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05/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17973

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2004, 17973


Tribunal administratif Numéro 17973 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2004 Audience publique du 5 mai 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17973 du rôle, déposée le 27 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, né le …, de nationalité sierra-léonaise, retenu actuellement au Centre de séjour pro...

Tribunal administratif Numéro 17973 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 avril 2004 Audience publique du 5 mai 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17973 du rôle, déposée le 27 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité sierra-léonaise, retenu actuellement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 6 avril 2004 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH en ses plaidoiries à l’audience publique du 5 mai 2004 à 9.00 heures.

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Le 6 avril 2004, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le rapport n° 15/1022/04/HA du 5 avril 2004 établi par le Service de Police Judiciaire, section Police des Etrangers et des Jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

1Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 5 avril 2004 ;

- qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé une demande d’asile aux Pays-Bas en date du 20 février 2004 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités néerlandaises dans les meilleurs délais ;

- qu’en attendant l’accord de reprise un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 6 avril 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Le recours est également recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur relève sa qualité de demandeur d’asile aux Pays-Bas et soutient que, d’une part, une mesure de placement d’un demandeur d’asile ne rentrerait pas dans le cadre de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 et constituerait une mesure privative de liberté illégale au regard des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et, d’autre part, au moins depuis le 22 avril 2004, date d’un accord tacite de reprise en charge des autorités néerlandaises, aucune circonstance n’empêcherait plus son éloignement immédiat vers les Pays-Bas. - Il estime encore qu’il aurait pu être refoulé vers les Pays-Bas sans autre forme de procédure et sans qu’il ait été nécessaire de passer par la voie d’une demande de reprise en charge.

Enfin, il conclut encore à la violation de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, au motif que son placement constituerait une mesure disproportionnée au regard des dispositions légales et de sa situation personnelle. Dans ce contexte, il fait valoir que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ne constituerait pas un établissement approprié pour l’exécution d’une mesure de placement.

Sur ce, il sollicite la réformation de la décision déférée et sa remise en liberté immédiate, sinon subsidiairement que le tribunal ordonne son placement dans un endroit plus approprié à sa situation individuelle.

Le délégué du gouvernement rétorque que les autorités luxembourgeoises auraient entrepris des diligences suffisantes en vue d’un éloignement rapide du demandeur. Ainsi, le ministre de la Justice aurait sollicité la reprise en charge de l’intéressé le lendemain de son placement, soit le 7 avril 2004, et qu’il aurait acté l’accord tacite de reprise de la part des 2autorités néerlandaises le 28 avril 2004 et que le même jour, le service de police judiciaire aurait été chargé de l’organisation des modalités pratiques du transfert.

Il ajoute que la mesure de rétention serait légale au regard du séjour illégal du demandeur au pays, une exécution immédiate du transfert ayant été impossible avant l’obtention de l’accord des autorités néerlandaises et que depuis lors toutes les diligences nécessaires en vue d’un éloignement rapide auraient été effectuées.

Par ailleurs, le représentant étatique soutient que le Centre de séjour provisoire constituerait un établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 dans le chef du demandeur.

Force est de constater qu’en présence d’un étranger non autorisé à résider au pays, lequel a, préalablement à sa venue au Luxembourg, présenté une demande d’asile aux Pays-

Bas, c’est à juste titre que le ministre de la Justice a pu déclencher le mécanisme de reprise prévu en la matière par le règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers.

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que s’il est vrai que la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés contient des mesures qui restreignent le droit d’expulser ou de refouler des demandeurs d’asile, elle ne tient pas entièrement en échec les droits nationaux afférents concernant l’expulsion et le refoulement et, par voie de conséquence, le droit luxembourgeois concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui prévoit le placement, sous certaines conditions, d’étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement. Il s’ensuit que c’est à tort que M. … soutient que la mesure de placement d’un demandeur d’asile en séjour illégal au pays ne rentrerait pas dans les prévisions de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 et constituerait une mesure illégale.

La mesure de placement entreprise n’est cependant légalement admissible que si l’éloignement ne peut être immédiatement mis à exécution en raison d’une circonstance de fait et si depuis lors des diligences suffisantes ont été entreprises en vue d’assurer une prompte exécution de l’éloignement de l’intéressé, afin d’écourter au maximum la mesure restrictive de ses libertés.

Or, en l’espèce, force est de constater qu’il appert des éléments d’appréciation soumis au tribunal que l’impossibilité d’un éloignement immédiat de l’intéressé était patente au jour de la prise de la décision litigieuse. En effet, face à un étranger sans papiers de légitimation et, en apparence, demandeur d’asile dans un autre pays, des mesures de vérification de son identité et de concertation avec les autorités étrangères étaient indispensables, avant que l’éloignement n’ait pu être exécuté. Cette impossibilité persiste encore au jour des présentes, étant donné que, s’il est vrai que suite au silence des autorités néerlandaises pendant quinze jours suite à la demande de prise en charge du 7 avril 2004, leur accord tacite a pu être retenu depuis le 22 avril 2004, il n’en reste pas moins que l’éloignement et la remise aux autorités néerlandaises doivent encore être organisés matériellement, ceci impliquant entre autres la coordination des autorités de police judiciaire avec leurs homologues étrangers, pareilles mesures requérant un certain temps, et qu’en l’espèce, même si la date prévue pour le transfert ne ressort pas du dossier administratif soumis au tribunal, les démarches nécessaires et utiles afin d’assurer un éloignement de la personne intéressée ont été entamées dans la semaine suivant l’expiration du délai de quinzaine réservé aux autorités néerlandaises pour prendre 3position par rapport à la demande de reprise, de sorte qu’à l’heure actuelle, soit dans le délai d’un mois légalement prévu en vue de l’éloignement d’un étranger en séjour illégal, on ne saurait reprocher un défaut de diligences aux autorités luxembourgeoises.

Enfin, force est de constater que le Centre de séjour provisoire est à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre de la Justice sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement et qu’il n’a fait état d’aucun autre élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 5 mai 2004 à 11.30 heures par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17973
Date de la décision : 05/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-05;17973 ?

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