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28/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17573

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2004, 17573


Tribunal administratif N° 17573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2004 Audience publique du 28 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17573 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationa

lité serbo-monténégrinne, demeurant actuellement à L-… , tendant principalement à l’annulati...

Tribunal administratif N° 17573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2004 Audience publique du 28 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17573 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrinne, demeurant actuellement à L-… , tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 26 novembre 2003 refusant de faire droit à sa demande d’asile humanitaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2004 par Maître François MOYSE au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées au dossier et plus particulièrement la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2004.

Le 27 juin 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, après avoir sollicité dans un premier temps « l’asile humanitaire » afin de pouvoir faire soigner au Luxembourg son épouse malade, restée au Kosovo. Cette demande s’étant soldée par une décision négative du ministre de la Justice du 8 août 2003, Monsieur … a réintroduit un recours contentieux à son encontre.

Par jugement du 25 septembre 2003 le tribunal administratif, deuxième chambre, a déclaré ledit recours partiellement justifié et annulé la décision ministérielle du 8 août 2003 « dans la mesure où elle n’a pas statué sur la demande en obtention d’un titre de séjour pour raison humanitaire » de Monsieur ….

L’affaire ayant été renvoyée en prosécution de cause devant le ministre de la Justice, celui-ci, par décision du 26 novembre 2003 a décidé de ne pas réserver une suite favorable à la demande d’autorisation de séjour en faveur de Monsieur … et de son épouse au motif qu’ils ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, et qu’ils ne feraient pas non plus état de raisons humanitaires justifiant dans leur chef l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par requête déposée en date du 13 février 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 26 novembre 2003.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours il insiste sur l’état de santé déficitaire de son épouse qui, après avoir été rapatriée au Kosovo en août 2002, aurait subi un traumatisme suite à l’annonce par téléphone de la mort de ses parents qui auraient été tués par les Serbes et que depuis cette date elle serait en traitement psychiatrique, étant donné qu’elle souffrirait de troubles psychologiques graves. Il relève qu’en l’absence de traitement médical adéquat au Kosovo l’état de santé de sa femme se serait aggravé, ceci d’autant plus qu’au Kosovo tout serait empreint de souvenirs de guerre qui lui rappelleraient à chaque instant le terrible choc subi. Il explique que c’est pour cette raison qu’en date du 27 juin 2003, il est venu au Luxembourg afin d’y solliciter une aide médicale pour soigner sa femme qui serait actuellement encore trop faible pour se déplacer.

Le demandeur critique la décision litigieuse en faisant valoir qu’il avait spécifié demander, lors de son arrivée au Luxembourg, « l’asile humanitaire » et que le tribunal administratif, dans son jugement prévisé du 25 septembre 2003, aurait confirmé cet état des choses en enjoignant au ministre de la Justice de statuer sur sa demande d’asile humanitaire, même en l’absence de texte légal prévoyant ce type spécifique de protection.

Il estime à cet égard que malgré l’absence de texte légal luxembourgeois, il y aurait lieu de respecter la législation internationale, voire européenne en la matière et plus particulièrement la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui prévoit dans son article 3 que nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. Il fait valoir à cet égard que l’absence de soins médicaux et les conditions de vie catastrophiques auxquelles serait exposée son épouse au Kosovo constitueraient un traitement certainement inhumain et dégradant.

Il reproche ainsi au ministre de la Justice de ne pas avoir statué sur la demande par lui formulée, en l’occurrence une demande d’asile humanitaire, mais de s’être positionné par rapport au cadre légal applicable en matière d’autorisation de séjour. Il conclut en outre à une insuffisance de motivation de la décision litigieuse en faisant valoir que l’état de santé de sa femme et les soins médicaux qui doivent lui être apportés, par lui invoqués à l’appui de sa demande, seraient suffisants pour justifier l’octroi de l’asile humanitaire dans leur chef.

Le délégué du Gouvernement relève d’abord que le tribunal administratif, dans son jugement du 25 septembre 2003 a renvoyé l’affaire auprès du ministre de la Justice pour statuer sur la demande « en obtention d’un titre de séjour pour raison humanitaire » de Monsieur … pour soutenir qu’en statuant conformément à la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, le ministre n’aurait fait rien d’autre que de se conformer au dispositif de ce jugement.

Quant à l’insuffisance de motivation invoqué à l’appui du recours, le délégué du Gouvernement fait valoir que d’après les éléments du dossier, le simple fait de souffrir d’une maladie psychique ne saurait constituer un traitement inhumain et dégradant, d’autant plus qu’il ne ressortirait pas du dossier qu’un traitement adéquat soit impossible au Kosovo ou que l’épouse de Monsieur … risquerait sa vie en cas de retour au Kosovo. Il insiste en outre sur le fait que le demandeur et son épouse sont d’origine albanaise et qu’ils n’auraient dès lors visiblement rien à craindre au Kosovo.

Dans son mémoire en réplique le demandeur insiste que la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, invoquée à la base de la décision litigieuse, ne contiendrait aucune disposition relative à l’asile humanitaire, l’article 2 de ladite loi se bornant à énumérer les possibilités de refus d’une autorisation de séjour, non demandée en l’espèce. Il se réfère pour le surplus aux différents certificats médicaux par lui s au dossier pour attester l’état de santé précaire de son épouse.

Il y a d’abord lieu d’analyser le moyen invoquant l’absence de base légale de la décision litigieuse, dans la mesure où le ministre n’aurait pas statué sur la demande d’asile humanitaire présentée par Monsieur ….

En effet le tribunal administratif a déjà retenu dans son jugement du 25 septembre 2003 (n° du rôle 16298) que : « Il convient de rappeler qu’en vertu de l’obligation de collaboration de l’administration, toute autorité administrative est tenue d’appliquer d’office le droit applicable à l’affaire dont elle est saisie. Il appartient en effet à l’administration de dégager les règles applicables et de faire bénéficier l’administré de la règle la plus favorable (cf. trib. adm. 13 décembre 2000, n° 12093 du rôle, Pas. adm.

2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 10).

Il s’ensuit que même en l’absence de spécification de la disposition légale pouvant s’appliquer pour obtenir un titre de séjour au Luxembourg, tel que sollicité par le demandeur, l’autorité administrative compétente était tenue d’appliquer d’office le droit applicable, c’est à dire de déterminer le cadre légal dans lequel la demande s’inscrivait et de se prononcer sur son bien-fondé ou mal-fondé. » Enfin ledit jugement annule la décision ayant refusé le statut de réfugié aux demandeurs au sens de la Convention de Genève « pour défaut d’existence de motifs par rapport à la demande en obtention d’un titre de séjour pour raisons humanitaires présentée par Monsieur … ».

C’est dès lors à bon droit que le ministre de la Justice en application du jugement du 25 septembre 2003, coulé en force de chose jugée, a analysé la demande d’asile humanitaire, ainsi désignée par le demandeur, dans le cadre d’une demande d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires, autorisation laquelle aurait permis aux demandeurs de s’installer au Luxembourg et laquelle aurait ainsi, dans son résultat, complètement satisfait à la demande présentée.

Le premier moyen manque donc de fondement et est comme tel à écarter.

Quant au deuxième moyen relatif à une absence de motivation suffisante de la décision litigieuse, force est de constater que le ministre a motivé sa décision par rapport à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 et plus particulièrement par le fait que le demandeur ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants. En plus le ministre a constaté que le demandeur n’a pas fait état de raisons humanitaires jugées suffisantes justifiant une autorisation de séjour, raisons qui ont encore été explicitées en cours de procédure contentieuse. Il en résulte que la décision litigieuse est suffisamment motivée en droit et en fait, de sorte que le moyen ainsi soulevé manque de fondement.

Quant aux raisons humanitaires invoquées à l’appui du recours, il appartient au demandeur qui se prévaut d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires de prouver qu’il ne peut effectivement pas bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. Si le demandeur reste en défaut d’établir qu’un suivi médical de son état de santé ne pourrait pas être assuré ou lui serait refusé dans son pays d’origine ou qu’il n’établit pas la nécessité de soins médicaux spécialisés pour une durée plus longue dans le pays d’accueil, son état de santé ne justifie pas l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires (cf. Trib. adm. 5 mars 2003, n° 15125 du rôle non encore publié).

A ce titre, Monsieur … verse plusieurs certificats médicaux émanant d’autorités médicales allemandes, serbo-monténégrines et luxembourgeoises dont la plupart datent de 2002, lesquels témoignent certes des problèmes de santé de son épouse, lesquels semblent être essentiellement de nature psychique et psychologique, mais ne témoignent en aucune façon du fait que son épouse ne peut bénéficier d’un traitement médical approprié dans son pays d’origine ou qu’elle nécessite une prise en charge spécifique au Luxembourg, la seule affirmation que sa famille aurait dû vivre dans une cave humide, sans chauffage et sans électricité ne saurait suffir à cet égard.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le ministre de la Justice a valablement pu prendre la décision actuellement litigieuse, de sorte que le recours introduit contre celle-ci est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais, Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 avril 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17573
Date de la décision : 28/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-28;17573 ?

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