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08/04/2004 | LUXEMBOURG | N°17827

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 avril 2004, 17827


Tribunal administratif N° 17827 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2004 Audience publique du 8 avril 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17827 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité roumaine, actuellement retenu au Centre de séjour p

rovisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformati...

Tribunal administratif N° 17827 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2004 Audience publique du 8 avril 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17827 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité roumaine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 26 mars 2004 instituant à son égard une mesure de placement pour une durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 avril 2004 ;

Le 26 mars 2004, Monsieur …, de nationalité roumaine, fit l'objet d'un contrôle policier. Le même jour, le ministre de la Justice prit à son encontre un arrêté lui refusant l'entrée et le séjour. La décision afférente est motivée par les considérations que l'intéressé ne dispose pas de moyens d'existence personnels, qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays et qu'il est susceptible de compromettre l'ordre et la sécurité publics. Le même jour, Monsieur … s'est encore vu notifier un arrêté du ministre de la Justice ordonnant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de cette notification en attendant son éloignement. Ledit arrêté est motivé comme suit :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le rapport n° 2004/013556/0171 du 26 février 2004 établi par la Police Grand-

Ducale, CIP, Diekirch ;

Considérant que le Tribunal d'arrondissement de Diekirch donne mainlevée du mandat de dépôt en date d'aujourd'hui ;

Considérant que l'intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels ;

Considérant que l’éloignement sera organisé dans les meilleurs délais ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement. » Par requête déposée le 2 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle du 26 mars 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

A l’appui de son recours, le demandeur relève qu'il s'est retrouvé par hasard sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, après avoir circulé à bord d'une voiture automobile dans les environs de Metz et s'être trompé de chemin. Il souligne qu'il est en possession d'un passeport roumain valable et qu'il est dispensé de visa par application de la Convention de Schengen, de sorte qu'il était en droit d'entrer sur le territoire du Luxembourg et d'y séjourner. Il estime qu'on ne saurait lui reprocher un manque de moyens d'existence personnels, une telle exigence ne se concevant que dans l'hypothèse, non donnée en l'espèce, d'un séjour prolongé envisagé au Luxembourg, et que dans le cas contraire, il y a lieu d'interpréter d'une manière très large la condition tenant aux moyens d'existence personnels.

Il ajoute que seule une mesure d'expulsion ou de refoulement légalement prise justifie le placement, et encore à condition que cette mesure ne puisse être exécutée en raison d'une circonstance de fait. Dans ce contexte, il souligne que les autorités disposent de son passeport et que rien ne les empêche de l'éloigner immédiatement vers son pays d'origine, de sorte que devant le peu de diligences dont elles auraient fait preuve pour permettre son rapatriement immédiat, la mesure de placement ne se justifierait plus. Il estime finalement qu'eu égard au fait qu'il est détenteur d'un passeport avec dispense de visa, la mesure de placement prise à son encontre est disproportionnée et qu'il ne risque pas de troubler l'ordre public luxembourgeois.

Le délégué du gouvernement rétorque que s'il est vrai que les ressortissants roumains sont dispensés de visa, leur séjour sur le territoire Schengen ne doit pas pour autant dépasser trois mois. Or, Monsieur … y serait entré le 17 septembre 2003 sans qu'un départ ne soit mentionné dans son passeport. Par ailleurs, la condition des moyens d'existence s'appliquerait à tout étranger se trouvant sur le territoire. Concernant les mesures entreprises en vue de l'éloignement du demandeur, elles auraient été entamées avec diligence, de sorte que l'éloignement serait prévu le 8 avril 2004.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main d'œuvre étrangère, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Il en découle qu’une décision de placement au sens de la disposition précitée présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure.

Il se dégage du dossier que le ministre de la Justice a pris le 26 mars 2004 une décision d'expulsion contre le demandeur. Celle-ci apparaît comme légalement justifiée par application des articles 5, alinéa 1er et 23, alinéa 1er de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, approuvée par une loi du 3 juillet 1992, en vertu desquels l'étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de court séjour de trois mois applicables sur le territoire de l'une des parties contractantes doit en principe quitter sans délai le territoire Schengen. Or, le passeport de Monsieur … renseigne qu'il est entré sur le territoire Schengen il y a plus de trois mois. Il se trouve partant en séjour irrégulier sur le territoire Schengen, de sorte que l'arrêté d'expulsion apparaît comme légalement justifié sur base des dispositions précitées, sans qu'il faille examiner les autres moyens tirés de l'illégalité de l'arrêté d'expulsion.

Par ailleurs, au vu de la circonstance que le départ de Monsieur … est prévu pour le 8 avril 2004, le moyen tiré de l'absence de diligences de la part des autorités luxembourgeoises en vue d'un rapatriement rapide du demandeur, est à écarter.

Concernant le caractère approprié du lieu de placement retenu par le ministre, il y a lieu de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 précitée, un Centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir rapporté un quelconque élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, le moyen tenant au caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce laisse d’être fondé.

Il suit des considérations qui précèdent que la demande n'est pas justifiée et qu'il y a lieu d'en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et prononcé à l’audience publique du 8 avril 2004 par le président en présence de M.

Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17827
Date de la décision : 08/04/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-04-08;17827 ?

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