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28/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17362

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2004, 17362


Tribunal administratif N° 17362 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2003 Audience publique du 28 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17362 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), demeurant actuellement à L-…, tendant

à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septemb...

Tribunal administratif N° 17362 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2003 Audience publique du 28 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17362 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ainsi que contre la décision confirmative intervenue en date du 2 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Maître Claudia MONTI en remplacement de Maître François MOYSE ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 mars 2004.

En date du 19 mai 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 5 août 2003 il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 23 septembre 2003 envoyée par courrier recommandé le 30 septembre 2003, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée de sorte qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

Le 31 octobre 2003, Monsieur … formula, par le biais de son mandataire, un recours gracieux auprès du ministre de la Justice à l’encontre de cette décision ministérielle.

Par une décision du 2 décembre 2003, envoyée par courrier recommandé le 4 décembre 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale.

Le 23 décembre 2003, Monsieur … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 23 septembre 2003 et contre celle confirmative intervenue en date du 2 décembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable. Le recours en annulation est par conséquent irrecevable.

En premier lieu Monsieur … reproche au ministre de la Justice que la décision prise à son encontre manquerait de motivation.

En ce qui concerne le défaut de motivation soulevé par le demandeur, force est de constater que ce moyen manque de pertinence. En effet, la décision du ministre de la Justice du 23 décembre 2003 est suffisamment motivée. Les faits tels que résumés dans la décision correspondent aux faits sous-jacents à la demande d’asile du demandeur et les motifs de refus y sont énumérés. Le ministre a partant indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels il s’est fondé pour justifier son refus et les motifs ont ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance du demandeur.

Le premier moyen fondé sur le défaut de motivation de la décision ministérielle soumise au tribunal n’est donc pas fondé.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait habité en Algérie, sans avoir été en possession de la nationalité algérienne, qu’il aurait fait partie de la minorité juive et qu’en tant que membre d’une minorité, il aurait subi des discriminations et des humiliations permanentes. Ensuite il fait état d’un incendie qui aurait ravagé son usine d’huile d’olive et lui aurait ainsi détruit sa base existentielle. Il explique que cet incident aurait été perpétré par des antisémites algériens musulmans à cause de sa religion et ce dans l’unique but de le faire partir. Il explique encore qu’au moment de la déclaration de cet incident au bureau de police, les agents de police lui auraient craché à la figure en lui disant qu’il n’aurait même pas le droit de rester en Algérie. Il est d’avis que le comportement discriminatoire de la plupart des Algériens musulmans à son encontre, le manque de soutien des autorités publiques, la discrimination des forces de l’ordre, ainsi que la haine ouverte de la part des groupes nationalistes démontreraient à suffisance qu’il vivrait « sous une épée de Damoclès » et qu’un retour à son pays d’origine serait dès lors impossible.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte du rapport d’audition du 5 août 2003 que Monsieur … n’a pas été membre d’un groupe ou parti politique et qu’il n’a pas rencontré de problèmes majeurs en Algérie jusqu’au moment de l’incendie de son usine d’huile d’olive en mars 2003, à supposer cet incident véridique. De même le demandeur affirme qu’il est parti pour avoir des papiers et du travail car il n’avait plus rien en Algérie, de sorte que son départ est essentiellement motivé par des raisons économiques lesquelles ne sauraient constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant la crainte exprimée par le demandeur d’actes de persécution de la part d’Algériens musulmans à son encontre en raison de son appartenance à la minorité juive force est de constater qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions. En plus comme il s’agit de persécutions émanant de tiers et non pas de l’Etat, il appartient au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

Force est de constater que les faits mis en avant par le demandeur ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour établir un état de persécution personnel vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait à raison intolérable dans son pays d’origine. A cela s’ajoute que le demandeur n’a pas démontré que les autorités dans son pays ne sont pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant.

En ce qui concerne l’incendie de son usine d’huile d’olive, à le supposer établi, force est de constater que le demandeur reste en défaut de prouver que cet incendie aurait eu une origine criminelle liée à son appartenance à la minorité juive.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 avril 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17362
Date de la décision : 28/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-28;17362 ?

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