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26/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17302

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 avril 2004, 17302


Tribunal administratif N° 17302 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2003 Audience publique du 26 avril 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17302 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d

e M. …, né le … à Batna (Algérie), de nationalité algérienne, déclarant demeurer à L-…, tendant à la réf...

Tribunal administratif N° 17302 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 décembre 2003 Audience publique du 26 avril 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17302 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Batna (Algérie), de nationalité algérienne, déclarant demeurer à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 11 novembre 2003, par laquelle ledit ministre a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en ses plaidoiries.

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En date du 18 août 2003, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le 1er octobre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 11 novembre 2003, notifiée par lettre recommandée du 14 novembre 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Algérie le 15 août 2003 pour aller en bateau à Naples. Vous auriez poursuivi votre voyage dans un camion qui allait à Nice. De là, un ami de votre père vous aurait emmené au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 18 août 2003.

Vous auriez fait votre service militaire de 1999 et 2001 comme sergent. Vous auriez participé à des ratissages et à des accrochages avec des terroristes. Vous précisez que vous n’auriez pas profité de vos permissions pour rentrer chez vous car vous auriez eu peur de ces terroristes. Vous dites qu’ils tueraient les gens qui ont fait leur service militaire et qu’ils tueraient même des membres de la sûreté de l’Etat.

Vous dites n’avoir jamais appartenu à un parti politique.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Je constate que vous n’avez jamais eu de contact direct avec ces terroristes. Vous dites en connaître quelques uns personnellement mais ils ne vous auraient ni persécuté ni maltraité.

Quoi qu’il en soit, les terroristes que vous craignez ne sauraient constituer des agents de persécutions au sens de la Convention de Genève. De plus, ils ont un champ d’action limité géographiquement et, en vous installant dans une autre ville, vous auriez pu profiter d’une possibilité de fuite interne.

Il résulte de votre récit que vous éprouvez davantage un sentiment d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution telle que prévue dans la Convention de Genève.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par requête déposée le 12 décembre 2003, M. … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 11 novembre 2003.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. Le recours en réformation formulé en ordre principal ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de la Justice de ne s’être livré qu’à un examen sommaire de sa demande et d’avoir commis une erreur d’appréciation en refusant sa demande d’asile. Dans ce contexte, il soutient qu’il remplirait les conditions pour être admis au statut de réfugié, au motif qu’il aurait « occupé une haute fonction dans l’armée » et qu’il aurait « dû faire face à des terroristes qui n’ont pas hésité à tuer des gens qui étaient proches du requérant ».

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater en premier lieu que le demandeur n’a nullement établi avoir revêtu une « haute fonction » au sein de l’armée algérienne, qui pourraient l’exposer particulièrement à des actes répréhensibles d’opposants au régime actuel, étant relevé que d’après les déclarations mêmes du demandeur il n’a accompli que son service militaire obligatoire et pendant cette période il n’a revêtu que le simple grade de sergent. Pour le surplus, le demandeur n’a pas apporté d’autres précisions quant à ses activités au sein de l’armée ni d’autres indices relativement à sa prétendue exposition à devenir la cible d’actes terroristes. Il a au contraire déclaré ne jamais avoir subi une quelconque persécution ou mauvais traitement.

Sur ce, il appert des éléments du dossier administratif que les allégations du demandeur relativement un risque de persécution par des terroristes ne sont nullement circonstanciées et qu’elles ne sont pas confortées par un quelconque élément de preuve tangible, de sorte que le récit du demandeur se révèle insuffisant pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, respectivement sont insuffisantes pour établir que les autorités qui sont au pouvoir en Algérie ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de ce pays.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 26 avril 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17302
Date de la décision : 26/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-26;17302 ?

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