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05/05/2004 | LUXEMBOURG | N°17373

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2004, 17373


Tribunal administratif N° 17373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 décembre 2003 Audience publique du 5 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17373 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant ac

tuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 ...

Tribunal administratif N° 17373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 décembre 2003 Audience publique du 5 mai 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17373 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 12 novembre 2003 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mai 2004.

Monsieur … introduisit en date du 30 octobre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 24 février 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 23 septembre 2003, lui envoyée par courrier recommandé en date du 25 septembre 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il ne résulterait pas des ses allégations qu’il risquerait d’être persécuté dans son pays d’origine pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A, §2 de la Convention de Genève.

Le 23 octobre 2003, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre de la Justice confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 12 novembre 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2003, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 23 octobre et 12 novembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir que l’armée et la police serbes l’auraient utilisé comme traducteur albanais-serbe pendant la guerre au Kosovo et que les Albanais auraient interprété cet acte comme un acte de trahison à leur encontre et l’auraient traité de collaborateur. Il fait notamment état d’un évènement ayant eu lieu en 1999 où les Serbes auraient emmené les Albanais dans son café pour les frapper. Il ajoute qu’il aurait été membre du parti politique LDK et que l’UCK-PDK l’aurait menacé à tel point qu’il aurait été frappé en octobre 2000 et janvier 2001. Il estime que les violences physiques et psychiques subies seraient l’expression d’une forme de persécution suffisamment individualisée.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les persécutions de la part des Albanais et des membres de l’UCK-PDK s’agissant de persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, il y a lieu de relever qu’elles ne sauraient en tout état de cause être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’assurer une protection adéquate. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par le demandeur d’asile. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer sa protection. Les faits dont il fait état, remontent d’un côté à 1999 et 2001, et d’un autre côté ne revêtent pas le caractère de gravité suffisant afin de pouvoir valoir comme crainte caractérisée de persécution au sens de la Convention de Genève, mais s’analysent plutôt en un sentiment général d’insécurité. Il reste pour le surplus en défaut d’apporter la moindre précision quant au suivi réservé aux plaintes par lui déposées, voire aux raisons ayant amené les autorités compétentes à ne pas y réserver de suite.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17373
Date de la décision : 05/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-05;17373 ?

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