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28/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17293

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2004, 17293


Tribunal administratif N° 17293 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2003 Audience publique du 28 avril 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17293 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb

ourg, au nom de M. …, né le … à Constantine (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement...

Tribunal administratif N° 17293 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2003 Audience publique du 28 avril 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17293 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Constantine (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 12 août 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 28 octobre 2003, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 19 mars 2003, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, M. … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité.

Le 15 avril 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 12 août 2003, notifiée par lettre recommandée du 28 août 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Algérie le 10 janvier 2000 pour venir vivre chez l’un de vos frères au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 19 mars 2003.

Vous exposez que vous avez fait votre service militaire de 1993 à 1995, mais que vous auriez été appelé à la réserve, une fois en 1998 et une seconde fois avant votre départ d’Algérie. Comme vous ne vouliez pas y aller, vous avez décidé de rejoindre vos frères au Luxembourg. Vous auriez vécu ici de petits travaux et vous auriez joué dans l’équipe de handball de Berchem.

Vous n’auriez été membre d’aucun parti politique dans votre pays.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Je constate que vous n’alléguez aucune persécution ni crainte de persécution dans votre pays.

Quant à votre insoumission, même à la supposer établie, elle ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié et la crainte de peines disproportionnées de ce chef non plus, d’autant plus qu’il n’est pas établi que vous seriez amené à participer à des opérations militaires contraires à des motifs de conscience valables.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le 26 septembre 2003, M. … formula, par le biais de son mandataire, un recours gracieux auprès du ministre de la Justice à l’encontre de cette décision ministérielle.

Le 28 octobre 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale, « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Le 12 décembre 2003, M. … a introduit - selon le dispositif de la requête introductive d’instance, auquel le tribunal peut seul avoir égard - un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus des 12 août et 28 octobre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait quitté son pays d’origine en 2000, parce qu’il n’aurait pas voulu donner suite à un appel pour la réserve militaire et qu’il serait susceptible de faire l’objet de poursuites en raison de son insoumission, la peine qu’il risquerait d’encourir pouvant atteindre jusqu’à 20 ans de prison, sanction qu’il estime manifestement disproportionnée par rapport à la gravité de son infraction.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours. Il relève spécialement que d’après l’article 254 du Code de Justice Militaire de l’Algérie, la désertion serait punissable d’une peine d’emprisonnement maximum de quatre ans et qu’une loi d’amnistie concernant les déserteurs et les insoumis a été votée en 1999.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures contentieuse et gracieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il convient de prime abord de relever que le demandeur n’a pas introduit sa demande d’asile spontanément lors de sa venue au Luxembourg en l’an 2000, mais seulement trois années plus tard, étant relevé qu’il s’est contenté de séjourner et travailler illégalement au pays et n’a sollicité l’asile qu’au moment où il a été intercepté et que les autorités luxembourgeoises ont voulu procéder à son éloignement. Or, force est de constater que l’introduction d’une demande d’asile par un étranger, qui avait largement au préalable l’occasion de ce faire, mais qui n’y procède que sur le tard, à un moment où il a vu son séjour au Luxembourg sérieusement compromis en fait, constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile, dès lors que l’intéressé n’a présenté aucune explication convaincante relativement à son manquement de s’adresser en temps utile aux autorités desquelles il réclame une protection vis-à-vis des autorités de son pays d’origine.

Pour le surplus, l’insoumission et la désertion ne sont pas, en elles-mêmes, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elles ne sauraient, à elles seules, fonder dans le chef du demandeur une crainte justifiée d’être persécuté pour un des motifs prévus par la Convention de Genève et il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que la condamnation que M. … prétend risquer d’encourir en raison de son insoumission - qui elle même n’est pas documentée par un quelconque élément de preuve tangible et qu’il est pour le moins étonnant de lire que lors de son audition en date du 15 avril 2003, il a déclaré « J’ai été convoqué en 1998, mais je n’y ai pas été. Ils croyaient que je n’avais pas encore fait mon service. Ce n’est pas normal. Je n’ai pas compris. J’ai quitté mon pays en 2000 à cause de cet appel. » et « Je n’ai pas eu de problèmes entre 1998 et 2000.

Après 1998, ils ont encore envoyé une autre convocation pour la réserve, mais je ne sais plus quand c’était. » - serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 28 avril 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17293
Date de la décision : 28/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-28;17293 ?

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