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05/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17877

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2004, 17877


Tribunal administratif N° 17877 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2004 Audience publique du 5 mai 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17877 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né

le … à Gllogovc (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuel...

Tribunal administratif N° 17877 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 avril 2004 Audience publique du 5 mai 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17877 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Gllogovc (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…., tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision sur recours gracieux prise par le ministre de la Justice le 4 mars 2004, confirmant dans son intégralité sa décision du 15 janvier 2004, notifiée le 19 janvier 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été déclarée manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Stéphanie JACQUET, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … introduisit le 1er décembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu le 9 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre du 15 janvier 2004, lui envoyée par lettre recommandée le 19 janvier 2004, que sa demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’une demande d’autorisation de séjour et de travail ne saurait fonder une demande en reconnaissance du statut de réfugié et qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève alors que le fait que des personnes privées, même masquées et armées, lui auraient demandé de les suivre au motif qu’elles avaient besoin d’un électricien, ne saurait être considéré comme acte de persécution, mais serait tout au plus signe d’un sentiment général d’insécurité. S’y ajouterait que ses craintes en tant qu’Albanais du Kosovo seraient dénuées de fondement.

A l’encontre de cette décision, Monsieur …, fit introduire par le biais de son mandataire un recours gracieux formulé par lettre datée du 4 février 2004.

Par décision du 4 mars 2004, envoyée par lettre recommandée le 9 mars 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale du 15 janvier 2004 dans son intégralité.

Par requête déposée le 9 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 4 mars 2004.

Une décision prise sur recours gracieux, purement confirmative d'une décision initiale tire son existence de cette dernière, et, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout. Il s’ensuit qu’un recours introduit en temps utile contre la seule décision confirmative est valable (cf. trib. adm. 21 avril 1997, n° 9459 du rôle, Pas.

adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 93 et autres références y citées).

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’un recours au fond ne serait pas prévu en la matière.

Il ressort des éléments du dossier, notamment de la décision ministérielle du 15 janvier 2004, que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée. - En effet, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour en connaître (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm.

2003, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Le recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur soutient que la décision ministérielle querellée serait le résultat d’une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de droit et de fait. Il expose qu’il aurait été contraint de fuir son pays d’origine par crainte d’être enlevé par des inconnus qui auraient essayé de le forcer à les suivre, au motif qu’ils avaient besoin d’un électricien et qu’ils lui auraient clairement fait comprendre qu’un malheur allait lui arriver s’il n’obtempérait pas, qu’ils lui auraient laissé un délai de réflexion de deux semaines durant lesquelles il aurait encore reçu des courriers avec des menaces. Il conteste par ailleurs être Albanais et affirme appartenir à « la minorité serbo-

monténégrine » du Kosovo, laquelle serait poursuivie par les Albanais. Il fait valoir qu’une fuite interne, telle que préconisée par le ministre de la Justice, ne serait non seulement pas prévue par la Convention de Genève, mais le fait de changer de ville au Kosovo, ne changerait rien à sa situation alors que la présence des forces onusiennes prouverait que le gouvernement en place serait incapable d’assurer la protection de ses citoyens, d’autant plus que la présence dans le gouvernement actuel de nombreux anciens membres de l’UCK rendrait inutile toute plainte auprès des forces de l’ordre. Enfin, il reproche au ministre de la Justice de ne pas avoir pris en considération la dégradation de la situation générale régnant au Kosovo, où les disparitions non élucidées seraient nombreuses.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours de celui-ci laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Des considérations d’ordre matériel et économique ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié (cf. trib. adm. 20 juin 2001, n° 12679 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 83).

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf.

trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 100 et autres références y citées ; trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 98 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du rapport d’audition susvisé du 9 janvier 2004 et de la requête introductive d’instance, force est de constater qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance. - En effet, il appert du compte rendu de son audition, que le demandeur a en substance exprimé avoir connu des problèmes économiques (« Je demande un permis de travail et un permis de séjour » et questionné, s’il n’existait pas d’autre raisons à la base de son départ de son pays d’origine, il a répondu « J’étais aussi un peu en danger »), et un sentiment général d’insécurité au regard de la situation générale régnant dans son pays d’origine. En ce qui concerne ce dernier point, il convient de relever que le demandeur affirme appartenir à « la minorité serbo-monténégrine » du Kosovo, laquelle serait poursuivie par les Albanais, mais abstraction faite de toutes autres considérations, il n’apporte pas le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève en raison de ses origines. Il précise également qu’il n’a pas fait de service militaire et qu’il n’est pas membre d’un parti politique. Le seul événement isolé dont il fait état, à le supposer véridique, est celui de personnes masquées ayant voulu le contraindre à les suivre tout en indiquant qu’un malheur allait le frapper s’il ne s’exécutait pas. Or, ce fait, qui s’insère essentiellement dans un cadre de criminalité de droit commun, est à lui seul manifestement insuffisant pour motiver une crainte justifiée de persécution dans le chef du demandeur en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Il s’ensuit que la demande d’asile de Monsieur … ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice l’a rejetée comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 5 mai 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17877
Date de la décision : 05/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-05;17877 ?

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