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28/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17135

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2004, 17135


Numéro 17135 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2003 Audience publique du 28 avril 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mesure d’éloignement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17135 du rôle, déposée le 5 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, i

nscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Pet...

Numéro 17135 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 novembre 2003 Audience publique du 28 avril 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mesure d’éloignement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17135 du rôle, déposée le 5 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Petnica/Bérane Monténégro/Etat de Serbie-Monténégro), et de Madame …, née le … à Vrbica/Bérane (Monténégro/Etat de Serbie-Monténégro), tous les deux de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement à L…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice leur notifiée oralement le 5 novembre 2003 aux termes de laquelle leur était sommé l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois, faute de quoi il serait procédé à leur éloignement forcé le 7 novembre 2003;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH en sa plaidoirie à l’audience publique du 22 mars 2004.

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Par arrêt du 3 juillet 2003 (n° 16304C du rôle), la Cour administrative confirma définitivement une décision du ministre de la Justice du 27 février 2002 rejetant comme non fondée la demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève », introduite le 17 avril 2001 par Monsieur … et Madame …, préqualifiés.

Par courrier de leur mandataire du 9 août 2003, les consorts …-… ont fait introduire une nouvelle demande d’asile en se prévalant de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et des éléments énoncés comme suit :

« Par la présente, je me permets de revenir à l’affaire sous rubrique dans le cadre de laquelle un arrêt de la Cour administrative a été rendu en date du 3 juillet 2003, enregistré sous le numéro du rôle 16304C, au terme duquel le statut de réfugié politique a été refusé à mes mandants.

Je me permets de joindre en annexe de la présente la copie d’un certain nombre de nouveaux documents relatifs à Monsieur …, aux termes duquel le nom de ce dernier est encore enregistré à l’ordinateur du Ministère de l’Intérieur du Monténégro « UMP » avec la mention qu’il y a un mandant [sic] d’arrêt contre lui et ce depuis 1991… . » En effet le nom de mon mandant figure parmi les personnes à arrêter immédiatement en cas de retour au Monténégro du fait que ce dernier est accusé pour ses agissements contre l’Etat Fédéral et qu’il a été accusé de l’organisation et de préparation d’un coup d’Etat.

Il échet de retenir ces éléments fournis par mes mandants comme un élément nouveau, en ce sens qu’il est postérieur au rejet définitif à leur demande d’asile, alors que le risque de persécution selon les informations recueillies par la Fondation Caritas dans le chef de Monsieur … sont d’actualité et constitutif des éléments nouveaux et qu’ils n’ont pas encore été toisés ni par l’autorité compétente, ni par la juridiction administrative.

Sur la base de ces éléments nouveaux, je vous prie de bien vouloir accepter d’enregistrer une nouvelle demande d’asile politique au bénéfice de mes mandants, sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996, dont l’instruction permettra à mes mandants de démontrer qu’en l’état actuel de la situation dans leur pays d’origine tout rapatriement se traduirait par incarcération de Monsieur … et tortures pendant plusieurs années.

Une telle incarcération, étant la conséquence de son activisme politique, respectivement de ses opinions politiques, doit permettre de regarder mon mandant comme pouvant se prévaloir du bénéfice de la protection telle que consacrée par la Convention de Genève.

Veuillez trouver en annexe de la présente, deux rapports établis par la Fondation Caritas, en date du 5 et 8 août 2003, démontrant qu’il existe toujours un mandat d’arrêt en cours dans le chef de Monsieur ….

Dans ce contexte, c’est pourquoi il me semble particulièrement nécessaire que le dossier de mon mandant soit réouvert au regard de l’article 15 précité, respectivement à la lumière des persécutions dont serait susceptible de faire l’objet mon mandant et membre de sa famille en cas de retour dans son pays d’origine.

La copie de la présente est envoyée à Madame Agnès RAUSCH pour information.

Il va de soi que moi-même et mon mandant, nous nous tenons à votre disposition, pour vous soumettre, les éléments complémentaires dont vous estimeriez devoir disposer ».

Par courrier du 29 octobre 2003, le service des Etrangers, bureau d’accueil pour demandeurs d’asile, du ministère de la Justice invita les consorts …-… de se présenter au dit bureau d’accueil le mercredi 5 novembre 2003 à 9.15 heures.

Par requête déposée le 5 novembre 2003, les consorts …-… ont fait introduire un recours en annulation à l’encontre d’une décision du ministre de la Justice leur notifiée oralement à cette occasion aux termes de laquelle ils étaient sommés de quitter le territoire luxembourgeois, faute de quoi il serait procédé à leur éloignement forcé vers leur pays d’origine le 7 novembre 2003.

S’il est vrai que le délégué du gouvernement a informé le mandataire des consorts …-

… par courrier du 6 novembre 2003 de la décision du ministère de la Justice « de ne pas procéder à l’éloignement de vos mandants en attendant la décision sur la deuxième demande d’asile déposée le 10 août 2003 » et qu’une convocation à une audition interviendrait sous peu, il n’en reste pas moins que ce courrier a, d’après son libellé, pour seul effet de suspendre l’exécution de la décision orale attaquée, dont l’existence n’est pas autrement contestée, mais n’a pas pour effet de rapporter la décision elle-même. Il s’ensuit que les consorts …-… conservent un intérêt à agir à l’encontre de la décision orale leur enjoignant de quitter le territoire luxembourgeois.

Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure un recours de pleine juridiction en matière de décision d’éloignement, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent qu’aucune réponse n’aurait jamais été réservée à leur nouvelle demande d’asile et que la décision ministérielle orale déférée de les refouler dans leur pays d’origine se heurterait au principe de non-refoulement tel que consacré par l’article 33 de la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 33 paragraphe 1er de la Convention de Genève, « aucun des Etats Contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Dans la mesure où les demandeurs ont soumis, à travers leur nouvelle demande d’asile du 9 août 2003, au ministre des éléments relatifs à un risque toujours actuel pour Monsieur … d’être emprisonné dans son pays d’origine du fait de ses activités politiques et où le ministre n’a pas encore statué, d’après les éléments fournis au dossier, sur les mérites de cette demande d’asile et ainsi arbitré sur la réalité d’une menace pour la vie ou la liberté des demandeurs dans leur pays d’origine pour les motifs visés à l’article 33, le ministre ne pouvait pas valablement enjoindre aux demandeurs de quitter le territoire luxembourgeois, sous peine d’un éloignement forcé dans leur pays d’origine sans avoir pris au préalable une décision quant à la recevabilité et au bien-fondé de leur nouvelle demande d’asile et la décision orale communiquée aux demandeurs le 5 novembre 2003, dont l’existence n’est pas autrement contestée, encourt l’annulation pour violation de la loi.

La demande additionnelle formulée par le mandataire des demandeurs à l’audience et tendant à voir le tribunal prononcer une interdiction à l’Etat de procéder à leur éloignement est cependant irrecevable, alors qu’il n’appartient pas au tribunal de prononcer, dans le cadre d’un recours en annulation dont il se trouve saisi, des injonctions de faire ou de ne pas faire à l’encontre de l’Etat.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, annule l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois émanant du ministre de la Justice et notifiée oralement aux demandeurs le 5 novembre 2003, déclare la demande additionnelle tendant à voir prononcer une interdiction à l’encontre de l’Etat irrecevable, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 28 avril 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17135
Date de la décision : 28/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-28;17135 ?

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