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21/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17266

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 avril 2004, 17266


Tribunal administratif N° 17266 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 décembre 2003 Audience publique du 21 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17266 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2003 par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant

à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions du ministre des Cla...

Tribunal administratif N° 17266 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 décembre 2003 Audience publique du 21 avril 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17266 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2003 par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement des 24 juillet et 11 septembre 2003 portant refus d’autorisation d’établissement dans son chef pour l’exercice de la profession d’expert- comptable ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mars 2004 par Maître Bernard FELTEN, au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions ministérielles critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frédéric GERVAIS, en remplacement de Maître Bernard FELTEN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries à l’audience publique du 29 mars 2004.

Considérant que par courrier de son mandataire du 16 juin 2003, Monsieur … a présenté au ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, désigné ci-

après par « le ministre » une demande en autorisation d’établissement concernant la profession d’expert-comptable ;

Que par décision du 24 juillet 2003 le ministre a fait part au mandataire de Monsieur … de sa décision libellée comme suit :

« Maître, Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que le diplôme de Monsieur … correspond aux critères prévus à l’article 19, (1), c) de la loi du 28 décembre 1988.

Avant de pouvoir réserver une suite à votre requête, votre mandant voudra me faire parvenir la preuve d’une pratique professionnelle de trois ans dans la profession visée après l’obtention de son diplôme conformément à l’article 19, (1), c) précité.

Contrairement à ce que vous affirmez dans votre courrier du 9 juillet 2003, Monsieur … doit effectuer un stage de trois années auprès d’un expert-comptable après l’accomplissement des études ayant donné lieu à l’octroi de son diplôme, ainsi que cela résulte d’un jugement du Tribunal Administratif du 25 juillet 2001 Z c. Ministère des Classes Moyennes.

Or, la preuve d’un tel stage n’a pas été rapportée. En effet, l’attestation CE produite contredit les certificats sous seins [sic] privés versés au dossier, qui sont d’ailleurs eux-mêmes contradictoires. La preuve du stage peut être rapportée par un certificat délivré par l’Ordre des Experts-Comptables belge ou luxembourgeois, respectivement un certificat d’affiliation auprès d’un expert-comptable dûment autorisé à exercer la profession.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif. » ;

Que par courrier de son mandataire du 22 août 2003, Monsieur … a fait prendre position comme suit : « Nous revenons vers vous dans le cadre du dossier mentionné sous rubrique et faisons suite à votre courrier du 24 juillet 2003.

Dans ce courrier, vous vous référez au jugement du Tribunal Administratif du 25 juillet 2001 (Z c. Ministère des Classes Moyennes) qui énonce qu’un stage consiste en une expérience pratique à effectuer après avoir obtenu les connaissances théoriques nécessaires à l’exercice de la profession d’expert-comptable.

Il était en effet reproché à Monsieur Z dans ce jugement d’avoir une expérience professionnelle dans le domaine visé antérieurement à son diplôme.

Monsieur … est titulaire d’un diplôme de gradué en comptabilité délivré par la Haute Ecole Mosane d’Enseignement Supérieur HEMES –Institut Sainte-Marie- Liège en date du 11 septembre 1998, ce diplôme ayant par ailleurs été inscrit au registre des diplômes d’enseignement supérieur.

Notre mandant a également une expérience de 3 ans au sein d’entreprises et de fiduciaires.

Le jugement dont vous faites référence ne s’applique donc pas à notre mandant alors que Monsieur … a rapporté la preuve d’une expérience professionnelle postérieurement à l’obtention de son diplôme.

De plus, vous mentionnez dans votre courrier qu’il existe une contradiction dans l’énoncé des expériences professionnelles de notre mandant.

Nous aimerions vous apporter les précisions suivantes :

A la fin de ses études supérieures, Monsieur … était indépendant à titre complémentaire ; il réalisait des travaux comptables et de secrétariat en sous-traitance pour la société … (attestation professionnelle) et était intermédiaire d’assurance (attestation …).

Depuis le 1er juin 2000, il exécute des missions d’expertises comptables à titre complémentaire en collaboration avec la société … s.à r.l. qui est expert-comptable agréé à Luxembourg (attestation professionnelle).

Nous vous informons que Monsieur … a également été engagé auprès d’une société d’assurance « Sirius » au département d’analyse financière et au centre de coordination financier de … à Maastricht (déclaration de non-faillite).

Compte tenu de ces éléments, nous espérons que vous réserverez une suite favorable à la demande de notre mandant.

Dans l’attente de vous lire, nous vous prions d’agréer, cher Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués. » ;

Que suivant décision datée du 11 septembre 2003 le ministre a à son tour pris position comme suit :

« Maître, Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre requête sous rubrique et plus particulièrement à votre lettre du 20 août 2003. Votre demande a fait entretemps l’objet d’un réexamen de la part de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer qu’en l’absence de tout élément probant nouveau, je suis au regret de maintenir ma décision du 24 juillet 2003.

A toutes fins utiles, je vous rappelle que la preuve d’une pratique professionnelle de trois ans après l’obtention du diplôme d’expert-comptable de Monsieur … n’a pas été rapportée. En effet, l’attestation CE belge produite contredit les certificats sous seins [sic] privés versés au dossier, qui sont d’ailleurs eux-mêmes contradictoires, la preuve du stage légal requis peut être rapportée par un certificat délivré par l’Ordre des Experts-

Comptables belge ou luxembourgeois, respectivement, par un certificat d’affiliation du Centre Commun de la Sécurité Sociale attestant une activité auprès d’un expert-

comptable établi. Une activité d’indépendant ne saurait être prise en compte puisque votre mandant n’était pas en possession d’une autorisation.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif. » ;

Considérant que c’est contre les décisions ministérielles prérelatées des 24 juillet et 11 septembre 2003 que Monsieur … a fait introduire en date du 10 septembre 2003 un recours tendant à leur réformation, sinon à leur annulation ;

Considérant que dans sa requête introductive d’instance Monsieur … fait état d’un courrier du 25 novembre 2003 émanant de sa part et devant valoir le cas échéant recours gracieux, sans que ce courrier ne fût versé au dossier ;

Que le courrier du 25 novembre 2003 versé à la demande du tribunal s’analyse en lettre accompagnatrice de pièces supplémentaires versées suite à une entrevue entre parties, afin de compléter le dossier concernant la qualification professionnelle du demandeur ;

Que force est au tribunal de constater que ce courrier ne vaut point recours gracieux et n’a dès lors pas d’incidence sur le caractère éventuellement prématuré du recours actuellement sous analyse ;

Considérant que l’Etat se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et dans les délais ;

Considérant que la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, désignée ci-après par « la loi d’établissement », prévoit dans son article 2, alinéa final, tel qu’il a été modifié à travers la loi du 4 novembre 1997 que les décisions ministérielles concernant l’octroi, le refus ou la révocation des autorisations prévues par ladite loi peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, le tribunal statuant comme juge d’annulation ;

Considérant que le législateur ayant prévu de façon expresse un recours en annulation en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours en annulation formé en ordre subsidiaire a été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, de sorte qu’il est recevable ;

Considérant qu’au fond le demandeur retient avec satisfaction que ledit ministre, à travers sa décision déférée du 24 juillet 2003 l’ait informé que son diplôme « correspond aux critères prévus par l’article 19, (1) c) de la loi du 28 décembre 1988 » tout en critiquant la position ministérielle dégagée à travers les décisions déférées, suivant laquelle il n’aurait pas rapporté la preuve d’une pratique professionnelle de trois ans dans la profession d’expert-comptable visée, après l’obtention de son diplôme « conformément à l’article 19, (1) c) précité » ;

Considérant qu’en dernière analyse les parties sont contraires sur le point de savoir si la pratique professionnelle en question, analysée comme stage, comporte que ce stage, en entier ou en partie, soit effectué auprès d’un expert-comptable, sinon d’une société d’expertise comptable dûment établis ;

Considérant que le tribunal est amené à relever liminairement que l’article 19 (1) c) de la loi d’établissement, mis en exergue par la décision ministérielle du 24 juillet 2003 précitée, est à lire compte tenu de l’abrogation intervenue de son alinéa 1er à travers l’article 43 de la loi du 10 juin 1999 portant organisation de la profession d’expert comptable ;

Considérant que ledit article 19 (1) c) de la loi d’établissement ne subsiste dès lors plus qu’en ses alinéas second et suivants anciens libellés comme suit : « La qualification professionnelle des experts-comptables indépendants résulte de la possession de l’un des diplômes précisés ci-après et de l’accomplissement d’un stage de trois ans. Il en est de même des experts-comptables dont la qualification professionnelle est nécessaire aux sociétés aux fins d’autorisation d’établissement.

Sont considérés comme diplômes au sens de l’alinéa qui précède :

1. les diplômes de fin d’études délivrés par un Etat ou un établissement d’enseignement supérieur reconnu par l’Etat du siège de l’établissement et certifiant la qualification professionnelle pour l’exercice de la profession d’expert-comptable, et 2. les diplômes d’études supérieures représentant la sanction finale d’un cycle unique et complet d’au moins trois années d’études supérieures en sciences économiques ou commerciales ou en sciences financières.

Les modalités d’accomplissement du stage peuvent être fixées par règlement grand-ducal.

Les présentes dispositions ne préjudicient pas aux exigences particulières des lois fiscales à l’égard des personnes dont l’activité professionnelle consiste à donner des consultations en matière fiscale et à représenter les contribuables auprès des administrations et instances fiscales ».

Considérant que le stage s’analyse en une période de formation professionnelle que doivent accomplir les membres de certaines professions au seuil de l’exercice de celle-ci, afin de se familiariser avec la pratique de leur métier (cf. Gérard CORNU vocabulaire juridique, association Henri CAPITANT, première édition 1987) ;

Considérant que la notion de stage comporte nécessairement l’existence d’un maître ou patron de stage, appelé à initier, sinon à familiariser le stagiaire avec la pratique du métier qui sera le sien ;

Considérant qu’en posant l’exigence de l’accomplissement d’un stage de trois ans, sans autre précision, le texte réglementaire sous revue fixe la condition inhérente à la notion même de stage pour l’accès définitif à la profession dont s’agit, que celui-ci soit effectué auprès d’un expert-comptable, à défaut d’assouplissement expressément porté par le texte ;

Que le projet de loi actuellement en gestation auquel se réfère le demandeur ne revêt dès lors pas de caractère pertinent en l’occurrence, d’une part, en ce qu’il n’a point été en vigueur au moment de la prise des décisions déférées, d’autre part, en ce que la modalité y prévue concernant la limitation de l’exigence de la passation du stage auprès d’un expert-comptable durant la période de seulement une année, serait de nature à s’analyser en assouplissement exprès prévu par le texte réglementaire, fût-il promulgué tel quel ;

Qu’enfin, la référence faite par le demandeur à un jugement du tribunal du 25 juillet 2001 (numéro 12471 du rôle) n’est pas de nature à énerver les développements qui précèdent, en ce que, d’une part, le tribunal, dans ledit jugement retient qu’ « un stage constitue nécessairement une formation pratique destinée à mettre en pratique des études théoriques accomplies au préalable », de sorte que c’est « à tort que le demandeur soutient que la notion de stage au sens de l’article 19 (1) c) est synonyme d’expérience professionnelle au sens large du terme, alors qu’il s’agit, au contraire, d’une expérience pratique à effectuer après avoir obtenu les connaissances théoriques nécessaires à l’exercice de la profession d’expert comptable » ;

Que le même jugement est encore complémentaire et en phase par rapport aux développements qui précèdent en ce qu’il a retenu que nécessairement le stage est à effectuer après l’accomplissement des études à travers lesquelles le stagiaire a pu entrer en possession des diplômes prévus par ledit article 19 (1) c), cette exigence résultant par ailleurs du texte réglementaire sous analyse ;

Considérant qu’il est constant que l’accomplissement d’un stage d’une durée de 3 ans auprès d’un expert comptable n’a point été vérifié dans le chef du demandeur, de sorte que les décisions déférées ont pu refuser, en l’état, l’autorisation sollicitée par Monsieur … sous invocation de ce seul motif légal sous-tendant entièrement les refus déférés ;

Qu’il s’ensuit que le recours est à rejeter comme n’étant point fondé, l’analyse des autres moyens proposés étant devenue surabondante au vu des développements qui précèdent ;

Considérant qu’au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure du demandeur est à rejeter ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 avril 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17266
Date de la décision : 21/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-21;17266 ?

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