu’à la définition fournie par la directive du conseil 1999/31/CE du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets, pour soutenir qu’elle ne remplirait aucune des conditions y énoncées pour constituer une décharge de déchets.

La société demanderesse en déduit qu’elle ne peut pas être considérée comme percepteur de la taxe litigieuse au sens du règlement communal du 7 février 2002 et que les décisions litigieuses auraient dès lors été émises en violation dudit acte réglementaire.

La société demanderesse relève finalement que les décisions attaquées ont été prises en vertu dudit règlement communal du 7 février 2002 qui a été publié par voie de référence au Mémorial A n° 94 du 16 août 2002 et fait valoir qu’en vertu du principe qu’aucun acte normatif ne peut sortir un quelconque effet qu’après avoir été publié au Mémorial, les impositions litigieuses devraient encourir la nullité pour défaut de base légale et réglementaire valable en ce qu’elles établissent une taxation pour l’année 2001.

La taxe introduite par délibération du conseil municipal de la Ville de … du 7 février 2002 est réglementée comme suit :

« Article 1er : A partir du 01 janvier 2001, il est établi une taxe pour la mise en décharge de déchets aux lieux-dits … situés sur le territoire de la commune de ….

Article 2 : Est redevable de cette taxe le producteur ou le gestionnaire de déchets qui fait transporter des déchets à la décharge du … pour y être recyclés ou mis en décharge.

Article 3 : La taxe est due pour les déchets admis en vertu du registre des admissions des déchets à tenir par l’exploitant d’une décharge en vertu de l’autorisation ministérielle servant de référence.

Article 4 : Le montant de la taxe est fixé à 161, 359 Luf (4,00 euros) par tonne de déchets. Le montant arrêté en euro est indicatif pour l’exercice 2001 et applicable à partir du 01.01.2002.

Article 5 : La taxe est perçue auprès de l’exploitant de la décharge pour déchets qui la transmet à la recette communale selon les modalités ci-après.

Article 6 : A la fin de chaque trimestre et au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre écoulé, l’exploitant de la décharge remet à l’administration communale une déclaration indiquant les quantités exactes des déchets mis en décharge, ainsi que le montant de la taxe due à la commune.

Il règle le montant afférent à la recette communale au moment du dépôt de sa déclaration.

Article 7 : Le règlement fait en suite de la déclaration est accepté sous réserve de tous droits de vérification.

Article 8 : Toutes sommes non réglées par l’exploitant le dernier jour du mois qui suit le trimestre pour lequel la taxe est due sont productives d’intérêts de retard à partir du premier jour du mois suivant.

Les (sic) taux d’intérêts de retard est celui fixé par l’Etat en matière d’impôt sur le revenu.

Article 9 : L’exploitant est tenu de laisser pénétrer dans ses établissements les agents de surveillance délégués par l’administration communale et de se soumettre aux mesures de contrôle déterminées par le Collège des Bourgmestre et Echevins.

Il est tenu notamment de leur communiquer tous documents et pièces permettant de vérifier l’exactitude de ses déclarations.

Article 10 : En cas d’abandon ou de cession de l’exploitation, les taxes échues doivent être réglées sans délai à la recette communale.

Article 11 : La taxe établie par le présent règlement sera recouvrée conformément aux règles établies par la loi communale du 13 décembre 1988.

En cas de fraude ou d’omission de la part de l’exploitant, le montant à régler à la recette communale est établi d’office à raison des recettes présumées.

Sans préjudice d’autres dispositions légales, les contraventions aux dispositions du présent règlement sont punies d’une amende de 1.000 à 10.000,- Luf».

L’argumentation de la Ville de … pour conclure au bien-fondé des décisions litigieuses consiste à soutenir que la société … est à considérer comme gestionnaire d’une déponie de déchets, étant donné qu’elle entrepose, en vue d’une décharge ou en vue du recyclage, des matières premières pour les transformer en compostage et les commercialiser sous forme de composte. Elle estime plus particulièrement que le fait pour la société demanderesse d’entreposer surtout des déchets provenant de la station d’épuration SIDEN en vue de leur recyclage lui vaudrait la qualité de gestionnaire de déchets et que la notion de décharge signifierait un lieu où on dépose des décombres et des immondices.

Il y a partant lieu de déterminer, à partir du libellé du règlement communal du 7 février 2002, si les activités de la société demanderesse exercées, au lieu-dit …-…, situé sur le territoire de la commune de …, relèvent du champ d’application dudit règlement communal ou bien au contraire y échappent.

Le conseil municipal de … a réglementé la taxe litigieuse suivant les 11 articles distincts prérelatés qui s’enchaînent, de par leur objet, comme suit :

L’article 1er consacre le principe de l’établissement d’une taxe pour la mise en décharge de déchets aux lieux-dits …-… situés sur le territoire de la commune de … et détermine le point de départ de l’établissement de cette taxe comme étant le 1er janvier 2001, sans spécifier autrement ni les redevables, ni l’assiette, ni encore le tarif exact de la taxe.

C’est seulement à travers les articles suivants, en l’occurrence les articles 2, 3 et 4, que le règlement en question litigieux définit d’abord les redevables de la taxe, en l’occurrence « le producteur ou le gestionnaire de déchets qui fait transporter des déchets à la décharge de … pour y être recyclés ou mis en décharge ». Eu égard au libellé précis et explicite retenu, la détermination du redevable de la taxe n’est pas sujette à interprétation, la définition de préciser en effet sans la moindre ambiguïté à cet égard que le fait pour un producteur ou gestionnaire de déchets de transporter des déchets à la décharge du …, que ce soit en vue de leur recyclage ou de leur mise en décharge, est suffisant et seul déterminant pour faire valoir dans son chef la qualité de redevable de la taxe litigieuse (cf trib. adm. 24 juin 2003, n° 15616 du rôle, non appelé, non encore publié).

Il se dégage encore des dispositions combinées des articles 1er et 2 du règlement communal sous analyse, que la commune, en visant la « décharge du … », se réfère en fait à l’ensemble des lieux-dits …-… situés sur son territoire et entend imposer la taxe litigieuse à tout producteur ou gestionnaire de déchets qui fait transporter des déchets sur ce site globalement considéré, indépendamment du sort y réservé à ces déchets, de manière à couvrir aussi bien les déchets qui y sont transportés pour y être recyclés que ceux qui y sont transportés pour y être mis en décharge.

Il s’ensuit que les considérations de la société demanderesse basées sur le fait que ses activités ne consistent pas en une mise en décharge proprement dite de déchets, mais ont essentiellement pour objet le recyclage de déchets, laissent d’être pertinentes pour l’application du règlement communal sous examen, étant donné que son article 2 vise expressément parmi les producteurs ou gestionnaires redevables de la taxe, ceux qui font transporter des déchets au … pour y être recyclés.

Après avoir ainsi défini dans son article 2 les personnes à charge desquelles l’impôt est établi, le règlement communal poursuit dans son article 3 avec la définition de l’assiette de l’impôt en déterminant la matière imposable comme étant « les déchets admis en vertu du registre des admissions des déchets à tenir par l’exploitant d’une décharge en vertu de l’autorisation ministérielle servant de référence ». Ici encore la terminologie retenue ne prête pas à confusion, étant donné que les déchets constitutifs de l’assiette de la taxe sont clairement identifiés comme étant ceux admis en vertu du registre des admissions des déchets à tenir par l’exploitant de la décharge en vertu de l’autorisation ministérielle servant de référence. La composition exacte de la matière imposable est ainsi déterminable par référence à l’autorisation ministérielle qui détermine les déchets devant être inscrits au registre des admissions à tenir par l’exploitant, étant entendu que tant la matière imposable que le mode de détermination par référence ainsi retenu ne sont pas autrement sujets à critique en l’espèce.

L’article 4 du règlement litigieux fixe ensuite le montant de la taxe par tonne de déchets, étant entendu qu’à défaut de disposition contraire, les déchets ainsi visés doivent s’entendre nécessairement comme étant ceux constitutifs de l’assiette de l’impôt telle que définie à l’article 3.

Le conseil communal a poursuivi en désignant à l’article 5 l’organe percepteur de la taxe, en l’occurrence l’exploitant de la décharge, en précisant qu’il incombe à ce dernier de la transmettre à la recette communale selon les modalités qui suivent.

La notion d’exploitant de la décharge, en l’absence d’autres spécifications afférentes directement fournies dans le cadre de l’article 5 sous examen, est à interpréter à la lumière des autres dispositions du même règlement communal, en l’occurrence les articles 1er et 2 qui définissent le cadre général du champ d’application en ce sens que la notion de « décharge » du … y visée s’entend d’une manière générale par rapport au lieu-dit …-… et vise partant aussi bien les sites destinés au recyclage que ceux prévus pour la mise en décharge finale de déchets, sous peine de méconnaître la terminologie pourtant expressément retenue audit article 2.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la société demanderesse, en ce qu’elle reçoit sur son site localisé aux lieux-dits …-… des déchets en vue essentiellement de leur recyclage, est à considérer comme étant un exploitant d’une décharge au sens de l’article 5 du règlement sous examen et revêt, à ce titre, la qualité de percepteur de la taxe litigieuse auprès des redevables de cette taxe tels que définis plus en avant à l’article 2 du même règlement communal.

Il s’ensuit que les décisions d’imposition litigieuses sont justifiées dans leur principe en ce sens qu’elles ont pour objet de réclamer auprès de la société demanderesse, en sa qualité d’organe percepteur, la taxe litigieuse ayant frappé les déchets qui ont été transportés sur le site de la société demanderesse pour y être recyclés ou mis en décharge, ceci sans préjudice quant au tonnage concrètement retenu, ce point n’étant pas directement litigieux en l’espèce.

Concernant le moyen basé sur le caractère rétroactif du règlement communal du 7 février 2002, c’est à juste titre que la société demanderesse conclut à une violation du principe de la non-rétroactivité applicable en la matière pour autant que la taxe litigieuse fut perçue pour une période antérieure à sa publication.

En effet, aucun acte normatif ne peut sortir un quelconque effet qu’après avoir été publié au Mémorial (cf. trib. adm. 7 juin 1999, n° 10790 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 mars 2000, n° 11356C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Lois et règlements, n° 6 et autres références y citées). Dans la mesure ou l’illégalité ainsi établie affecte le règlement litigieux non pas dans son ensemble, mais se rapporte à un élément détachable, il y a lieu de retenir que celui-ci est illégal dans la mesure où il dispose produire des effets déjà avant sa publication faite au Mémorial en date du 16 août 2002 (cf. trib. adm. 24 juin 2003, n° 15616 du rôle, non encore publié). Or, conformément aux dispositions de l’article 95 de la Constitution les Cours et Tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois. Il s’ensuit que les décisions litigieuses, pour autant qu’elles sont établies pour une période antérieure à la publication du règlement communal du 7 février 2002, sont dépourvues de base légale et encourent partant l’annulation dans cette mesure.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer pour moitié à la société demanderesse et pour moitié à la Ville de …, étant donné que les deux parties ont partiellement succombé dans leurs moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

prononce la jonction des recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 17240 et 17241 ;

reçoit les recours en annulation en la forme ;

au fond, les dit partiellement justifiés ;

partant, annule les décisions litigieuses dans la mesure où elles se réfèrent à une période antérieure à la publication du règlement communal du 7 février 2002 faite au Mémorial en date du 16 août 2002 ;

dit les recours non fondés pour le surplus ;

fait masse des frais et les impose pour moitié à la société demanderesse, l’autre moitié restant à charge de la Ville de … ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mai 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17240,17241
Date de la décision : 12/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-12;17240.17241 ?

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