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29/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17248

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 avril 2004, 17248


Numéro 17248 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2003 Audience publique du 29 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière d’agriculture et viticulture

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17248 du rôle, déposée le 8 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître

Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg...

Numéro 17248 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2003 Audience publique du 29 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière d’agriculture et viticulture

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17248 du rôle, déposée le 8 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, cultivateur, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 13 octobre 2003 constatant dans son chef un trop-payé au titre de la prime aux producteurs de certaines cultures arables pour l’année culturale 2000 à hauteur de 67.910,52 € et sollicitant de sa part le remboursement de cette somme majorée des intérêts;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2004 par Maître Fernand ENTRINGER pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude VERITER, en remplacement de Maître Fernand ENTRINGER, et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2004.

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Ayant perdu une importante surface de terres dans le cadre d’un remembrement pour l’aménagement de jardins d’agrément, Monsieur …, préqualifié, obtint de la part de l’administration des Ponts et Chaussées à partir de l’année 1999 la mise à disposition de surfaces agricoles situées à X et acquises par l’Etat en l’année 1990 à l’occasion de l’aménagement du réseau routier dans le sud du pays, ci-après désignées par les « surfaces étatiques ».

Pour l’année culturale 2000, Monsieur … introduisit le 28 avril 2000 une demande en allocation notamment d’une prime aux producteurs de certaines cultures arables qui fut fondée entre autres sur les surfaces étatiques mises à sa disposition. Cette demande fut accueillie sans restriction et une aide de 103.859,58 € fut versée de ce chef à Monsieur ….

Suite à un contrôle sur place et à un examen de photos aériennes des 7 décembre 1990 et 31 mai 1994, l’administration des Services techniques et l’Agriculture informa le service de l’Economie rurale par courrier du 23 janvier 2002 de ce que les dites photos aériennes auraient révélé qu’une surface de 24,1411 hectares, en l’occurrence les parcelles cadastrales nos … (commune de …, section E de X) et … (commune de …, section A de Budersberg) représentant les surfaces étatiques, déclarée par Monsieur …, n’aurait en fait reçu une affectation agricole ni en 1990 ni en 1994 – s’agissant plutôt d’une « zone industrielle en développement » - et qu’elle ne serait partant pas éligible aux primes pour cultures arables pour ne pas avoir été exploitée comme terre agricole au 31 décembre 1991.

Par lettre du 4 mars 2003, le directeur du service d’Economie rurale porta à la connaissance de Monsieur … les éléments suivants :

« Sehr geehrter Herr …, Bezugnehmend auf Ihren obengenannten Flächenantrag, möchte ich Ihnen mitteilen, dass der Service d’Economie Rurale als zuständige Dienststelle nach Abschluss der verwaltungstechnischen Überprüfung Ihres besagten Antrags festgestellt hat, dass Sie für das Erntejahr 2000 zuviel Kulturenprämie überwiesen bekommen haben.

Die Neuberechnung Ihrer Prämie erfolgt aufgrund einer Kontrolle auf Ihrem Betrieb im Jahre 2000, sowie gemäss eines zusätzlichen Berichtes der Administration des Services Techniques de l’Agriculture vom 25. Januar 2002. Dabei wurde von den zuständigen Beamten von der Administration des Services Techniques de l’Agriculture festgestellt, dass insgesamt 24,1411 Hektar, die von Ihrem Betrieb im Jahre 2000 als Flächenstilllegung angegeben wurden, in Wirklichkeit ehemalige Industriezone und nicht prämienfähig waren.

Die für die Prämienberechnung gültige festgestellte Stilllegungsfläche beläuft sich somit auf : 36,4381 – 24,1411 = 12,2970 Hektar.

Da die in Ihrem Flächenantrag angegebene Fläche somit mehr als 20 % über der ermittelten Fläche liegt, wird laut abgeänderter Verordnung (EWG) Nr. 3887/92 der Kommission vom 23. Dezember 1992 mit Durchführungsbestimmungen zum integrierten Verwaltungs- und Kontrollsystem für bestimmte gemeinschaftliche Beihilferegelungen die gesamte für Flächenstilllegung beantragte Fläche für eine Prämienzahlung nicht in Betracht gezogen.

Die prämienfähige Flächenstilllegungsfläche beläuft sich demnach auf 0 Hektar.

Für die Berechnung des Stilllegungssatzes wird die festgestellte stillgelegte Fläche, ohne Sanktionen, benutzt.

Der für das Erntejahr 2000 gültige Mindest-Stilllegungssatz beträgt laut Artikel 6 der Verordnung (EG) Nr. 1251/1999 des Rates vom 17. Mai 1999 10 %.

Der für Ihren Betrieb für das Erntejahr 2000 festgestellte Stilllegungssatz beträgt:

12,2970 / 303,8267 = 4,05 %.

Der Prozentsatz für die daraus resultierende Kürzung der Ihnen für das Erntejahr 2000 für Getreide und Raps zustehenden Prämien wurde laut folgender Formel gerechnet:

Die festgestellte stillgelegte Fläche wird mit 100 – 10 (dem vorgeschriebenen Stilllegungssatz) multipliziert und durch 10 geteilt. Der so ermittelte Wert wird durch die festgestellt Fläche für Getreide und Raps geteilt und ergibt so den Kürzungssatz für Getreide und Raps.

Der für Ihren Betrieb ermittelte Kürzungssatz für Getreide und Raps beträgt demnach: ((12,2970 x 90) : 10) : 291,5297 = 0,3796.

Nach diesen Kürzungen kann die Berechnung der Ihnen zustehenden Prämie für das Erntejahr 2000 wie folgt zusammengefasst werden:

Kulturgruppe Prämienfähig Prämie Prämie (€) e Fläche (ha) (Euro/ha) Getreide 66,2893 249,934 16.567,95 Währungsausgleich 66,2893 1,793 118,86 Raps 44,3754 430,361 19.097,44 Währungsausgleich 44,3754 3,714 164,81 Total 35.949,06 Die Ihnen für Getreide und Raps zustehende Prämie für das Erntejahr 2000 beträgt demnach : 35.949,06 €.

Nach der abschließenden Prämienüberweisung am 30. April 2001 ist Ihnen für das Erntejahr 2000 die Gesamtsumme von 103.859,58 € überwiesen worden.

Zu Unrecht gezahlter Betrag an Kulturenprämien = 67.910,52 €.

Da das Resultat unserer Kontrolle und der Vergleich mit dem bereits überwiesenen Gesamtbetrag aufzeigen, dass Sie die Summe von 67.910,52 € zu Unrecht erhalten haben, ziehen wir in Erwägung, diese Summe von Ihnen zurückzufordern ».

Après avoir obtenu la communication des rapports de contrôle visés dans la lettre précitée du 4 mars 2003, Monsieur … prit, à travers un courrier de son mandataire du 28 mars 2003, position relativement au trop-payé de l’aide à la surface pour l’année 2000 dans les termes suivants :

« Le dossier administratif que vous m’avez communiqué sur ma demande renseigne bien que mon client a indiqué comme éligibles d’aides des parcelles à X, commune de Bettembourg, qui ont été mises à sa disposition par l’Administration des Ponts et Chaussées, suite à la perte de terres cultivables ailleurs.

Mon client ignorait que les terres de X n’étaient pas cultivées depuis bien longtemps et ne pouvaient donc entrer en ligne de compte pour les aides communautaires.

Tout porte à croire que vos services versaient dans la même erreur et que ce n’est que grâce à des photos aériennes que le contraire a pu être prouvé.

Je me permets de vous renvoyer au règlement 2419/2001 de la commission du 11 décembre 2001 complétant le règlement CE 3508/92 du Conseil.

Ce règlement contient un article 49 quant à la répétition de l’indu. Il y est dit au paragraphe 4 : « L’obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s’applique pas si le paiement a été effectué à la suite d’une erreur de l’autorité compétente elle-même ou d’une autre autorité et si l’erreur ne pouvait raisonnablement être décelée par l’exploitant. » Tel est le cas dans la présente cause.

Subsidiairement, je renvoie à l’alinéa 2 du susdit paragraphe 4 et j’invoque la prescription de la demande en répétition pour non production de celle-ci dans les douze mois du paiement ».

Le 23 juillet 2003, le directeur du service de l’Economie rurale informa le mandataire de Monsieur … entre autres des suites données à sa prise de position du 28 mars 2003 dans les termes suivants :

« Concernant votre renvoi au règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission du 11 décembre 2001 portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil et plus particulièrement à son article 49, paragraphe 4, je me permets de vous préciser que nous avons examiné votre argumentation et qu’une lettre de décision de la part du Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement Rural vous sera adressée dans le cadre de la procédure administrative (avec notification à Monsieur …) dans les plus brefs délais ».

Par lettre du 13 octobre 2003, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, ci-après désigné par le « ministre », prit à l’égard de Monsieur … la décision libellée comme suit :

« Le courrier du Directeur du Service d’Economie Rurale a informé Monsieur … comme suit :

[Citation du texte du courrier précité du 4 mars 2003] La communication précitée a fait référence au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations de l’Etat et des communes en invitant Monsieur … à prendre position sur la décision envisagée et à soumettre ses observations éventuelles au Service d’Economie Rurale dans un délai de deux semaines à partir de la réception de la lettre.

Dans votre courrier du 28 mars 2003 vous renvoyez à l’application du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission du 11 décembre 2001 portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil et plus particulièrement à son article 49, paragraphe 4 qui exclut l’obligation de remboursement si le paiement a été effectué à la suite d’une erreur de l’autorité compétente elle-même ou d’une autre autorité et si l’erreur ne pouvait raisonnablement être décelée par l’exploitant.

Je me permets de vous préciser que l’erreur décrite à l’article 49 est toujours à apprécier au moment du paiement de la prime en question et que le paiement reste révisable sur base de nouveaux éléments pouvant résulter, a posteriori, de l’évaluation de différents contrôles.

Ainsi un contrôle administratif et, dans le cas de Monsieur …, un rapport supplémentaire de l’Administration des Services Techniques de l’Agriculture qui a pour objet de faire révéler une surface comme zone industrielle, ne sont pas à considérer comme « erreur de l’autorité compétente », mais plutôt comme de nouvelles informations constatées ou analysées postérieurement au paiement de la prime.

N’étant par conséquent pas en présence d’une erreur de l’autorité compétente, la décision de recouvrement n’a pas à être communiquée dans les douze mois suivant le paiement, mais le délai de prescription applicable est alors de dix ans, respectivement dans le cas de Monsieur … de quatre ans, car on suppose que Monsieur … a agi de bonne foi.

Face aux explications ci-dessus, je suis contraint de demander le remboursement du montant de 67.910,52 € augmenté des intérêts de 126,85 € (calculés sur une hypothèse de remboursement dans deux semaines à partir de la présente lettre de décision et en application du taux d’intérêt légal (article 49 paragraphe 3 du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission du 11 décembre 2001 portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires)). Si le remboursement est effectué à un moment antérieur ou postérieur, les intérêts doivent être adaptés en conséquence.

Le remboursement du montant de 67.910,52 €, majorés des intérêts, est à effectuer par virement sur le compte chèque postal (…) de la Trésorerie de l’Etat avec la mention « FEOGA-Garantie remboursement prime cultures arables 2000/2001 ».

Je vous prie de noter que la présente décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif à introduire dans le délai de trois mois par ministère d’avoué.

Je vous prie d’agréer, Maître, l’expression de mes sentiments distingués ».

Par requête déposée le 8 décembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de cette décision ministérielle du 13 octobre 2003.

Alors même que le tribunal est saisi principalement d’un recours en annulation et seulement subsidiairement en réformation, il est tenu d’examiner en premier lieu l’admissibilité d’un recours au fond en la matière, étant donné que l’existence de cette voie de recours entraînerait l’irrecevabilité du recours principal en annulation. Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure un recours de pleine juridiction en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours principal en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur relève que les audits de sa comptabilité et de ses documents d’exploitation n’auraient pas décelé la moindre irrégularité et que ce ne seraient que des photos aériennes qui auraient permis à l’administration de constater le défaut d’exploitation agricole des surfaces étatiques avant l’année 1999. Il déclare avoir été dans l’ignorance de cette circonstance et insiste sur le fait que la décision critiquée du 13 octobre 2003 ne mettrait pas en doute sa bonne foi.

Il se prévaut de l’article 49 du règlement CE 2419/2001 du 11 décembre 2001 portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement CEE n° 3508/92, ci-après désigné par le « règlement 2419/2001 », et argue que, même si cet article pose dans son alinéa 1er le principe de l’obligation de remboursement d’aides indûment perçues, il porterait dans les deux alinéas de son paragraphe 4 deux cas de figure distincts dispensant les bénéficiaires d’aides indues d’un remboursement. A cet égard, il affirme que l’alinéa 1er viserait le cas du paiement à une personne n’ayant pas droit à la prime, tandis que l’alinéa 2 serait relatif au paiement erroné en raison de mauvais éléments de calcul de base. Il estime qu’il devrait bénéficier principalement de la disposition de l’alinéa 1er au motif que l’erreur proviendrait tant du ministère de l’Agriculture que de l’administration des Ponts et Chaussées et qu’elle n’aurait pas pu être raisonnablement décelée par lui, seules des photos aériennes ayant permis aux contrôleurs de dégager l’erreur commise. En ordre subsidiaire, le demandeur s’empare de l’alinéa 2 dans la mesure où « l’erreur est due à une erreur de calcul due, elle, à une erreur sur les surfaces éligibles » et où la demande de recouvrement serait prescrite au vu de la décision de recouvrement postérieure de plus d’un an par rapport au paiement. Le demandeur conclut que la décision ministérielle critiquée du 13 octobre 2003 méconnaîtrait le paragraphe 4 de l’article 49 du règlement 2419/2001 et qu’il y aurait lieu, au besoin et en ordre subsidiaire, de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d’une question préjudicielle à ce sujet.

Le délégué du gouvernement rétorque que le paragraphe 4 dudit article 49 prévoirait, d’une part, une exception à l’obligation de remboursement dans le cas où le paiement a été effectué à la suite d’une erreur de l’autorité compétente ou d’une autre autorité et qui ne pouvait être raisonnablement décelée par l’exploitant et, d’autre part, une réduction du délai de prescription à douze mois dans le cas où l’erreur aurait trait à des éléments de fait pertinents pour le calcul du paiement en question. Il estime que la lecture faite par le demandeur de l’article 49 serait erronée car limitée aux seules dispositions de son paragraphe 4 et que, si un contrôle administratif ou un rapport supplémentaire postérieur au paiement devait emporter la conséquence que le paiement de l’aide constituerait une erreur de l’autorité compétente, la question de l’opportunité des dispositions du paragraphe 5 de l’article 49 du règlement 2914/2001 se poserait, car toutes les informations issues de contrôles réalisés postérieurement au paiement ne pourraient plus entraîner une révision du paiement et seraient ainsi privés d’effet. D’après le représentant étatique, il importerait de souligner qu’il ne saurait être question de qualifier un paiement rétroactivement comme ayant été effectué par erreur alors qu’au moment où il a été réglé il était considéré comme l’étant correctement. Le délégué du gouvernement en déduit que l’erreur décrite au paragraphe 4 de l’article 49 constituerait un cas exceptionnel devant être apprécié au moment du paiement de la prime en question et que tout paiement serait révisable sur base de nouveaux éléments pouvant résulter ex post de l’évaluation de différents contrôles et ce dans la limite des délais de prescription fixés au paragraphe 5. Une erreur de l’autorité compétente ne pourrait consister que dans la saisie incorrecte de données d’une demande de paiements à la surface emportant un paiement supérieur à celui auquel l’exploitant aurait eu droit ou dans un paiement ne tenant pas compte d’informations disponibles, telles celles d’un contrôle administratif déjà effectué, qui auraient entraîné une réduction de la prime.

Le délégué du gouvernement fait valoir que la question de la répétition de l’indû serait également visée par l’article 8 du règlement CE n° 1258/1999 du Conseil du 17 mai 1999 relatif au financement de la politique agricole commune qui obligerait les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour recouvrer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences et pour l’application duquel la Commission européenne considérerait une période de quatre années comme le délai de principe pour le recouvrement de paiements indus.

Le représentant étatique argue finalement que la mise à disposition par l’administration des Ponts et Chaussées de terres au demandeur afin de disposer de labours en compensation de surfaces perdues ne fonderait pas une présomption de leur éligibilité à la prime aux producteurs de certaines cultures arables au vu de l’exclusion de terres non affectées à des cultures arables au 31 décembre 1991, de manière qu’on ne pourrait valablement conclure à l’existence en l’espèce d’une erreur d’une autre autorité au sens de l’article 49, paragraphe 4 du règlement 2419/2001, abstraction même faite de ce que la production de cultures arables sur une certaine surface ne doit pas être obligatoirement déclarée dans la demande de paiements à la surface.

Le demandeur fait répliquer que tout paiement suppose une cause et que l’erreur visée par l’article 49 paragraphe 4 du règlement 2419/2001 consisterait dans le constat, après paiement, qu’il n’y avait pas de cause correcte. Il fait valoir que l’alinéa 1er dudit article 49 paragraphe 4 viserait un cas de non-répétition fondée sur l’erreur pour lequel la situation à la fois du solvens et de l’accipiens serait prise en compte, tandis que l’alinéa second contiendrait une restriction dans l’éventualité où l’erreur est une erreur en fait, de manière à viser un cas spécifique.

Les parties à l’instance fondent leur argumentation essentiellement sur l’article 49 du règlement 2419/2001. Le même règlement communautaire dispose cependant dans son article 54, paragraphe 2 qu’il « s’applique aux demandes d’aides introduites au titre des campagnes de commercialisation ou des périodes de référence des primes commençant à compter du 1er janvier 2002 ». Conformément à l’article 53, paragraphe 1 du même règlement, « le règlement (CEE) n° 3887/92 est abrogé. Néanmoins, il reste applicable pour les demandes d’aides relatives aux campagnes de commercialisation ou aux périodes de référence des primes commençant avant le 1er janvier 2002 ».

Or, au vœu de l’article 1er paragraphe 2 du règlement CE n° 1251/1999 du Conseil du 17 mai 1999 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, « la campagne de commercialisation couvre la période allant du 1er juillet au 30 juin » aux fin de l’application dudit règlement, lui-même applicable à partir de la campagne 2000/2001 au vœu de son article 15 paragraphe 2.

Dès lors, en l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que la décision ministérielle critiquée du 13 octobre 2003 et la demande à sa base du 28 avril 2000 telle qu’introduite par le demandeur sont relatives à la prime aux producteurs de certaines cultures arables au titre de la campagne de commercialisation 2000/2001 s’étendant du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001.

Il s’ensuit qu’en l’espèce, le règlement 2419/2001 ne peut trouver application et que c’est le règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission du 23 décembre 1992 portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires, ci-après désigné par le « règlement 3887/92 », qui doit rester applicable en l’espèce malgré son abrogation par le règlement 2419/2001.

L’article 14 du règlement 3887/92 dispose que :

« 1. En cas de paiement indu, l’exploitant concerné est obligé de rembourser ces montants, augmentés d’un intérêt calculé en fonction du délai s’étant écoulé entre le paiement et le remboursement par le bénéficiaire.

Le taux d’intérêt applicable est calculé selon les dispositions du droit national et ne peut toutefois en aucun cas être inférieur au taux d’intérêt applicable en cas de récupération de montants nationaux.

Aucun intérêt ou, au maximum, un montant à déterminer par l’Etat membre correspondant au bénéfice indu ne s’applique en cas de paiements indus suite à une erreur de l’autorité compétente.

En ce qui concerne les aides ou primes financées par le Fonds d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « garantie », les montants récupérés et les intérêts versés aux organismes payeurs sont déduits par ceux-ci des dépenses de ce Fonds, section « garantie », sans préjudice de l’article 7 du règlement (CEE) n° 595/91 du Conseil (10).

2. Toutefois, les Etats membres peuvent décider, au lieu du remboursement, que le montant susvisé est porté en déduction de la première avance ou du premier paiement qui intervient pour l’exploitant concerné suite à la date de la décision sur le remboursement.

Aucun intérêt ne s’applique après l’information au bénéficiaire du paiement indu.

3. Les Etats membres peuvent ne pas demander le remboursement de montants inférieurs ou égaux à vingt écus par exploitant et par année civile, pour autant que, en droit national, des règles analogues de non-récupération soient prévues dans des cas similaires ».

Cette disposition instaure comme seul aménagement à l’obligation de remboursement d’aides indûment perçues l’hypothèse de paiements indus suite à une erreur de l’autorité compétente à l’exclusion de celle d’une autre autorité.

A cet égard, l’article 4 paragraphe 1 du règlement 3887/92 requiert qu’une demande d’aides « surfaces » contienne notamment « une déclaration du producteur d’avoir pris connaissance des conditions pour l’octroi des aides concernées ». Or, l’une des conditions pour l’octroi de paiements à la surface impose, conformément à l’article 7, alinéa 1er du règlement CE n° 1251/1999 prévisé, que les surfaces en cause n’aient pas été consacrées, au 31 décembre 1991, au pâturage permanent, aux cultures permanentes, aux forêts ou à des utilisations non agricoles.

En outre, la Cour de Justice des Communautés européennes a déjà retenu que « s’agissant du SIGC [système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires octroyées dans le cadre de la politique agricole commune] instauré par les règlements nos 3508/92 et 3887/92, qu’une procédure efficace de gestion et de contrôle suppose que les informations qui doivent être fournies par un demandeur d’aides soient complètes et exactes dès le départ afin de lui permettre de présenter une demande correcte d’octroi de paiements compensatoires et d’éviter de se voir infliger des sanctions », tout comme « les autorités compétentes ne sont ni obligées ni en mesure de constater les inexactitudes ou des surévaluations des superficies déclarées dans les demandes d’aides l’année même de la présentation de celles-ci et il se peut qu’elles ne se rendent compte desdites irrégularités que plusieurs années après l’introduction de la première demande » (CJCE 19 novembre 2002, Regina c/ Ministry of Agriculture, Fisheries and Food, n° C-

304/00, Rec. 2002-I-10737).

Il s’ensuit que le fait par l’administration compétente d’avoir accepté la déclaration du demandeur introduite le 28 avril 2000 comportant comme base de calcul des paiements à la surface les surfaces étatiques ne répondant pas, d’après les éléments non autrement énervés en cause, à l’exigence d’affectation posée par l’article 7, alinéa 1er du règlement CE n° 1251/1999 prévisé ne peut pas être considéré comme « erreur de l’autorité compétente », mais que le service compétent a pu accepter et traiter cette demande d’après les procédures usuelles et il incombait plutôt au demandeur de s’assurer que les surfaces par lui déclarées répondaient à toutes les conditions posées par la réglementation communautaire applicable.

Le fait que des contrôles ex post ont permis de déceler l’irrégularité litigieuse dans le chef des surfaces étatiques n’est à cet égard que l’application conforme des mécanismes de contrôle instaurés par les règlements 3508/92 et 3887/92.

Etant donné que la seule exception à l’obligation de remboursement inscrite à l’article 14 du règlement 3887/92 ne peut trouver application en l’espèce, c’est à bon droit que le ministre n’a pas dispensé le demandeur du remboursement de la partie du paiement à la surface pour l’année 2000 indûment perçue.

Par ailleurs, même en admettant que l’article 49 du règlement 2419/2001 doive quand même être appliqué en l’espèce, conformément à l’article 2 paragraphe 2 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes disposant qu’ « aucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu'un acte communautaire antérieur à l'irrégularité ne l'a pas instaurée. En cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une réglementation communautaire, les dispositions moins sévères s'appliquent rétroactivement », la conclusion ainsi dégagée ne s’en trouverait pas altérée. En effet, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement argue que l’article 49 paragraphe 4 du règlement 2419/2001 prévoit dans son premier alinéa une exception à l’obligation de remboursement dans le cas où le paiement aurait été effectué à la suite d’une erreur de l’autorité compétente ou d’une autre autorité et qui ne pouvait être raisonnablement décelée par l’exploitant et instaure à travers son alinéa second, dans le cadre de l’exception de remboursement définie dans l’alinéa premier, une réduction du délai de prescription à douze mois dans le cas spécifique où l’erreur commise par l’autorité compétente ou une autre autorité aurait trait à des éléments de fait pertinents pour le calcul du paiement en question. Or, ainsi qu’il vient d’être retenu ci-dessus, le ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural n’a pas commis d’erreur en acceptant la déclaration litigieuse déposée le 28 avril 2000, en réglant au demandeur dans une première phase les aides à la surface sur base de ses déclarations et en réduisant ex post les montants desdites aides suite au résultat des contrôles effectués après le paiement. Une erreur ne peut pas non plus être constatée dans le chef de l’administration des Ponts et Chaussées en sa qualité d’ « autre autorité », vu qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que cette dernière ait, au-

delà de la simple mise à disposition des surfaces étatiques, fourni au demandeur des informations ou garanties concernant leur utilisation antérieure voire leur éligibilité aux aides à la surface en cause. Par voie de conséquence, l’article 49 paragraphe 4 du règlement 2419/2001 ne fait pas obstacle à la demande de remboursement des aides indûment perçues par le demandeur, telle que formulée dans la décision déférée du 13 octobre 2003.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 29 avril 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17248
Date de la décision : 29/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-29;17248 ?

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