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30/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17946

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 avril 2004, 17946


Tribunal administratif N° 17946 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2004 Audience publique extraordinaire du 30 avril 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17946 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias … , de nationalité israëlienne, détenu au Centre de

séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la ...

Tribunal administratif N° 17946 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 avril 2004 Audience publique extraordinaire du 30 avril 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17946 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias … , de nationalité israëlienne, détenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 7 avril 2004 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2004 par le délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 avril 2004.

Il se dégage d’un rapport de la police grand-ducale, police des étrangers et des jeux, dressé le 8 avril 2004, qu’en date du 7 avril 2004 « wurde [… ] im Zug von Luxemburg nach Wasserbillig seitens eines Schaffners kontrolliert. Da er keine Fahrkarte vorzeigen wollte, wurde er einer Polizeistreife übergeben, welche ihn zwecks Fingerabdrucknahme zum Flüchtlingsbüro in die Galerie Kontz brachte.

In gebrochenem Englisch gab die Person an, sie sei Flüchtling aus Palestina. Mit der Hilfe eines Schleusers sei sie über die Türkei nach Luxemburg gebracht worden… Genauere Angaben konnte oder wollte sie nicht geben..

Bei der Überprüfung der Eurodac Datenbank stellte sich heraus, dass dieselbe Person am 06.02.2003 in Frankreich unter der Nr: FR 15903089250 als Asylbewerber erkennungsdienstlich behandelt wurde.

Somit kann ein Antrag zur Rücknahme nach Dublinerabkommen bei den französischen Behörden gestellt werden.

Auf Anordnung des Justizministerium wurde die Person im Centre de séjour pour étrangers en situation irrégulière in Schrassig untergebracht (mesure de placement) ».

Le 7 avril 2004, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le rapport n° 15/1035/04/BIR du 7 avril 2004 établi par le Service de Police Judiciaire, section Police des Etrangers et des Jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile en France en date du 6 février 2004 ;

-

qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités françaises dans les meilleurs délais ;

-

qu’en attendant l’accord de reprise un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; » Le 9 avril 2004, le ministère de la Justice notifia aux autorités françaises une demande tendant à la reprise en charge de Monsieur ….

Les autorités françaises, par téléfax daté du 19 avril 2004 et notifié le même jour, acceptèrent la reprise en charge sollicitée et informèrent le ministre que le dénommé … était encore connu sous le nom de … .

Le ministre de la Justice prit en date du 22 avril 2004 un arrêté de refus d’entrée et de séjour sur le territoire luxembourgeois à l’encontre de Monsieur ….

Par requête déposée le 22 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de rétention prévisée du 7 avril 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 7 avril 2004.

Ledit recours, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait plaider que les conditions légales pour prononcer une mesure de placement à son encontre ne seraient pas remplies. Il conteste à cet égard le fait que les autorités luxembourgeoises se soient trouvées devant une impossibilité de le refouler, alors que non seulement elles connaissaient l’Etat responsable de sa reprise en charge, mais encore que les autorités françaises se seraient déclarées disposées à le reprendre.

Il conteste encore l’existence d’une nécessité absolue justifiant la mesure de placement ordonnée à son encontre. Il conclut enfin au caractère inapproprié du lieu de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

L’Etat, au travers de son mémoire en réponse, conclut au bien-fondé de la décision litigieuse et justifie la mesure de placement par la nécessité d’organiser le transfert de Monsieur … vers la France.

Quant au caractère inapproprié du placement, il relève que le demandeur n’a pas été placé au Centre pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière qui serait distinct du Centre pénitentiaire, et souligne que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière serait, aux termes de la jurisprudence, à considérer comme établissement approprié.

Concernant la justification au fond, de la mesure de rétention, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Force est de constater en l’espèce que Monsieur … a fait l’objet d’un refus d’entrée et de séjour en date du 22 avril 2004, motivé en conformité avec l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée par la susceptibilité du demandeur de compromettre la sécurité et l’ordre publics, de sorte que les conditions légales d’une décision de refoulement sur base de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée sont remplies en l’espèce.

Il reste dès lors à vérifier si les autres conditions imposées par l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 à une mesure de placement sont respectées, et en particulier l’existence d’une impossibilité « en raison des circonstances de fait », de procéder à la mesure de refoulement.

Dans le cadre d’un recours en réformation, le juge est amené à apprécier la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir de substituer sa propre décision impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est amené à statuer (cf. trib.

adm. 1 octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 11 et autres références y citées, page 591).

En l’espèce, force est de constater que si le ministre de la Justice a réceptionné le 19 avril 2004 l’accord des autorités françaises relatif à la reprise en charge de Monsieur …, ce n’est qu’en date du 22 avril 2004 que le ministère de la Justice a donné instruction à la police d’organiser le transfert du demandeur vers la France.

Le représentant du demandeur a encore affirmé, en termes de plaidoiries, qu’en date du 26 avril 2004, jour du dernier contact entre le demandeur et son avocat, Monsieur … était toujours retenu au Centre provisoire.

Cette affirmation n’est pas autrement énervée par le dossier ou les informations dont dispose le tribunal.

Le tribunal constate à ce sujet que le mémoire en réponse déposé par l’Etat en date du 26 avril 2004 n’indique pas la date prévisible du transfert, mais se contente d’affirmer que le transfert « aura lieu dans les prochains jours ».

Force est encore de constater qu’au jour des plaidoiries, soit le 28 avril 2004, le tribunal ne disposait d’aucune information permettant de conclure au transfert du demandeur, de sorte qu’il doit être considéré comme étant encore retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, sans que le gouvernement - non représenté à l’audience du 28 avril 2004 - n’ait allégué un quelconque motif justifiant de l’impossibilité de procéder à l’exécution de la mesure de refoulement.

Il suit des considérations qui précèdent que l’existence d’une impossibilité en raison de circonstances de fait, d’un éloignement, certes patente au jour de la prise de la décision litigieuse, voire jusqu’au 19 avril 2004, laisse d’être établie au jour du présent jugement, de sorte qu’il y a lieu de constater que la décision de placement du 7 avril 2004 ne remplit plus les conditions imposées par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972.

Le tribunal est partant amené à réformer la décision querellée et à ordonner la libération immédiate du demandeur, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments invoqués.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare également justifié ;

partant, par réformation, met fin à la décision du ministre de la Justice du 7 avril 2004 et ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 30 avril 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17946
Date de la décision : 30/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-30;17946 ?

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