La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17394

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2004, 17394


Tribunal administratif N° 17394 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 décembre 2003 Audience publique du 5 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17394 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2003 par Maître Ender ULCUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actue

llement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 n...

Tribunal administratif N° 17394 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 décembre 2003 Audience publique du 5 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17394 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2003 par Maître Ender ULCUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stephan MEYER, en remplacement de Maître Fränk ROLLINGER, ayant repris de mandat de Maître Ender ULCUN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mai 2004.

Monsieur … introduisit en date du 30 juillet 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 9 septembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 12 novembre 2003, lui envoyée par courrier recommandé en date du 3 décembre 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’un sentiment général d’insécurité ne saurait constituer un motif pour obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 décembre 2003, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 12 novembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond Monsieur … fait valoir qu’en tant que vice-président du parti politique nommé AK, il aurait été menacé de mort à plusieurs reprises et que des partisans du part politique PDK l’auraient persécuté et lui auraient interdit d’être membre du parti politique AK. Il ajoute que lui-même et ses parents auraient été accusés d’avoir collaboré avec les Serbes. Enfin il souligne que la situation au Kosovo serait alarmante et que la force armée internationale agissant sous l’égide des Nations-Unis ne serait pas en mesure d’assurer une coexistence pacifique entre les différentes communautés.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En l’espèce le demandeur fait essentiellement état de problèmes causés par des partisans du parti politique PDK.

Force est dès lors de constater que le demandeur se prévaut d’actes de persécution émanant non pas des autorités publiques, mais de personnes privées. Or, s’agissant ainsi d’actes émanant de certains groupements de la population, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités publiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. En outre, la notion de protection de la part du pays d’origine de ses habitants contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 113, nos 73-s). Pareillement, ce n’est pas la motivation d’un acte criminel qui est déterminante pour ériger une persécution commise par un tiers en un motif d’octroi du statut de réfugié, mais l’élément déterminant à cet égard réside dans l’encouragement ou la tolérance par les autorités en place, voire l’incapacité de celles-ci d’offrir une protection appropriée.

Or, le demandeur a simplement affirmé l’incapacité, encore à l’heure actuelle, des autorités compétentes de fournir une protection adéquate, sans pour autant établir une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place.

Il en résulte que le demandeur n’a pas dûment établi l’exécution de démarches afin d’obtenir la protection des autorités en place, lesquelles constituent cependant, ensemble avec un refus de protection des autorités pour l’un des motifs prévus par la Convention de Genève, une prémisse nécessaire pour la reconnaissance de l’existence d’une crainte légitime de persécution. A cela s’ajoute que le demandeur a affirmé lui-

même qu’il a quitté son poste de vice-président du parti politique AK en 2002, c’est-à-

dire presque une année avant son départ du Kosovo et que depuis cette date il n’a plus reçu de menaces de mort.

Force est dés lors de constater que les craintes exprimées par le demandeur s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité insuffisant à établir à son égard une crainte actuelle de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17394
Date de la décision : 05/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-05;17394 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award