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10/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17499

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2004, 17499


Tribunal administratif N° 17499 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2004 Audience publique du 10 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’avancement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17499 du rôle et déposée le 21 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Sabine DELHAYE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de police, demeurant à L-… , tendant à l’annulation, sino

n à la réformation de la décision du 11 novembre 2003 du ministre de l’Intérieur portant sus...

Tribunal administratif N° 17499 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2004 Audience publique du 10 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’avancement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17499 du rôle et déposée le 21 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Sabine DELHAYE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de police, demeurant à L-… , tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du 11 novembre 2003 du ministre de l’Intérieur portant suspension de l’avancement au grade de commissaire en chef hors cadre du requérant pour une durée de douze mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé en date du 13 février 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2004 par Maître Sabine DELHAYE au nom du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé en date du 9 avril 2004 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Anne DEVIN, en remplacement de Maître Sabine DELHAYE, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mai 2004.

…, affecté en tant que commissaire au commissariat de proximité de …, fit l’objet d’une décision du ministre de l’Intérieur du 11 novembre 2003 libellée comme suit :

« Vu l’article 1er sub 4) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu l’article 63 du règlement grand-ducal modifié du 20 juin 2001 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel du cadre policier et les conditions d’admission à des services particuliers ;

Vu le rapport circonstancié établi par le Directeur Général de la Police Grand-

Ducale en date du 10 septembre 2003 constatant que le commissaire de police hors cadre … ne possède pas les qualités physiques et psychiques requises pour exercer les fonctions du grade supérieur ;

Vu les explications écrites du commissaire hors cadre … en date des 02 et 21 octobre 2003 au sujet du rapport précité ;

Arrête :

Article 1er :

Le commissaire de police hors cadre … est suspendu de l’avancement au grade de commissaire en chef hors cadre pour une durée de douze mois.

(…) ».

Par requête déposée le 21 janvier 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de la décision ministérielle déférée.

A l’appui de son recours il critique tant l’expertise médicale invoquée par le directeur général de la police grand-ducale dans son rapport du 10 septembre 2003 que le rapport lui-même.

Il fait plaider à ce sujet que non seulement, et ce contrairement aux conclusions de ce rapport, il exercerait d’ores et déjà au commissariat de proximité de … des responsabilités particulières « en qualité de chef de ce commissariat avec sous ses ordres 4 nouvelles recrues », mais encore qu’il se serait acquitté de ses responsabilités « à l’entière satisfaction de tout le monde ».

Il conteste encore toute pertinence et toute valeur à l’expertise médicale, qui émanerait d’un médecin généraliste, et non d’un spécialiste.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre de l’Intérieur aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

Il relève en particulier que le rapport médical critiqué par le requérant a été établi non pas par un médecin généraliste, mais par un médecin spécialisé en médecine du travail. Il souligne encore que les très nombreux congés de maladie accumulés en trois ans par le requérant confirmeraient les conclusions de l’expertise médicale.

Il fait encore valoir que contrairement aux affirmations du demandeur, le commissariat de proximité de … fonctionnerait avec un seul poste à responsabilité, occupé par le commandant du commissariat, à savoir le commissaire en chef Xxx.

Dans son mémoire en réplique, erronément intitulé « mémoire en réponse », le demandeur maintient ses contestations quant à la validité de l’expertise médicale et quant aux conclusions de l’expert médical.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2, p.589, et autres références y citées).

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est en l’espèce pas compétent pour statuer en tant que juge du fond.

Le recours en annulation, formé en ordre principal est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 63 du règlement grand-ducal du 20 juin 2001 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel du cadre policier et les conditions d’admission à des services particuliers : « nul ne peut prétendre à l’avancement s’il est établi qu’il ne possède pas les qualités professionnelles, morales, physiques et psychiques requises pour exercer les fonctions du grade supérieur ».

Le même article précise encore que : « La suspension de l’avancement est prononcée par le Ministre de l’Intérieur, sur le vu d’un rapport circonstancié établi par l’Inspecteur Général de la Police respectivement par le Directeur Général de la Police, chacun pour le personnel sous ses ordres, ainsi que des explications écrites du fonctionnaire intéressé qui aura reçu copie du rapport précité. La suspension est prononcée pour une période d’un an au plus au terme de laquelle le fonctionnaire occupera la place qui lui aura été réservée dans le grade supérieur et bénéficiera, le cas échéant, d’un rappel d’ancienneté pour l’avancement ultérieur. Toutefois la suspension peut être prorogée tant que le fonctionnaire en question ne remplit pas les conditions prévues à l’alinéa 1er ci-dessus. En cas de suspension dépassant une année, il perd le bénéfice de son rang d’ancienneté. » Le requérant ayant le grade de commissaire (P 6), le grade supérieur auquel il entend prétendre, et auquel l’accès lui est temporairement refusé en vertu de la décision ministérielle déférée, est celui de commissaire en chef (P 7).

Il s’avère encore que le grade de commissaire en chef convoité par le requérant implique l’affectation de l’intéressé à l’un des emplois à responsabilité particulière énumérés à l’article 27 du prédit règlement grand-ducal du 20 juin 2001, à savoir :

« 1) contrôleur de la circonscription régionale, 2) commandant d’un centre d’intervention ou commandant d’un commissariat de proximité, 3) commandant adjoint d’un centre d’intervention, 4) chef de groupe au centre d’intervention principal, 5) commandant d’une des subdivisions prévues à l’organigramme du Corps de la Police établi par le Directeur Général de la Police, dont notamment le chef de groupe adjoint au centre d’intervention ou, le cas échéant, le commandant adjoint d’un commissariat de proximité ».

Le demandeur contestant en substance le bien-fondé de la décision de suspension, il appartient au tribunal de vérifier si les conditions légales de la mesure querellée, à savoir le défaut des qualités professionnelles, morales, physiques et psychiques requises pour exercer les fonctions du grade supérieur de commissaire en chef, sont vérifiées en l’espèce.

Il échet cependant de rappeler dans ce contexte que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l'appui de l’acte administratif attaqué. La mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d'opportunité à la base de l'acte administratif attaqué. Il ne peut que vérifier, d'après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (trib. adm. 11 juin 1997, n° 9583, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 9, p.583, et autres références y citées).

Force est de constater que la décision ministérielle déférée se base sur un rapport établi par le directeur général de la police grand-ducale en date du 10 septembre 2003.

Ce rapport, pour sa part, se réfère explicitement à une expertise médicale datée du 6 août 2003.

L’expertise médicale en question, co-signée par le Dr. S, médecin chef de division, et le Dr. G, chef de service, affectés tous les deux à la Direction de la Santé, division de la santé au travail, et établie suite à un examen clinique du requérant effectué par le Dr. G, arrive aux conclusions suivantes :

« Vu l’examen clinique réalisé le 18 juillet 2003, vu l’analyse des différents rapports médicaux, nous sommes d’avis que Monsieur … est :

- apte à réaliser un travail purement administratif et inapte pour tout service extérieur - inapte en vue de l’article 63 à exercer une fonction à haute responsabilité telle que prévue par l’article 27 du règlement grand-ducal du 20 juin 2001 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel du cadre policier et les conditions d’admission à des services particuliers ».

Ce rapport ajoute encore en tant que post-scriptum : « A moyen terme, une mise à la retraite anticipée pourrait être envisagée ».

Il résulte encore des documents versés en cause, non contestés par le demandeur, que celui-ci était en congé de maladie pendant 63 jours en 2000, 190,5 jours en 2001 et 283 jours en 2002.

Les conclusions de la prédite expertise médicale sont contestées par le requérant, qui estime qu’elles sont contredites par le fait qu’il exercerait d’ores et déjà, à la satisfaction générale, une fonction à responsabilité particulière, en dirigeant une équipe de quatre hommes au commissariat de proximité de ….

Il résulte cependant de la prise de position du directeur général de la police Pierre REULAND, datée du 5 novembre 2003, que le commissariat de proximité de … fonctionne sous la responsabilité unique d’un commandant et qu’il n’est pas doté d’un commandant adjoint. Il résulte encore de cette prise de position que la seule responsabilité dont pourrait se prévaloir le requérant est inhérente à ses grade et ancienneté supérieurs par rapport aux autres membres du commissariat de proximité de ….

En effet, aux termes de l’article 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique : « La subordination consiste dans la dépendance du subordonné à l´égard du supérieur auquel il doit le respect et l´obéissance. La qualité de supérieur est déterminée : a) en général, par le grade et, à égalité de grade, par l´ancienneté ; b) normalement, par l´emploi exercé; c) occasionnellement, par l´exercice d´attributions particulières. » Le tribunal est dès lors amené à constater que le requérant, à défaut de revêtir l’une des fonctions à responsabilité particulière énumérées à l’article 27 du prédit règlement grand-ducal du 20 juin 2001, ne saurait valablement assimiler les responsabilités qu’il exerce par rapport à ses jeunes collègues subordonnés en grade pendant les jours de sa présence, et qui sont inhérentes à une structure strictement hiérarchisée telle que le corps de police, à l’un des emplois à responsabilité particulière liés au grade supérieur convoité.

Le requérant fait encore plaider que le Dr G n’aurait pas été, en tant que généraliste, compétent pour procéder à son examen clinique. Il avance d’ailleurs en tant que preuve de l’incompétence alléguée que le médecin examinateur n’aurait pas été à même de constater la maladie dont il souffrirait, à savoir une polynévrite aggravée d’ostéoporose.

Le tribunal tient d’emblée à rappeler qu’il n’appartient pas au médecin examinateur, saisi d’une demande d’examen sur base de l’article 63 du règlement grand-

ducal du 20 juin 2001 précité, d’établir un diagnostic précis de la pathologie dont souffrirait le requérant, mais de vérifier si celui-ci présente les qualités physiques et psychiques requises pour exercer les fonctions du grade supérieur convoité. En d’autres termes, il n’appartient pas au médecin de rechercher les origines pathologiques des maux dont souffre le requérant, mais d’en examiner les conséquences dans l’optique d’un éventuel avancement à un poste à responsabilité particulière.

La précision que le requérant souffre de polynévrite est dès lors en soi irrelevante, à partir du moment où il est établi que son état physique ne lui permet pas de remplir les fonctions convoitées.

De même, le fait que l’état physique et psychique du requérant ait le cas échéant été constaté par un médecin généraliste est irrelevant, aucune disposition n’imposant le recours à un médecin spécialisé, à partir du moment où les constatations des troubles ont été faites par une personne qualifiée. Or le demandeur n’apporte d’une manière générale aucun élément qui permettrait le cas échéant de mettre en doute la compétence médicale d’un médecin généraliste pour procéder à de telles constatations, qui d’ailleurs ne sont pas contestées par le demandeur.

Il ressort de surcroît à ce sujet des pièces versées aux débats et des mémoires du délégué du Gouvernement, non utilement combattus par le requérant, que le Dr. G, chef de service, auprès de la Direction de la Santé, division de la santé au travail, est spécialisé en médecine du travail, de sorte que les reproches lui adressés par le requérant quant à sa qualification sont non fondés.

Le requérant reproche enfin au délégué du Gouvernement de faire état du fait qu’il aurait remis ses armes à l’armurerie suite à un certificat médical attestant son inaptitude à prendre part aux exercices de tir pour l’année 2003. Le requérant estime à ce sujet que la remise de ses armes de service ne serait pas justifiée par une quelconque inaptitude physique, mais serait dictée par la législation sur les forces de police.

Il résulte cependant d’un certificat médical daté du 4 février 2003 que le requérant était déclaré inapte pour cause de polynévrite à participer aux exercices de tirs généraux, et ce pour toute l’année 2003 ; cette inaptitude a encore été confirmée pour la même cause pour une durée supplémentaire d’un an par une seconde ordonnance médicale datée du 27 janvier 2004.

Il se dégage des développements qui précèdent que la décision ministérielle litigieuse a pu être valablement arrêtée au motif de l’état de l’inaptitude physique du requérant, l’inaptitude étant elle-même établie à suffisance de droit, de sorte que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mai 2004 par:

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17499
Date de la décision : 10/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-10;17499 ?

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