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05/05/2004 | LUXEMBOURG | N°13843a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mai 2004, 13843a


Tribunal administratif N° 13843a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2001 Audience publique du 5 mai 2004

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Recours formé par la société anonyme … S.A.

et la société en commandite par actions … s.à r.l. et Cie S.c.a.

contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 13843 du rôle et déposée le 8 août 2

001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a...

Tribunal administratif N° 13843a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2001 Audience publique du 5 mai 2004

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Recours formé par la société anonyme … S.A.

et la société en commandite par actions … s.à r.l. et Cie S.c.a.

contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 13843 du rôle et déposée le 8 août 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, 2. la société en commandite par actions … s.à r.l. et Cie S.c.a., établie et ayant son siège social à L- … , représentée par son associé commandité la société à responsabilité limitée … s.à r.l., elle-même représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 2 juillet 2001, portant autorisation d’aménager et d’exploiter un supermarché sis à L-9051 Ettelbruck, … , dans la double mesure où cette autorisation a imposé au point III 7) que les installations de production de froid doivent être du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation indirectes et au point VI 2) des niveaux de bruit de 60 dB(A)Leq pendant le jour et de 45 dB(A)Leq pendant la nuit ;

Vu le jugement du 13 mars 2002 ordonnant la réouverture des débats pour permettre aux parties de proposer un expert et de se prononcer le cas échéant sur des amendements et/ou ajouts éventuels par rapport à la mission d’expertise telle que dégagée audit jugement ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 avril 2002 par Maître Jean MEDERNACH au nom des parties demanderesses ;

Vu le jugement du 24 avril 2002 instituant avant tout autre progrès en cause une expertise et nommant experts Messieurs Karl BREIDENBACH et Gerhard KOK avec la mission plus amplement spécifiée en son dispositif ;

Vu le jugement du 21 octobre 2002 nommant expert, en remplacement de Monsieur Karl BREIDENBACH, le bureau NOVATEC s.à r.l. avec la mission et suivant les modalités plus amplement spécifiées dans le jugement du 24 avril 2002 ;

Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif prorogeant le délai de remise du rapport d’expertise au 24 mars 2003 ;

Vu l’ordonnance du 18 mars 2003 du premier vice-président du tribunal administratif prorogeant le délai de remise du rapport d’expertise au 30 avril 2003 ;

Vu le rapport d’expertise déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2003 ;

Vu la certification du règlement des frais d’expertise déposée au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH en date du 25 août 2003 ;

Vu le rapport d’expertise complémentaire et rectificatif déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 décembre 2003 ;

Vu le « mémoire complémentaire » déposé au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement en date du 2 février 2004 ;

Vu le « mémoire supplémentaire » déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2004 par Maître Jean MEDERNACH au nom des parties demanderesses ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 avril 2004.

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En date du 7 août 2000, le bureau d’ingénieurs-conseils Energie et Environnement S.A. introduisit pour compte de l’établissement xxx , succursale de la société anonyme … S.A., préqualifiée, auprès de l’administration de l’Environnement une demande de régularisation respectivement d’autorisation pour l’exploitation d’un supermarché fonctionnant sous l’enseigne « …», situé à L-9051 Ettelbruck, …, sur base de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, avec dossier annexé.

Par décision du 2 juillet 2001, le ministre de l’Environnement autorisa l’exploitation d’un supermarché sis à L-9051 Ettelbruck, … , pour un magasin pour la vente au détail, du type supermarché, d’une superficie totale de 1.515 m2 tout en imposant au point III 7) « protection de l’air » que les installations de production de froid doivent être du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation indirectes, et au point VI 2) « lutte contre le bruit » des niveaux de bruit de 60 dB(A)Leq pendant le jour et de 45 dB(A)Leq pendant la nuit.

Par requête déposée le 8 août 2001, la société anonyme … S.A. et la société en commandite par actions … s. à r.l. et Cie S.c.a. ont introduit un recours en réformation contre l’arrêté ministériel précité du 2 juillet 2001.

Par jugement du 13 mars 2002, le tribunal administratif a reçu le recours en réformation au nom des deux parties demanderesses en la forme et, avant tout autre progrès en cause, a estimé nécessaire de procéder à une mesure d’instruction en ayant recours à l’avis d’un technicien, sous la forme d’une expertise, et a dégagé la mission suivante :

« examiner lequel des deux systèmes en discussion, à savoir une installation de production du froid du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation directe ou une installation par circuit indirect est la plus appropriée pour réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance de l’établissement « … », sis à Ettelbrück, …, pour protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel de l’établissement, pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et l’environnement humain et naturel et pour promouvoir un développement durable, ceci en tenant compte des meilleures techniques disponibles dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs par référence à des établissements de la même branche ou d’une branche similaire, de taille moyenne et économiquement saine et en considérant plus particulièrement les heures de fonctionnement réelles de l’installation dans l’établissement, les coûts d’investissement respectifs, la consommation en matières premières et en énergie, les rejets de CO2, les équipements respectifs à installer, la durée de vie des deux systèmes, la nature et la quantité des déchets à traiter par rapport aux deux systèmes, les répercussions éventuelles des deux systèmes sur l’environnement humain et naturel en cas de fonctionnement anormal ou de fuite, et les effets indirects visant la consommation d’énergie et de matières premières pour la fabrication des installations, pour leur maintenance et pour leur mise hors service ».

Le rapport d’expertise fut déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2003 et un rapport complémentaire et rectificatif en date du 31 décembre 2003.

1. Quant à l’alimentation en froid des meubles frigorifiques Il ressort des développements du jugement précité du 13 mars 2002 que les parties respectives sont en désaccord sur le système de refroidissement des installations de production de froid, le ministre de l’Environnement, dans la décision entreprise du 2 juillet 2001 préconisant que les installations de production de froid doivent être du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation indirectes, tandis que les parties demanderesses optent pour un système de production de froid direct, tel que par ailleurs installé à l’heure actuelle au supermarché d’Ettelbruck.

Dans ce contexte, les parties demanderesses estiment qu’une installation par circuit direct permettrait de réduire la performance froid et la quantité totale des fluides frigorifiques, de même que la consommation en énergie, ce qui aurait pour conséquence de limiter le rejet de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Une installation de refroidissement par circuit indirect, telle que préconisée par le ministre de l’Environnement, serait moins efficace en matière de production de froid, nécessiterait une consommation d’énergie électrique accrue, constituerait un équipement plus complexe à installer et à entretenir, consommerait davantage de matières premières et n’apporterait aucune amélioration du point de vue de la protection de l’environnement.

Pour le surplus, la configuration des lieux ne permettrait pas l’installation des équipements supplémentaires nécessaires pour un système indirect, système qui engendrerait encore des coûts excessifs de l’ordre de 150.000.- Euros. Partant, le système de circuit direct serait avantageux par rapport à l’impact environnemental total et plus particulièrement en relation avec l’émission de gaz à effet de serre.

En relation avec la notion de « meilleures techniques disponibles », les parties demanderesses estiment qu’il ne faudrait pas simplement se focaliser sur la quantité de fluide réfrigérant, mais qu’il faudrait également prendre en considération tous les effets indirects provenant de la consommation d’énergie nécessaire au fonctionnement du système, de la consommation d’énergie et de matières premières pour la fabrication de l’installation, pour sa maintenance et enfin pour sa mise hors service. Plus précisément le système direct conduirait à une moindre consommation de matières premières et une production de déchets réduite.

Le représentant étatique insiste de son côté sur la réduction des charges de fluides réfrigérants qui seraient à considérer comme déchets dangereux et dont l’utilisation dans un système indirect de production de froid serait moindre. Pour le surplus, les développements des sociétés demanderesses reposeraient sur des données aléatoires qui changeraient en fonction de chaque type d’installation de production de froid et qu’il faudrait considérer d’autres paramètres, à savoir la consommation d’énergie pour la production du fluide réfrigérant, la consommation d’énergie pour l’élimination des fluides réfrigérants à la mise hors service de l’installation, le fonctionnement anormal de l’installation durant son exploitation et le risque d’évaporation du fluide réfrigérant vers l’atmosphère en cas de fuites, de sorte qu’il serait avantageux d’installer une installation utilisant le moins possible de fluide réfrigérant, ce qui serait le cas pour un système indirect de production de froid.

Dans leur rapport d’expertise initial déposé en date du 21 mai 2003, les experts nommés arrivent à la conclusion que l’installation par circuit direct est la plus appropriée en considération de la mission d’expertise. La conclusion du rapport se lit comme suit :

„Unter Würdigung der genannten Gründe vertreten die Sachverständigen gemeinschaftlich die Auffassung, dass im speziellen Fall des Ettelbrücker … der direkt verdampfende Anlagentyp diejenige Alternative darstellt, welche die Kriterien der Nachhaltigkeit, des Klimaschutzes und die Belange der Sicherheit unter Vermeidung überhöhter Kosten entsprechend der Aufgabenstellung dieses Sachverständigengutachtens insgesamt am Besten erfüllt“.

Ce faisant, les experts ont d’abord dressé un tableau comparatif théorique (« fallunabhängiger Vergleich », rapport d’expertise, page 25), duquel il se dégage que les deux systèmes en question présentent en théorie autant d’avantages que de désavantages l’un par rapport à l’autre et ensuite un tableau comparatif visant plus spécifiquement l’installation litigieuse installée à Ettelbrück (« fallspezifische Bewertung », rapport d’expertise, page 37), duquel il se dégage que le système direct constituerait l’alternative préférable, qui pour le surplus engendre un coût d’installation moindre de l’ordre de 150.000 € et de l’ordre de 110.000 € en relation avec les frais de fonctionnement. Pour arriver à leur conclusion, les experts ont analysé les deux systèmes en concurrence en relation avec les critères de fabrication, d’installation, de mise en service, de fonctionnement, de maintenance, de mise hors service et de fonctionnement défectueux. Concernant plus particulièrement la méthode de calcul appelée « TEWI » (Total Equivalent Warning Impact), destinée à mesurer l’impact des deux systèmes sur l’émission de gaz à effet de serre, les experts expriment également une nette préférence pour le système direct (tableau n° 15, rapport d’expertise, page 35).

Dans leur rapport complémentaire et rectificatif du 31 décembre 2003, les experts commis admettent avoir omis de prendre en considération, dans leur rapport initial, la consommation électrique pour la totalité des deux systèmes comparés, y inclus les pompes et ventilateurs et rectifient leur conclusion initiale par rapport à la méthode de calcul « TEWI » pour arriver à la conclusion que le système direct, tel qu’installé à l’heure actuelle, n’est plus que légèrement favorable par rapport au système indirect et même défavorable en cas de sinistre ayant pour conséquence une émission dans l’atmosphère de la totalité des fluides réfrigérants.

Dans son mémoire complémentaire déposé au greffe en date du 2 février 2004, le représentant étatique estime que le système indirect, sur base du nouveau tableau n° 15, tel que rectifié à travers le rapport complémentaire et visant la méthode de calcul « TEWI », serait meilleur que le système direct de l’ordre de 2,5 %, ce qui correspondrait à une réduction de CO2 de l’orde de 65,5 tonnes. Or, en considération d’un taux de fuite plus élevé, qui serait plus proche de la réalité, et d’un facteur d’émission de CO2 par Kwhélectrique consommé correspondant à la moyenne en Europe, le taux préindiqué de 2,5 % augmenterait à 6,2 %, toujours en faveur du système indirect. Finalement, en cas de fonctionnements anormaux endéans la période de référence de 10 ans, telle que fixée par les experts, le système indirect serait encore préférable, le taux de 2,5 % augmentant à 10 % en cas de deux fonctionnements anormaux sur 10 ans, ce qui correspondrait à une réduction des émissions de CO2 de presque 300 tonnes. Il s’ensuivrait que le rapport d’expertise, tel que corrigé, confirmerait le bien-fondé des conditions d’aménagement et d’exploitation imposées par le ministre de l’Environnement dans son arrêté entrepris du 2 juillet 2001.

Les parties demanderesses, dans leur mémoire supplémentaire déposé au greffe en date du 9 avril 2004, estiment que la conclusion claire contenue au rapport initial déposé en date du 21 mai 2003 ne se trouverait pas énervée par le complément d’expertise déposé le 31 décembre 2003. En ce qui concerne les développements supplémentaires du délégué du Gouvernement, les parties demanderesses estiment que ce dernier exagérerait l’impact que pourraient avoir le taux de fuite et le risque d’une fuite totale en cas de fonctionnement anormal. Dans ce contexte, les parties demanderesses soutiennent, articles parus dans la presse spécialisée à l’appui, que le taux de fuite de 10 % appliqué par les experts est déjà plus élevé que celui constaté normalement pour des installations de type direct et que tout risque d’un fonctionnement anormal est purement hypothétique et constituerait un scénario catastrophe qui ne se serait encore jamais produit en réalité. Finalement, il serait indéniable que les systèmes de refroidissement indirect auraient une consommation énergétique beaucoup plus élevée que les systèmes directs, et ce de l’ordre de 22,1 %.

Partant, le système de refroidissement tel qu’imposé par le ministre de l’Environnement dans son autorisation entreprise ne répondrait pas aux critères prévus par la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, de sorte que l’arrêté entrepris devrait être réformé.

Subsidiairement, les parties demanderesses ne s’opposent pas à ce que l’arrêté entrepris soit réformé dans le sens de l’utilisation du système de refroidissement par circuit direct, tel qu’existant actuellement, avec adjonction d’un système de surveillance et de récupération en cas de fuite, étant donné que pareille installation améliorerait encore le système actuel, même si une fuite des produits réfrigérants serait, d’après les demanderesses, sans aucune incidence sur la santé humaine.

Le tribunal est appelé à s’écarter de l’avis des experts par lui commis qu’avec une grande prudence, dès lors qu’il y a de justes motifs d’admettre que les experts se sont trompés ou lorsque l’erreur de ceux-ci résulte d’ores et déjà soit de leur rapport soit d’autres éléments acquis en cause (cf. trib. adm. 29 septembre 1998, n° 9849a du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 297 et autres références y citées). Les juges ne doivent s’écarter des conclusions de l’expert qu’avec la plus grande circonspection et uniquement dans les cas où il est évident que l’expert n’a pas analysé toutes les données du problème qui lui a été soumis ou qu’il en a tiré des conclusions fausses (cf. trib. adm. 10 décembre 2001, n° 12238 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 297).

Au vu des conclusions des experts commis, telles que ressortant du rapport d’expertise déposé en date du 21 mai 2003 ensemble le complément d’expertise déposé en date du 31 décembre 2003, le tribunal est amené à réformer l’arrêté du ministre de l’Environnement du 2 juillet 2001 dans la mesure où ledit arrêté a imposé au point III 7) que les installations de production de froid doivent être du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation indirecte et prescrit l’utilisation d’un refroidissement par circuit direct tel que sollicité par la société anonyme … S.A. dans sa demande d’autorisation du 7 août 2000. En effet, s’il est exact que la conclusion claire du rapport d’expertise initial en faveur du système direct est relativisée par le rapport complémentaire sur les points de la consommation d’énergie et de la méthode de calcul « TEWI », les conclusions finales des experts continuent cependant à conférer la préférence à l’alternative du système de refroidissement direct par rapport au système tel qu’exigé dans l’autorisation ministérielle entreprise.

A cela s’ajoute, d’une part, que la moyenne du taux de fuite de 10 % pour une installation de type direct, telle que retenue par les experts à la base de leurs calculs, est plus élevée que le taux de fuite retenu par la littérature scientifique à grande échelle et constatée dans l’établissement litigieux, pour lequel ce taux se situe à l’heure actuelle à moins de 1 % (page 31 du rapport initial) et, d’autre part, que le coût d’investissement et de fonctionnement sur 10 ans est de 260.000.- € supérieur pour l’installation d’un système indirect, tel que préconisé par le ministre de l’Environnement, entraînant de la sorte des coûts excessifs difficilement justifiables à charge des parties demanderesses.

Concernant finalement la proposition des parties demanderesses consistant à adjoindre au système actuel un système de surveillance et de récupération de fuites, le tribunal, au vu de la conclusion des experts estimant que la non-installation de pareil dispositif constitue un manquement du système direct par rapport au système indirect (page 38 du rapport d’expertise initial) et par souci de respecter le critère de « meilleures techniques disponibles », ordonne l’installation du système de surveillance tel que décrit dans les courriers de la société … à l’adresse de la société … des 6 octobre 2003 et 7 janvier 2004.

2. Quant aux niveaux de bruit Dans sa décision du 2 juillet 2001, le ministre de l’Environnement a imposé au point VI 2) le respect des niveaux de bruit de 60dB(A)Leq pendant le jour et de 45dB(A)Leq pendant la nuit. D’après les parties demanderesses, le ministre aurait imposé à tort lesdits seuils de bruit valant, d’après le règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers, pour les quartiers urbains avec quelques usines ou entreprises comprenant une circulation moyenne (zone IV), alors que l’établissement litigieux se trouverait implanté au centre de la localité d’Ettelbrück dans un milieu urbanisé de manière très dense et à proximité de nombreux autres commerces, de sorte que le respect des seuils pour la zone V, à savoir « centre-ville (entreprises, commerces, bureaux, divertissement) circulation dense » serait plus appropriée. Partant les sociétés demanderesses sollicitent que les niveaux de bruits prévus pour la zone V leur soit appliqués et subsidiairement que le niveau de bruit applicable entre 22.00 heures le soir et 7.00 heures le matin, ainsi que les dimanches et jours fériés soit fixé à 50dB(A)Leq.

Sur ce point, le représentant étatique estime que l’argumentation des parties demanderesses serait erronée, étant donné que les niveaux de bruit indiqués à l’arrêté entrepris seraient valables pour une zone et vaudraient pour tous les établissement pouvant avoir un impact sur cette zone, c’est-à-dire également pour des bruits provenant de zones avoisinantes.

Au vœu de l’article 13, 3. de la loi du 10 juin 1999, « l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’environnement détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, telles que la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la prévention et la gestion des déchets ».

Cette disposition légale attribue une compétence générale au ministre de l’Environnement pour déterminer, en tenant compte des particularités de chaque cas d’espèce, les réserves et conditions d’exploitation visant notamment la protection de l’air et elle lui réserve nécessairement, sous peine de vider la notion d’autorisation de tout sens, un pouvoir d’appréciation quant aux conditions à fixer. Cette compétence générale dans le domaine en question doit nécessairement s’exercer dans le cadre tracé par la législation spécifique, à savoir celle relative à la lutte contre le bruit, laquelle, à supposer qu’elle existe, définit et délimite le pouvoir d’appréciation du ministre (cf.

C.E. 2 décembre 1991, n° 8562 du rôle ; trib. adm. 15 mars 1999, nos. 10390, 10521, 10597, confirmé par Cour adm. 30 mars 2000, n° 11258C, Pas. adm. 2003, v° Etablissements classés, n° 14).

Le règlement grand-ducal précité du 13 février 1979 a été pris sur pied de la base habilitante de l’article 2 de la loi du 21 juin 1976 relative à la lutte contre le bruit, de manière qu’il circonscrit valablement le pouvoir d’appréciation du ministre de l’Environnement dans le domaine de la lutte contre le bruit et doit en outre trouver application en l’espèce, vu qu’il vise, d’après ses articles 1er et 2, toute entreprise industrielle, artisanale, commerciale, agricole ou viticole.

Aux termes de l’article 3 du même règlement grand-ducal du 13 février 1979, « à l’intérieur des agglomérations, il est recommandé aux responsables des établissements et chantiers visés à l’article premier de ne pas dépasser dans les alentours immédiats les niveaux de bruit indiqués ci-après, suivant les distinctions établies en fonction de la nature du milieu d’habitat.

Zone Niveau de bruit Nature du milieu d’habitat (dB(A)) Jour nuit I 45 35 Hôpitaux, quartier de récréation II 50 35 Milieu rural, habitat calme, circulation faible III 55 40 Quartier urbain, majorité d’habitat, circulation faible IV 60 45 Quartier urbain avec quelques usines ou entreprises, circulation moyenne V 65 50 Centre ville (entreprises, commerces, bureaux, divertissements), circulation dense VI 70 60 Prédominance industrie lourde Pour l’application du présent article aux établissements, à l’exclusion des chantiers, une propriété qui, quoique non bâtie actuellement, est susceptible d’être couverte par une autorisation de bâtir en vertu de la réglementation communale existante, est considérée comme propriété dans laquelle séjournent des personnes au sens de l’article 2 ci-dessus ».

En l’espèce, les parties sont d’accord pour affirmer que l’établissement litigieux, situé au centre-ville de la ville d’Ettelbrück, se trouve en zone commerciale, c’est-à-dire en zone V des différents milieux d’habitat, adjacente à une zone mixte équivalant à la zone IV, telles que visées par le règlement grand-ducal du 13 février 1979, précité. Les parties demanderesses ne sont pas non plus contredites dans leur affirmation, basée sur une étude acoustique établie par le bureau d’ingénieurs-conseils Energie et Environnement, que l’impact sonore maximal de l’établissement se situe pendant le jour autour de 52-53 dB(A)Leq et en période de nuit autour de 47-48 dB(A)Leq. Or, il résulte de la prédite étude acoustique qu’un dépassement des seuils retenus au prédit règlement grand-ducal du 13 février 1979 a été constaté pendant la nuit par rapport au point d’immission 1 placé en zone mixte, c’est-à-dire en zone IV, à limite des propriétés bâties voisines (page 8 de l’étude acoustique Energie et Environnement).

Il se dégage de l’article 3 du règlement grand-ducal du 13 février 1979, précité, que l’application des plafonds de niveaux de bruit à un site particulier doit être fonction des caractéristiques réelles et concrètes du milieu d’habitat autour du site en question au moment où l’autorité compétente statue sur une demande d’autorisation. C’est dès lors à juste titre que le délégué du Gouvernement soutient que les niveaux de bruit indiqués à l’arrêté entrepris sont valables pour une zone et valent pour tous les établissements pouvant avoir un impact sur cette zone, c’est-à-dire également pour des bruits provenant de zones avoisinantes, l’article 3 précité prenant soin de préciser que les niveaux de bruit indiqués valent pour les alentours immédiats des établissements et chantiers concernés et non pas exclusivement par rapport à la zone dans laquelle l’établissement litigieux est situé.

Partant, c’est à bon droit que le ministre de l’Environnement, dans la décision entreprise du 2 juillet 2001, a pu imposer au point VI 2) le respect des niveaux de bruit y indiqués, de sorte que le recours laisse d’être fondé sur ce point et que les sociétés demanderesses doivent en être déboutées.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant les jugements interlocutoires des 13 mars et 24 avril 2002 ;

au fond, dit le recours partiellement justifié ;

par réformation, dit que c’est à tort que le ministre de l’Environnement, dans son arrêté du 2 juillet 2001, a imposé au point III 7) que les installations de production de froid doivent être du type refroidisseur liquide avec réfrigération et condensation indirecte et prescrit l’utilisation d’un refroidissement par circuit direct tel que sollicité par la société anonyme … S.A. dans sa demande d’autorisation du 7 août 2000 ;

ordonne pour le surplus l’installation d’un système de surveillance et de récupération de fuites tel que décrit dans les courriers de la société … à l’adresse de la société … des 6 octobre 2003 et 7 janvier 2004 ;

renvoie l’affaire devant le ministre de l’Environnement pour exécution et détermination des modalités de détail ;

pour le surplus déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne l’Etat aux frais des rapports d’expertise initial et complémentaire ;

fait masse des autres frais, à l’exception des frais d’expertise, et les impose pour un tiers aux parties demanderesses et pour deux tiers à l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13843a
Date de la décision : 05/05/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-05-05;13843a ?

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