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26/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17216

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 avril 2004, 17216


Tribunal administratif N° 17216 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2003 Audience publique du 26 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17216 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lux

embourg, au nom de Monsieur …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annula...

Tribunal administratif N° 17216 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2003 Audience publique du 26 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17216 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2003 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision cosignée du ministre de la Justice et du ministre du Travail du 20 décembre 2002 lui refusant l’autorisation de séjour sollicitée, ainsi que d’une décision confirmative de refus du ministre de la Justice du 2 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 avril 2004.

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Monsieur …, après avoir vu rejeter sa demande en obtention du statut de réfugié politique au Grand-Duché de Luxembourg, déposa en date du 3 juillet 2001 une demande en régularisation, tendant à obtenir une autorisation de séjour, auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille établi dans la zone d’activité « Cloche d’Or », 5, rue G. Kroll, L-2941 Luxembourg.

Par décision du 20 décembre 2002, signée par le ministre de la Justice d’une part et le ministre du Travail et de l’Emploi d’autre part, Monsieur … s’est vu refuser l’autorisation de séjour sollicitée au motif que : « selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour peut être refusée à l’étranger qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

Comme il a été constaté sur base de votre dossier administratif que cette disposition est applicable dans votre cas, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

(…) ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 9 août 2003 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice prit une décision confirmative le 2 septembre 2003.

Par requête déposée en date du 1er décembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur conclut à l’annulation de la décision du 20 décembre 2002 déférée en soulevant d’abord sa nullité pour défaut de qualité dans le chef de son auteur.

Il soutient plus particulièrement à cet égard que sa demande en obtention d’une autorisation de séjour fut déposée auprès du service commun préqualifié et que partant l’autorité décisionnelle ne saurait être autrement composée que collégialement, regroupant les différents ministères concernés auprès desquels la demande a été introduite. Estimant qu’aucun des trois ministères pris individuellement ne saurait à lui seul valablement engager l’autorité collégiale, il conclut que la décision déférée devrait encourir l’annulation de ce chef.

Force est de constater qu’en l’état actuel de la législation, une décision relative à l’entrée et au séjour d’un étranger au Grand-Duché de Luxembourg au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, relève de la seule compétence du ministre de la Justice, ceci conformément aux dispositions de l’article 11 de la dite loi et sous les restrictions y énoncées tenant notamment au fait que les décisions afférentes sont prises sur proposition du ministre de la Santé lorsqu’elles sont motivées par des raisons de santé publique.

Force est dès lors de constater que ni l’apposition de la signature du ministre du Travail et de l’Emploi à côté de celle du ministre de la Justice n’est de nature à mettre en échec cette dernière, voire de relativiser la compétence en la matière du ministre de la Justice qui, à travers sa signature, a pleinement exercé son pouvoir de décision en la matière, ni encore que l’absence de la signature du troisième ministre composant le service commun, non compétent en cette matière, ne saurait énerver la régularité de la décision déférée (voir trib. adm. 30 janvier 2002, n° 14095, Pas. adm., 2003, v° Etrangers, p. 222, n° 190, et les autres décisions y citées).

Le tribunal tient à ce propos encore à relever que, contrairement à ce qu’indique le recours déposé par le demandeur, la décision déférée du 20 décembre 2002 porte uniquement refus d’une autorisation de séjour et ne concerne pas la question d’un éventuel permis de travail.

Le premier moyen du demandeur basé sur le défaut de qualité dans le chef de l’auteur de la décision déférée laisse partant d’être fondé.

Le demandeur estime encore que la décision initiale déférée lui reprocherait à tort de constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics, étant donné qu’il n’aurait commis, pendant son séjour sur le territoire luxembourgeois, aucun acte de nature à compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics. Il relève à ce sujet n’avoir fait l’objet d’aucune condamnation par une juridiction luxembourgeoise à des peines privatives de liberté.

Le demandeur critique encore le fait que l’autorité compétente ne l’ait jamais averti qu’elle envisagerait de rejeter sa demande, et qu’elle ne l’ait pas contacté préalablement pour lui permettre de prendre position.

En ce qui concerne ce dernier moyen, il y a lieu de relever que seul l’article 9 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes impose à l’autorité administrative d’observer les formalités préalables protectrices de l’administré, formalités qui en l’espèce n’auraient pas été respectées par le ministre de la Justice.

L’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose en effet que « (1) sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors de l’initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir.

(2) Cette communication doit se faire par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.

(3) Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.

(4) L’obligation d’informer la partie concernée n’existe que pour autant que l’autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l’adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles ».

Il s’ensuit que ces formalités protectrices ne s’imposent que dans l’hypothèse où une autorité administrative se propose de prendre d’office une décision, de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision qui a créé ou reconnu des droits à une partie.

Or les décisions déférées, respectivement rejetant et confirmant le rejet de la demande en obtention d’une autorisation de séjour du demandeur, n’ont pas été prises d’office, en dehors d’une initiative du demandeur, mais au contraire sur demande explicite de sa part, de sorte que ces dispositions ne sont pas applicables au présent cas.

Il s’ensuit que ce moyen est à écarter.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics ».

En l’espèce, il ressort du dossier administratif et en particulier d’informations obtenues auprès de la police suisse que le demandeur a pour identité réelle Valdet SHALA, de sorte qu’il est entré au Grand-Duché de Luxembourg sous une fausse identité et qu’il s’est présenté de manière persistante aux autorités luxembourgeoises sous la même fausse identité.

Il ressort encore de ces mêmes informations que le demandeur a été interpellé en Suisse pour l’activité de passeur de clandestins, qu’il y a été arrêté pour trafic de stupéfiants, pour fabrication et vente de faux permis de conduire et pour violation de la législation suisse sur les armes à feu.

Il ressort enfin de ces informations obtenues par l’intermédiaire d’INTERPOL que le demandeur a fait l’objet en Suisse d’une condamnation à une peine d’emprisonnement de 3 ans et de 3 mois, qu’il s’est évadé, et a, à l’occasion de son arrestation, tenté de mettre le feu à son domicile.

Ainsi, eu égard à la gravité incontestable de ces faits, qui dénotent d’une dangerosité réelle dans le chef du demandeur, on ne saurait reprocher au ministre de la Justice d’avoir commis un excès de pouvoir en ce qu’il a estimé que lesdits faits dénotent à suffisance de droit un comportement, sinon un risque de comportement dans le chef de du demandeur compromettant l’ordre et la sécurité publics et qu’ils constituent des indices suffisants sur base desquels il convient de conclure à l’existence d’un risque sérieux qu’il continuera à constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics luxembourgeois à l’avenir (voir trib. adm. 30 janvier 2002, n° 13750, Pas. adm., 2003, v° Etrangers, p. 222, n° 188, et les autres décisions y citées).

Le fait que ces faits ont été commis et sanctionnés pénalement à l’étranger n’énerve pas cette conclusion, étant donné que le comportement criminogène du demandeur en Suisse, tel qu’il se dégage des éléments du dossier administratif, est d’une gravité et d’une constance telle, que le ministre a valablement pu en conclure à l’existence d’un risque que l’intéressé maintienne pareil comportement à l’avenir au Luxembourg.

Il résulte d’ailleurs à ce sujet d’un rapport de police versé au dossier administratif que le demandeur serait d’ores et déjà soupçonné de participer à un trafic de stupéfiants sur le territoire luxembourgeois.

Il se dégage des développements qui précèdent que les décisions ministérielles litigieuses sont motivées à suffisance de droit et de fait par le seul constat de la gravité des faits perpétrés par le demandeur, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres moyens du demandeur, relatifs à la question de l’absence de moyens personnels, d’autant plus que les décisions déférées ne comportent pas de telle motivation.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 avril 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17216
Date de la décision : 26/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-26;17216 ?

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