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12/05/2004 | LUXEMBOURG | N°16546a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2004, 16546a


Tribunal administratif N° 16546a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2003 Audience publique du 12 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de traitement

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 16546 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 juin 2003 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L- …, tendant à la réformation, sinon à l’annu

lation de la décision du ministre de l’Intérieur du 12 décembre 2002, tendant à la suspension ...

Tribunal administratif N° 16546a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2003 Audience publique du 12 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de traitement

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 16546 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 juin 2003 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L- …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 12 décembre 2002, tendant à la suspension du paiement de son traitement avec effet à partir du 1er octobre 2002 sur base des dispositions de l’article 52 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu le jugement du 10 novembre 2003 tendant à une mesure d’expertise et nommant experts Messieurs Paul HEMMER, Roland HIRSCH et Jacques PREYVAL ;

Vu l’ordonnance du 19 novembre 2003 portant prorogation du délai de remise du rapport d’expertise jusqu’au 20 février 2004 ;

Vu l’ordonnance du 27 novembre 2003 portant remplacement de l’expert Paul HEMMER par l’expert Alain Tuang-Hua MARGUE ;

Vu le rapport d’expertise déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2004 ;

Vu le calendrier du 22 mars 2004 prévoyant la possibilité d’un dépôt de mémoires supplémentaires suivant un délai expirant le jeudi 22 avril 2004 ;

Vu le mémoire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 avril 2004 ;

Vu le mémoire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 2004 par Maître Jean-Paul WILTZIUS au nom de Monsieur … ;

Revu les pièces versées au dossier, ensemble le rapport d’expertise fourni en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Jean-Paul WILTZIUS et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mai 2004.

Considérant qu’en date du 12 décembre 2002, Monsieur …, né le…, a fait l’objet d’une décision du ministre de l’Intérieur, adressée à son mandataire, libellée comme suit :

« Maître, En réponse à votre courrier du 22 novembre 2002 adressé à la Direction Générale de la Police, j’ai l’honneur de vous faire savoir que la Commission des Pensions a décidé le 05 mars 2001 que votre mandant …, …, n’est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état d’exercer ses fonctions et qu’il peut reprendre son service à plein temps.

Etant donné que l’intéressé continue à déserter son lieu de travail, j’ai demandé au Ministère de la Fonction publique de faire appliquer l’article 52 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat sur base d’un avis du 30 septembre 2002 de la Commissions des Pensions. Le paiement du traitement de Monsieur … est ainsi suspendu à partir du 1er octobre 2002.

Monsieur … conteste formellement que les raisons de santé qui l’obligent depuis le 08 octobre 2001 à s’absenter de son lieu de travail soient les mêmes que celles invoquées au moment de solliciter sa mise à la retraite prématurée et que de ce fait l’article 52 de la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée serait inopérant. Suivant certificat médical du 19 novembre 2002, Monsieur … serait atteint d’une fibromyalgie dont les premiers symptômes serai(en)t apparus en septembre 2001.

Cette affirmation est contredite par le rapport médical établi par le médecin chargé par le Président de la Commission des Pensions de l’expertise médicale de votre mandant et qui a diagnostiqué dès septembre 2000 une fibromyalgie.

Les congés de maladie de votre mandant étant en relation directe avec l’affection ayant entraîné sa comparution devant la commission ad hoc, les dispositions des points 3 et 4 de l’article 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat lui sont applicables.

La décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal Administratif à introduire par ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente.

Veuillez agréer, Maître, l’expression de ma considération très distinguée.

Le ministre de l’Intérieur ».

Que par courrier de son mandataire du 6 mars 2003, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prérelatée, lequel a été rencontré par une décision confirmative du ministre de l’Intérieur du 19 mars 2003 maintenant la suspension du paiement du traitement du demandeur avec effet au 1er octobre 2002 ;

Considérant que par requête déposée en date du 12 juin 2003, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle prérelatée du 12 décembre 2002 ;

Considérant que par jugement du 10 novembre 2003 le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, tout en déclarant le recours en annulation recevable et, au fond, avant tout autre progrès en cause, a nommé experts Messieurs Paul HEMMER, médecin spécialiste en rhumatologie, Roland HIRSCH, médecin spécialiste en neuro-psychiatrie et Jacques PREYVAL, médecin spécialiste en médecine légale, avec la mission de se prononcer dans un rapport écrit et motivé sur la question de cerner les éléments à la base des congés de maladie sollicités par Monsieur … pour la période postérieure au 1er octobre 2002, ainsi que leur rapport avec l’affection ayant entraîné sa comparution antérieure devant la commission des pensions ayant abouti à la décision du 5 mars 2001 ;

Que par ordonnance du 27 novembre 2003, Monsieur Paul HEMMER, ayant déclaré ne pas accepter la mission lui conférée, a été remplacé par Monsieur Alain Tuang-Hua MARGUE, médecin spécialiste en rhumatologie ;

Que les trois experts ont déposé leur rapport d’expertise en date du 1er mars 2004 ;

Que suivant leur conclusion collégiale les experts de retenir que « les congés maladie sollicités par Monsieur …, étaient motivés, après le 1er octobre 2002, par des troubles arthrosiques et dégénératifs, majorés par des troubles psycho-somatiques qui existaient déjà au moment de la décision du 5 mars 2001. » ;

Considérant que dans son mémoire après rapport d’expertise, le délégué du Gouvernement de se rapporter à prudence de justice, tandis que le demandeur de conclure que s’il était vrai que les troubles constatés par les experts avaient déjà existé au moment de la décision du 5 mars 2001, dont notamment les troubles arthrosiques et dégénératifs ensemble la fibromyalgie constatée, il y aurait lieu de tenir compte avec les experts du caractère essentiellement évolutif des troubles en question, ainsi que du fait que la commission des pensions n’avait point été saisie par le demandeur, mais par son employeur, pour retenir, d’après l’esprit de la loi en question que l’article 52, alinéa 2 de la loi modifiée du 26 mai 1954 réglant les pensions des fonctionnaires de l’Etat ne trouve pas application en l’espèce ;

Considérant que la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée dispose en son article 52 que « lorsqu’un fonctionnaire qui a comparu devant la commission, soit à sa demande, soit à la demande de l’administration, n’a pas été reconnu sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service, il est tenu de reprendre son service à partir du 1er jour du mois qui suit celui pendant lequel la décision de la commission est intervenue.

Si, postérieurement à la décision de la commission, l’intéressé sollicite des congés de maladie en rapport avec l’affection ayant entraîné sa comparution devant la commission, les dispositions des points 3 et 4 de l’article 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat lui sont applicables » ;

Considérant que l’article 12 du statut général est conçu comme suit :

« 1. Le fonctionnaire ne peut s’absenter de son service sans autorisation.

2. Celle-ci fait défaut notamment lorsque le fonctionnaire absent refuse de se faire examiner par un médecin désigné par l’administration ou que ce dernier le reconnaît apte au service.

3. En cas d’absence sans autorisation, le fonctionnaire perd de plein droit la partie de sa rémunération correspondant au temps de son absence, sans préjudice de l’application éventuelle de sanctions disciplinaires.

4. Dans le cas prévu au paragraphe qui précède, il est réservé au Grand-Duc de disposer, en faveur de l’épouse et des enfants mineurs du fonctionnaire, jusqu’à concurrence de la moitié de la rémunération retenue. » ;

Considérant qu’il est constant en fait que suivant la décision non attaquée de la commission des pensions du 5 mars 2001, Monsieur … n’a pas été reconnu sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service, conformément aux dispositions de l’article 52, alinéa 1er de la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée ;

Considérant qu’il est encore acquis que, d’un côté, la commission des pensions n’avait pas été saisie par Monsieur … mais par l’employeur étatique et que, d’un autre côté, postérieurement à cette décision, l’intéressé a travaillé, sauf à solliciter plusieurs congés de maladie et, depuis le 8 octobre 2001 ne plus avoir repris son travail, étant entendu qu’il a été mis à la retraite avec effet à partir du 1er avril 2003 ;

Considérant que la décision ministérielle déférée opère la suspension du paiement des traitements dans le chef de Monsieur … avec effet à partir du 1er octobre 2002 en s’appuyant plus particulièrement sur un avis de la commission des pensions du 30 septembre 2002 ;

Considérant que dans le cadre du recours en annulation lui soumis, le tribunal est amené à vérifier, aux termes de l’article 52, alinéa 2 de la loi modifiée du 26 mai 1954 précitée, si les congés de maladie sollicités par Monsieur … pour la période postérieure au 1er octobre 2002 sont « en rapport avec l’affection ayant entraîné la comparution de l’intéressé devant la commission des pensions » du 5 mars 2001, de sorte à déclencher l’applicabilité de l’article 12 du statut général pris en ses points 3 et 4 ;

Considérant que si ce rapport se vérifie d’après les dispositions légales de l’article 52, alinéa 2 en question en présence de causes médicales constantes entraînant les mêmes effets dans le temps sur l’état de l’intéressé de continuer le service, cette même conclusion ne saurait être nécessairement tirée dans l’hypothèse d’une maladie essentiellement évolutive ;

Considérant que le tribunal puise du rapport d’expertise déposé, au-delà de la conclusion collégiale suivant laquelle les troubles arthrosiques et dégénératifs, ensemble la fibromyalgie constatée après le 1er octobre 2002, existaient déjà au moment de la décision de la commission des pensions du 5 mars 2001, des éléments concordants émanant des trois experts suivant les conclusions qui sont propres à chacun de leurs domaines respectifs de spécialité, que les maux constatés dans le chef de Monsieur … ont été essentiellement évolutifs ;

Que plus particulièrement la fibromyalgie simplement citée entre autres par le docteur Robert KRAUS en septembre 2000 est analysée par les experts commis par le tribunal comme ayant évolué manifestement pour engendrer dans le temps et notamment après le 1er octobre 2002 des effets de plus en plus néfastes ayant entraîné la mise à la retraite de l’intéressé avec effet à partir du 1er avril 2003 ;

Considérant que dans les circonstances précises de l’espèce où la commission, au vu de l’état de santé constaté en 2001, dont notamment la fibromyalgie, qualifiée à l’époque de « diffuse », avait pu tirer la conclusion que Monsieur … n’était pas sujet à l’époque à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service et qu’il pouvait reprendre son service à plein temps, la simple persistance du même mal ne saurait emporter la conclusion que le rapport visé par l’article 52, alinéa 2 de la loi modifiée du 26 mai 1954 se trouve vérifié nécessairement, vu justement qu’il y a eu entretemps aggravation vérifiée de l’état de santé de l’intéressé en général et de la fibromyalgie - diffusé constatée en 2000 - en particulier ;

Que plus particulièrement dans l’hypothèse de l’espèce où un laps de temps de plus de seize mois sépare la décision de référence de la commission des pensions du 5 mars 2001 et la date butoir du 1er octobre 2002 retenue par la décision ministérielle déférée sans qu’il n’apparaisse qu’il ait été procédé à un nouvel examen médical de l’intéressé, le tribunal est amené à retenir, en raison du caractère essentiellement évolutif de la maladie de Monsieur …, vérifié en l’espèce, son état de santé ayant empiré au fur et à mesure que le temps a couru dans les circonstances de fait spécifiquement données, que le rapport visé par ledit article 52, alinéa 2 de la loi modifiée du 26 mai 1954 ne se trouve pas établi à suffisance de droit en l’occurrence ;

Qu’il s’ensuit que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation pour cause d’erreur manifeste d’appréciation des faits gisant à sa base, dégagée à partir des différents aspects conjugués des conclusions des experts commis par le tribunal.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 10 novembre 2003 ;

au fond, dit le recours justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée ;

renvoie l’affaire devant le ministre de l’Intérieur ;

condamne l’Etat aux frais, y compris les frais d’expertise .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mai 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16546a
Date de la décision : 12/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-12;16546a ?

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