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21/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17179

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 avril 2004, 17179


Tribunal administratif N° 17179 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2003 Audience publique du 21 avril 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17179 du rôle, déposée le 17 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier TOTH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Christian STEINMETZ, avocat, au nom de Monsieur …, né le … (Kos

ovo) et de son épouse, Madame …, née le … (Etat de Serbie-Monténégro), tous les deux de nat...

Tribunal administratif N° 17179 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2003 Audience publique du 21 avril 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17179 du rôle, déposée le 17 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier TOTH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Christian STEINMETZ, avocat, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo) et de son épouse, Madame …, née le … (Etat de Serbie-Monténégro), tous les deux de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 15 octobre 2003, portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2004 par Maître Olivier TOTH au nom des époux …-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Christian STEINMETZ et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mars 2004.

Le 27 février 2003, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux …-… furent entendus séparément en date du 12 mars 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 15 octobre 2003, leur notifiée par courrier recommandé du 23 octobre 2003, le ministre de la Justice informa les époux …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif que leurs craintes peuvent s’analyser en un sentiment général d’insécurité plutôt qu’en une réelle crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le 17 novembre 2003, les époux …-… ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 15 octobre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour analyser le recours introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs originaires du Kosovo et appartenant à la minorité bochniaque exposent que leur fuite serait motivée par les mauvais traitements subis de la part de la majorité albanaise en raison de leur appartenance à la minorité bochniaque. Ils font exposer plus particulièrement qu’au courant de l’année 1999 leur famille aurait été attaquée à plusieurs reprises par les rebelles de l’UCK qui auraient tiré sur leur maison, auraient brulé leur foin et auraient même tenté de fusiller le père de Monsieur …. Ils continuent que leurs enfants n’auraient plus osé se rendre à l’école, étant donné qu’ils se seraient exposés chaque jour sur le chemin à un danger de mort émanant des Albanais qui auraient jeté des pierres sur eux. Ils relatent que le 8 mars 2002, leur fils, Monsieur …, serait devenu la victime d’un groupe de 17 Albanais qui l’auraient attaqué sans aucun motif apparent et qu’ils l’auraient roué de coups de poings et de pieds et lui auraient cassé le nez. Ils font valoir qu’à la suite de l’attaque de leur fils, ils auraient subi respectivement une attaque cérébrale et une crise nerveuse, de sorte qu’ils ne pourraient plus retourner au Kosovo étant donné qu’ils auraient des craintes justifiées d’y être tués par des Albanais. Ils concluent que les possibilités de pouvoir s’intégrer dans une région sûre du Kosovo ne seraient pas données en l’espèce et qu’un renvoi forcé au Kosovo risquerait de leur causer un grand préjudice.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours sous analyse laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives du 12 mars 2003, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les demandeurs font essentiellement état de leur crainte de subir des persécutions de la part des Albanais du Kosovo et de l’hostilité que ce groupe de la population manifeste envers les membres de la minorité ethnique des Bochniaques. A cet égard, il y a lieu de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Bochniaques, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions.

Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal. En effet, les faits personnels allégués par les demandeurs relativement aux incidents qui ont eu lieu constituent certainement des pratiques condamnables, mais en l’espèce, ne dénotent pas une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans le chef des demandeurs au point que leur vie leur serait intolérable dans leur pays d’origine, d’autant plus que les faits qu’ils exposent remontent à 1999. Le seul élément récent dont les demandeurs font état a trait à l’agression de leur fils ayant eu lieu en mars 2002. Or, cet événement ne saurait être pris en considération en tant que tel dans le cadre de l’analyse de la demande d’asile de Monsieur et Madame …-…, d’autant plus que leur fils est majeur et a quitté le Kosovo et semble avoir obtenu le statut de réfugié en France.

A cet égard, il y a lieu de constater en plus que suivant la version actualisée datant de janvier 2003 du rapport de l’UNHCR sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Bochniaques est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse. En effet il est relevé que : « The general security situation of Kosovo Bosniaks remained stable with no incidents of serious violence.

However, Bosniaks have been taken to the police station for questioning after speaking their language in public … Their situation in Peje /Pec and Prizren region, where the vast majority of Bosniaks reside, remains calm. » Cette conclusion n’est pas énervée par les moyens développés oralement par le mandataire des demandeurs et relatifs à la flambée de violence qu’a connu tout récemment le Kosovo, cette violence, trouvant apparemment son origine dans un incident isolé, opposant les Albanais aux Serbes, sans avoir a priori d’incidences directes sur la minorité bochniaque, ne constitue pas une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que ces troubles ne constituent pas un danger direct pour la personne et la situation spécifique des demandeurs. Il y a par ailleurs lieu de relever dans ce contexte qu’un refus de reconnaissance du statut de réfugié n’implique pas nécessairement et automatiquement l’éloignement des demandeurs du territoire luxembourgeois et leur retour au Kosovo.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 avril 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17179
Date de la décision : 21/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-21;17179 ?

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