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10/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17098

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mai 2004, 17098


Tribunal administratif Numéro 17098 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2003 Audience publique du 10 mai 2004 Recours formé par la société … s.à r.l., Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17098 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2004 par Maître Pierre METZLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … s.à r.l, établie et ayant s

on siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant ...

Tribunal administratif Numéro 17098 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 octobre 2003 Audience publique du 10 mai 2004 Recours formé par la société … s.à r.l., Luxembourg contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17098 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2004 par Maître Pierre METZLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société … s.à r.l, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 7 octobre 2003 lui refusant l’autorisation de réaménager ses immeubles situés à L-1248 Luxembourg, 41, rue de Bouillon ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alec MEYER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 14 novembre 2003 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en intervention déposé au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2003 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société XXXS, s.à r.l. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 22 décembre 2003 portant signification de ce mémoire en intervention à l’administration communale de la Ville de Luxembourg et à la société … s.à r.l ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2004 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse intervenue par voie de télécopie le 13 février 2004 à Maîtres Pierre METZLER et Georges KRIEGER, mandataires de la société … s.àr.l et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mars 2004 par Maître Pierre METZLER au nom de la société … s.à r.l ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alec MEYER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 12 mars 2004 portant signification de ce mémoire à Maîtres Patrick KINSCH et Georges KRIEGER, ainsi qu’à l’administration communale de la Ville de Luxembourg et à la société XXXS, s.à r.l.

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision déférée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Pierre METZLER, Patrick KINSCH et Georges KRIEGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 avril 2004.

La société …, s.à r.l., dénommé ci-après « la société … », est propriétaire de plusieurs terrains et halls industriels, situés à L-1248 Luxembourg, rue de Bouillon. Le 1er hall est actuellement loué à la société XXXS, s.à r.l., laquelle y exploite la discothèque « … ».

La propriété de la société … est classée selon le plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg dans la partie F.2.a) dudit plan intitulé « Les terrains à étude – Les ensembles à restructurer ».

Au mois de juin 2002, la société …, désireuse de valoriser son patrimoine, fit introduire, auprès des services compétents de la Ville de Luxembourg, un projet de transformation desdits halls.

Suite à un refus du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 3 décembre 2002 de faire autoriser les travaux, la société … introduisit le 13 janvier 2003, un nouveau projet de transformation.

Le 7 octobre 2003, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg prit une décision refusant l’autorisation sollicitée dans les termes suivants : « Je me permets par la présente de revenir au projet de construction, introduit pour votre compte par les soins de l’atelier d’architecture … & Associés, et visant le réaménagement de vos immeubles situés … , rue de Bouillon, sur un terrain classé par le plan d’aménagement général comme « terrain à étude – ensembles à restructurer » régi par les dispositions de l’article F.2a) de la partie écrite du PAG.

Suivant cet article, le bourgmestre pourra accorder, pendant la période de confection de ces études et projets des autorisations des travaux d’entretien et de transformation de moindre importance.

L’examen détaillé de votre projet a fait ressortir qu’il dépasse le cadre de travaux d’entretien et de transformation de moindre importance.

Il ne m’est dès lors pas possible de réserver une suite favorable à votre requête ».

Le 27 octobre 2003, la société … a introduit un recours en annulation, sinon en réformation contre la décision de refus du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 7 octobre 2003.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (cf. Cour adm. 14272C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2, p. 589).

La loi ne prévoyant pas un recours au fond en la présente matière, le tribunal se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation. Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en annulation introduit contre la décision du 27 octobre 2003.

La Ville de Luxembourg soulève l’irrecevabilité du recours introduit dans la mesure où la société … aurait acquiescé à la décision litigieuse en demandant actuellement l’autorisation d’un projet à envergure fortement réduite ne visant que la stabilisation du bâtiment et la réparation de la toiture.

Le tribunal constate que ce moyen manque de fondement dans la mesure où la partie demanderesse a explicitement fait remarquer dans la nouvelle demande d’autorisation introduite qu’elle ne renonçait ni à son projet déposé le 13 janvier 2003 ayant fait l’objet d’un refus de la part du bourgmestre du 7 octobre 2003, ni à son recours introduit devant les juridictions administratives y relatif, de sorte que le moyen est à écarter.

Le recours en annulation est dès lors recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

En premier lieu, la société … fait état d’un défaut de motivation de la décision.

Force est cependant au tribunal de constater que ledit moyen manque de fondement.

En effet la décision litigieuse est suffisamment motivée en droit et en fait, dans la mesure où le texte réglementaire sur lequel la décision est fondée est énoncé et en ce qu’elle retient que les travaux de transformation ne sauraient être qualifiés de travaux d’entretien et de transformation de moindre importance. Il convient d’ajouter qu’en cours de procédure contentieuse, la Ville de Luxembourg a dûment énuméré les raisons de fait lui ayant permis de justifier la décision sous examen. A ce titre, le tribunal ne saurait pas non plus retenir le grief avancé que la notion de « travaux d’entretien et de transformation de moindre importance » manquerait de précision, de sorte que l’appréciation y relative serait nécessairement une appréciation arbitraire. En effet il appartient au bourgmestre d’apprécier cette notion au cas par cas au vu des éléments concrets lui soumis dans le cadre du dossier en vue d’une autorisation de construire et de vérifier si les travaux invoqués sont des travaux d’entretien et de transformation de moindre importance. Etant donné que la qualification des travaux ainsi retenue par le bourgmestre est vérifiée dans le cadre de l’examen de la légalité effectué par le juge au moment de l’examen d’une décision refusant l’autorisation y relative, les droits de l’administré à voir contrôler l’appréciation faite par le bourgmestre, sont entièrement sauvegardés.

La société … soulève encore d’une part l’absence de sa propre participation à la prise de la décision et d’autre part le défaut de communication des éléments d’information sur lesquels la Ville de Luxembourg s’est fondée pour prendre la décision litigieuse. Force est encore au tribunal de constater que les dits moyens manquent de pertinence. En effet, en l’espèce la décision litigieuse n’est intervenue en aucune façon à l’insu de la demanderesse sur la propre initiative de la commune, mais bien au contraire sur sa propre initiative, après présentation d’un projet de transformation, muni des pièces et éléments d’information annexés par ses soins, élaboré en plus par un professionnel en la matière, de sorte qu’elle n’a pas pu ignorer les éléments d’information pris en considération par la Ville de Luxembourg laquelle a statué sur la conformité du projet lui ainsi soumis avec la réglementation applicable.

Quant au fond, la société … fait valoir que la décision litigieuse violerait l’article F.2.a) du PAG de la Ville de Luxembourg. Elle soutient que le projet de transformation présenté par les soins de l’architecte … respecterait ledit article en ce que les travaux envisagés seraient à qualifier de « travaux d’entretien et de transformation de moindre importance », de sorte que le bourgmestre aurait dû lui accorder l’autorisation sollicitée.

Dans le cadre d’un recours en annulation, il appartient au juge administratif d’examiner, d’après les pièces et éléments du dossier, l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et de vérifier si ces faits sont de nature à justifier légalement la décision.

Il est constant en cause que le hall dont la transformation est sollicitée est classé selon le plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg dans la partie F.2.a) dudit plan intitulé « Les terrains à étude », sous-section a) intitulée « Les ensembles à restructurer ».

L’article F.2.a) est libellé comme suit : « A l’intérieur du périmètre d’agglomération figurent des ensembles de terrains pour lesquels une restructuration s’impose dans l’intérêt de la rénovation urbaine.

Ces terrains sont soumis à l’obligation d’être couverts par une étude globale de développement à faire élaborer par la Ville, ou par l’Etat pour les terrains compris dans le périmètre d’expropriation du Kirchberg.

Cette étude de développement permettra d’arrêter des projets portant soit sur l’ensemble, soit sur une partie de ces terrains et fixant dans le détail les alignements, les affectations et les règles de construction.

Le bourgmestre pourra accorder, pendant la période de confection de ces études et projets, des autorisations pour des travaux d’entretien et de transformation de moindre importance.

Ces terrains sont représentés dans la partie graphique par la couleur gris clair. » En l’espèce, la seule question litigieuse en ce qui concerne l’application de cet article a trait à son alinéa 4 concernant la définition de la notion de « travaux d’entretien et de transformation de moindre importance », pour lesquels une autorisation de construire peut le cas échéant être accordée, malgré le fait que le terrain se trouve classé dans la partie « Les terrains à l’étude ».

Il appartient dès lors au tribunal de procéder à la vérification de la qualification retenue par le bourgmestre en ce qu’il a estimé que le projet présenté dépasserait le cadre de travaux d’entretien et de transformation de moindre importance.

Il résulte des pièces versées au dossier et plus particulièrement de la demande d’autorisation présentée par l’architecte … en date du 13 janvier 2003 qu’il s’agit de transformer l’ensemble du complexe existant, se composant de trois halls industriels, dont le hall n°1 est actuellement affecté à l’exploitation d’une discothèque et les deux autres à des fins d’entrepôt, en un centre d’activités multiples s’intégrant parfaitement dans le quartier. Selon le vœu de son promoteur, le projet sera réalisé en plusieurs phases et le descriptif des travaux, se limitant actuellement au hall n°1, renseigne un nombre important de travaux à réaliser, dont le tribunal se limitera à énoncer les plus pertinents :

- travaux de démolition de la toiture, de la façade principale et latérale, du revêtement de la dalle du rez-de-chaussée, de toutes les installations techniques de chauffage et sanitaire ;

- travaux de gros œuvre : confection d’escaliers et de rampes entre le 1er et le 2ième hall, isolation thermique de la dalle, confection de chapes, isolation et couverture de la toiture ;

- travaux d’installation technique ;

- travaux de menuiserie extérieure et remplacement de la façade principale et latérale par des éléments de façade en surfaces vitrées ;

- travaux de ferronnerie ;

- travaux de plafonnage ;

- travaux de revêtement de sols et muraux ;

- travaux de menuiserie intérieure et peinture etc.

De la simple énumération et description desdits travaux pour le seul hall n°1, dont la durée des travaux est estimée à 10 mois ouvrables et dont le coût est estimé à 1.130.300 €, il résulte que ces travaux ne peuvent être qualifiés de « travaux d’entretien et de transformation de moindre importance ». En effet il s’agit de travaux de transformation de grande importance, visant en fait à remplacer les trois halls existants en un complexe commercial complètement nouveau, emportant un changement fondamental de l’aspect tant extérieur qu’intérieur des immeubles en question. A cela s’ajoute que suite à la transformation des halls existants, l’affectation des immeubles sera changée, en ce que les locaux aménagés à l’intérieur sont destinés à accueillir des commerces.

La simple constatation que les travaux prévus se font sans augmentation de volume ou de surface n’enlève rien à la qualification retenue ci-avant, dans la mesure où le contenu de la notion de « travaux d’entretien et de transformation de moindre importance » ne se définit pas exclusivement en prenant en compte les dimensions de volume et de surface des immeubles transformés.

En ce qui concerne l’allégation de la société … que le bourgmestre de la Ville de Luxembourg lui aurait accordé une autorisation sur le fond des travaux en lui demandant, dans son premier refus daté du 3 décembre 2002, de « limiter son projet à de simples travaux d’entretien et des travaux de transformation qui ne comportent pas d’augmentation de volume et de surface », force est de retenir que ces indications ne sauraient être interprétées dans le sens voulu par la demanderesse. En effet le bourgmestre, en l’absence d’une demande de transformation afférente, appuyée par les pièces nécessaires, ne saurait donner in abstracto l’autorisation sollicitée en procédant au seul contrôle des dimensions de volume et de surface, sous peine de violer son pouvoir d’appréciation en la matière, d’autant plus que le critère des dimensions ne constitue qu’un critère parmi d’autres pour qualifier les travaux en question.

Il en résulte que le bourgmestre de la Ville de Luxembourg a pu refuser, au vu de l’importance des travaux envisagés, l’autorisation sollicitée.

Finalement le moyen soulevé par la partie demanderesse que le bourgmestre de la Ville de Luxembourg aurait violé le principe de l’égalité des citoyens en lui refusant l’autorisation sollicitée tout en ayant autorisé la société … LUXEMBOURG, S.A. à procéder, à proximité, à des travaux d’envergure plus importante et notamment à la construction de la tour SMART, est également à écarter.

En effet c’est à bon droit que la partie défenderesse soulève que, même à supposer que les travaux entrepris par la société … LUXEMBOURG, S.A n’aient pas été légalement autorisables au regard de l’article F.2.a) du PAG de la Ville de Luxembourg, la société … n’en saurait en déduire un quelconque droit à son profit à obtenir l’autorisation sollicitée en contravention avec ledit article F.2.a), dans la mesure où le principe de l’égalité devant la loi ne saurait être invoqué par un administré à l’encontre du principe de légalité, pour se faire délivrer une autorisation pour laquelle les conditions légales et réglementaires ne sont pas réunies. A cela s’ajoute que l’attitude éventuelle de la commune consistant à ne pas appliquer un même texte avec la même rigueur à tous les administrés, échappe au contrôle de la légalité à effectuer par le juge administratif1.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens, de sorte que la société … est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mai 2004 par :

M. Ravarani, président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

1 Cf. TA 16.2.2004 (n° 16832 du rôle, non encore publié) s. Schmit s. Ravarani 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17098
Date de la décision : 10/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-10;17098 ?

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