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26/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17153

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 avril 2004, 17153


Tribunal administratif N° 17153 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 novembre 2003 Audience publique du 26 avril 2004 Recours formé par la société anonyme … s.a., …, contre une délibération du conseil communal de la commune de Waldbillig en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17153 du rôle et déposée le 11 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …

s.a., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une délibération du...

Tribunal administratif N° 17153 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 novembre 2003 Audience publique du 26 avril 2004 Recours formé par la société anonyme … s.a., …, contre une délibération du conseil communal de la commune de Waldbillig en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17153 du rôle et déposée le 11 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une délibération du conseil communal de la commune de Waldbillig du 28 juillet 2003 rejetant la modification du plan d’aménagement général sollicitée;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 12 novembre 2003 portant signification de ce recours à l’administration communale de Waldbillig ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2004 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Waldbillig ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 28 janvier 2004 par Maître Georges PIERRET, au nom de l’administration communale de Waldbillig, notifié le 27 janvier 2004 au mandataire de la société anonyme … s.a. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 février 2004 par Maître Victor ELVINGER au nom de la société anonyme … s.a., notifié le même jour au mandataire de l’administration communale de Waldbillig ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 mars 2004 par Maître Georges PIERRET, au nom de l’administration communale de Waldbillig, notifié le 2 mars 2004 au mandataire de la société anonyme … s.a. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Serge MARX, en présence de Maître Victor ELVINGER, et Gabrielle EYNARD, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 avril 2004.

La société anonyme … s.a, ci-après « la société … » soumis en date du 27 février 2002 à la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur un projet de modification du plan d’aménagement général de la commune de Waldbillig, ci-après le « PAG », tendant à voir reclasser certains terrains en « zone éolienne » destinée à accueillir plusieurs installations éoliennes.

Par avis daté du 7 mai 2002, la commission d’aménagement étatique avisa favorablement le projet, en suggérant cependant quelques modifications à apporter à la représentation de la zone dans la partie graphique du PAG.

La société … adressa en date du 21 mai 2003 une demande de reclassement des terrains concernés à l’administration communale de Waldbillig.

Par délibération du 28 juillet 2003, le conseil communal de Waldbillig décida, par trois voix contre deux et deux abstentions, de refuser le projet de modification du PAG présenté par la société ….

Par requête déposée en date du 11 novembre 2003, la société … a fait introduire un recours en annulation dirigé contre la prédite délibération du conseil communal de Waldbillig.

A l’appui de son recours, la requérante soulève la nullité de la délibération attaquée pour absence de motivation, la décision déférée n’indiquant aucun motif qui ait amené le conseil communal à refuser la modification du PAG sollicitée.

Elle estime encore que la décision déférée violerait la loi en ne reposant ni sur une considération d’intérêt général, ni sur des considérations d’ordre urbanistique. Elle expose à ce sujet que la construction d’installations éoliennes relèverait de l’utilité publique, de sorte que le refus attaqué violerait l’intérêt général.

L’administration communale de Waldbillig résiste à l’argumentation de la demanderesse en soulevant l’irrecevabilité du recours, la société … n’ayant pas d’intérêt à poursuivre l’annulation d’un acte réglementaire, et soulève encore la question de la tardiveté du recours.

Quant au fond, elle estime que contrairement aux arguments de la requérante, un acte réglementaire ne nécessiterait pas de motivation, et conteste toute violation de la loi.

Avant de procéder à l’examen des divers moyens des parties, le tribunal est appelé à qualifier la décision attaquée, étant donné que la qualification retenue pour la délibération déférée - acte individuel ou acte réglementaire - est susceptible d’avoir des implications en ce qui concerne la recevabilité du recours.

L’acte déféré au tribunal consiste en une délibération du conseil communal portant sur un projet de modification du PAG en vigueur.

Or les décisions sur la modification d’un PAG sont prises non pas pour le compte d'un ou de plusieurs propriétaires de parcelles concernées, mais pour compte de la communauté en cause, et dans l'intérêt général de la commune et de ses habitants. Le caractère réglementaire attaché aux décisions sur les PAG est de ce fait indépendant de l'ampleur du projet faisant l'objet des décisions. En particulier le nombre des lots concernés et des personnes directement intéressées ne sauraient influencer ce caractère, dès lors que la décision fait partie de la procédure spéciale et complexe d'élaboration ou de modification d'un PAG, dont chaque détail touche directement l'intérêt général en mettant en jeu l'harmonie et la cohérence de l'ensemble du plan (voir Cour adm.12 février 1998, n° 10206C, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 46, p. 660, et les autres décisions y citées).

Au vu du caractère réglementaire de l’acte déféré, la recevabilité du recours est à analyser par application de l’article 7 alinéa 1er de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tel que modifié par l’article 61-1° de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, qui dispose que le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent, à condition que le requérant rapporte la preuve de son intérêt personnel, direct, actuel et certain.

Le législateur luxembourgeois n’a partant pas prévu dans le chef des juridictions de l’ordre administratif un recours en annulation ouvert directement contre toute disposition à caractère réglementaire, mais a limité le recours direct en annulation à l’encontre d’un acte administratif à caractère réglementaire aux seuls actes de nature à produire un effet direct sur les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes dont ils affectent immédiatement la situation sans nécessiter pour autant la prise d’un acte administratif individuel d’exécution (voir trib. adm. 16 février 2000, n° 11491 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Actes réglementaires, n° 4, p. 29, et les autres décisions y citées).

Dans la mesure où le projet de modification litigieux a été sollicité et initié par la requérante, afin de lui permettre l’installation d’éoliennes sur les terrains concernés, dans le cadre d’un projet de parc éolien également développé par la requérante, le refus opposé par le conseil communal au projet de reclassement constitue un acte administratif à caractère réglementaire qui est de nature à produire un effet direct sur les intérêts de la partie requérante dont il affecte immédiatement la situation sans nécessiter pour autant la prise d’une décision administrative individuelle d’exécution.

Il s’ensuit que la requérante dispose d’un intérêt à agir au sens de l’article 7 alinéa 1er de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée.

En ce qui concerne la recevabilité du recours ratione temporis, l’article 7 alinéa 3 de la loi du 7 novembre 1996 précitée exige que le recours en annulation contre un acte à caractère réglementaire soit « introduit dans les trois mois de la publication de l’acte administratif à caractère réglementaire attaqué ou, à défaut de publication, de la notification ou du jour où le requérant en a eu connaissance ».

Il ressort des pièces versées en cause, et en particulier de l’extrait du registre aux délibérations du conseil communal de Waldbillig, que la délibération attaquée a été notifiée à la société … par les soins du bourgmestre en date du 18 août 2003, et réceptionnée par la requérante le 20 août 2003.

Le recours déposé en date du 11 novembre 2003 a par conséquent été introduit dans le délai de la loi.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été déposé dans les formes de la loi.

En ce qui concerne le fond, si la partie requérante reproche à la délibération de manquer de motivation, l’administration communale estime pour sa part qu’un acte réglementaire n’est soumis à aucune obligation de motivation.

Comme relevé ci-avant, l’article 7 alinéa 1er de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée prévoit un recours en annulation contre les actes à caractère réglementaire pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés.

Il en résulte que le tribunal, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte à caractère réglementaire, vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (voir Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 8, p.513, et les décisions y citées).

Si aucune disposition légale n’impose d’une manière générale la motivation formelle des actes à caractère réglementaire, il n’en demeure pas moins que l’autorité administrative ayant pris l’acte attaqué est tenue de préciser les motifs ayant justifié sa décision, et ce afin de permettre au juge administratif d’opérer le contrôle prévu par l’article 7 alinéa 1er précité.

Il convient encore à ce sujet de relever que les motifs sur lesquels repose l'acte, si l’acte lui-même ne les précise pas, peuvent être communiqués au plus tard au cours de la procédure contentieuse pour permettre à la juridiction administrative d'exercer son contrôle de légalité (CdE 3 juillet 1974, Pas. 22, 483 ; 20 juillet 1978, Pas. 24,183; l5 mai 198l, Wickler, n 7026 ; voir aussi Pas. adm. 2003, V° Procédure non contentieuse, n° 44, p. 476 et les décisions y citées), étant donné qu’il est loisible à l'administration de présenter ses motifs en cours d'instance, à condition que la juridiction administrative puisse en contrôler la légalité au moment où elle est appelée à statuer (CdE 18 juin 1984, Sàr1 Foga, n 7397).

Force est cependant de constater que non seulement la délibération n’indique dans son texte aucune motivation, mais encore que l’administration communale demeure en défaut de fournir dans le cadre de la procédure contentieuse le moindre motif expliquant le refus opposé au projet de modification du PAG, de sorte que le tribunal est mis dans l’impossibilité de contrôler la légalité de la décision déférée et que celle-ci encourt l’annulation pour cause de violation de la loi, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres moyens avancés par la partie requérante.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant le conseil communal de Waldbillig en prosécution de cause ;

condamne l’administration communale de Waldbillig aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 avril 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17153
Date de la décision : 26/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-26;17153 ?

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