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31/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17253

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2004, 17253


Tribunal administratif N° 17253 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17253 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse Madame …, né

e le…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants … et …, tou...

Tribunal administratif N° 17253 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17253 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse Madame …, née le…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 septembre 2003 par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 mars 2004.

En date du 2 juillet 2001, les consorts …-… introduisirent une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, en précisant appartenir à la « catégorie D » telle que décrite dans la brochure intitulée « Régularisation du 15 mars au 13 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché du Luxembourg », éditée par ledit service commun, en ce qu’ils résideraient au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et que leur fille … … serait atteinte d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne leur permettant pas de retourner, dans un délai d’un an, dans leur pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel ils seraient autorisés à séjourner.

A la suite d’un jugement du tribunal administratif du 5 mars 2003 ayant annulé une première décision du ministre de la Justice refusant de faire droit à cette demande, le ministre a réexaminé la demande en obtention d’une autorisation de séjour formulée par les consorts … le 2 juillet 2001 et retenu, par décision du 5 septembre 2003, que leur demande serait à rejeter tant sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, qu’au regard des directives applicables en matière de régularisation.

Le ministre a retenu plus particulièrement à ce dernier regard qu’« il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie D concernant la maladie de votre enfant … que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et je suis atteint(e) d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne me permettant pas de retourner, endéans un an, dans mon pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel je suis autorisé(e) à séjourner », car suivant un avis du contrôle médical établi par l’administration du Contrôle Médical de la Sécurité Sociale en date du 19 août 2002, … … ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2003, les consorts … ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 5 septembre 2003.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours les consorts … font exposer qu’ils sont venus au Luxembourg en février 1999 sans préjudice quant à la date exacte, qu’ils auraient particulièrement bien réussi à s’intégrer dans la vie sociale au Luxembourg et que leur fille … souffrirait du syndrome de Kawasaki. Ils relèvent dans ce contexte que depuis février 2001, elle souffrirait de fièvres et de toux récidivantes, qu’elle aurait dû être hospitalisée à plusieurs reprises et que ce syndrome, tout en étant encore peu connu dans le monde médical, s’accompagnerait d’un risque très élevé d’infarctus myocardique.

Estimant ainsi que la maladie dont souffre leur enfant serait d’une gravité exceptionnelle, ils reprochent au ministre de ne pas avoir apprécié à leur juste valeur les faits pourtant constants en cause. Ils se réfèrent plus particulièrement à cet égard à une attestation établie par le docteur … aux termes de laquelle l’enfant … doit être surveillé régulièrement, ainsi qu’à une attestation du « JZU Genesungsheim » de Rozaje pour soutenir qu’il n’y aurait pas d’hôpital ou d’institution au Monténégro pouvant guérir ou seulement soigner le syndrome de Kawasaki. Les demandeurs relèvent finalement que Madame …, au moment de l’introduction de leur recours, était enceinte du neuvième mois, de sorte qu’elle ne pourrait pas quitter le pays pour le moment.

Le délégué du Gouvernement conclut au rejet du recours. A l’appui de sa conclusion il signale que le médecin du Contrôle médical de la Sécurité Sociale a conclut en date des 19 août 2002 et 25 septembre 2003 que l’enfant … ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine. Il fait valoir en outre que l’octroi d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires serait une décision de pure opportunité qui devrait en principe échapper à l’examen de légalité que le tribunal est amené à exercer dans le cadre d’un recours en annulation, seul prévu en la matière. Il conclut pour le surplus que l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires ne serait pas justifiée en l’espèce.

Il est constant en cause que la demande des consorts … a été analysée tout d’abord au regard des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée.

L’article 2 de ladite loi du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que les demandeurs étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire à s’adonner à une activité indépendante, et qu’il pouvaient partant disposer de moyens personnels suffisants pour supporter leurs frais de voyage et de séjour.

A défaut par les demandeurs d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre de la Justice a dès lors, valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Il convient ensuite d’analyser les motifs ayant amené le ministre à ne pas reconnaître l’existence de raisons humanitaires de nature à justifier la délivrance d’une autorisation de séjour.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il lui appartient d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, ainsi que de vérifier si les éléments de fait dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.

En l’espèce, il est constant que l’enfant … … souffre du syndrome de Kawasaki et que suivant certificat médical du 7 juin 2001 le docteur … a attesté ce qui suit :

« L’enfant … …, âgée de deux ans, est atteinte d’une maladie de Kawasaki depuis fin mars 2001.

Avec cette maladie, on voit fréquemment une inflammation des coronaires avec formation d’anévrismes et risque élevé d’un infarctus myocardique. Les deux premières échocardiographies de l’enfant ont été normales. Un contrôle est prévu dans six mois. A ce moment-là, on pourra exclure une affection des coronaires avec plus de certitude. Cet examen devra être fait par un cardiologue avec équipement échocardiographique, ainsi qu’une bonne connaissance/formation en cardiologie pédiatrique ».

Suivant certificat du 24 mars 2003 le même médecin après avoir rappelé que « les coronaires sont les vaisseaux les plus fréquemment attaqués dans le contexte de cette vasculopathie généralisée avec formation d’anévrismes et risque élevé d’infarctus myocardique », a signalé que « jusqu’à maintenant, nous avons réalisé cinq échocardiographies qui ont été toutes normales. Une bonne surveillance clinique reste indiquée. » Tel que relevé par le délégué du Gouvernement, le dossier intégral concernant l’état de santé de l’enfant … … fut soumis avec l’ensemble des certificats médicaux jusque lors établis au médecin de contrôle du Contrôle médical qui, tant en date du 19 août 2002, qu’en date du 25 septembre 2003 a retenu que l’enfant … ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine.

Force est de constater que les certificats médicaux versés en cause, au-delà de confirmer le fait même que l’enfant … est atteinte du syndrome de Kawasaki, ce qui n’est pas contesté en tant que tel, se limite à faire état de la surveillance clinique effectuée sous forme de la réalisation d’échocardiographie régulière qui pour le moins jusqu’à la date du dernier certificat établi en date du 24 mars 2003 ont toutes été normales. A défaut d’information contraire fournie en cause, à travers notamment des attestations médicales plus récentes, il y a dès lors lieu d’admettre qu’à la date de la prise de la décision litigieuse l’état de santé de l’enfant … n’avait pas évolué en ce sens que des complications en rapport avec les risques auxquels elle est généralement exposée de par le fait même de sa maladie se serait présentées.

Force est encore de constater que les demandeurs restent en défaut d’établir avec toute la précision requise une éventuelle impossibilité d’effectuer le suivi médical préconisé par rapport à l’état de santé de l’enfant … dans leur pays d’origine, étant entendu que les attestations fournies en cause permettent de conclure à cet égard essentiellement à la nécessité de procéder à intervalles réguliers à des échocardiographies et que la seule pièce fournie au dossier par les demandeurs pour soutenir qu’au Monténégro il y aurait une impossibilité de soigner le syndrome de Kawasaki, en l’occurrence l’attestation du « JZU Genesungsheim » de Rozaje ne comporte pas d’indications précises afférentes.

En effet, ladite pièce, traduite comme suit : « Die Meinung ist : in unseren Institutionen bestehen keine Möglichkeiten und Bedingungen um diese Krankheit zu heilen, sowie in ähnlichen Institutionen in ganz Montenegro“, se limite à constater l’impossibilité de guérir le syndrome de Kawasaki, sans pour autant fournir le moindre indice permettant de retenir qu’au Monténégro un suivi clinique sous forme notamment d’échocardiographie serait impossible.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu estimer que les demandeurs restent en défaut d’établir une impossibilité de renvoyer l’enfant …, ainsi que par voie de conséquence les membres de sa famille, dans leur pays d’origine sous peine de compromettre sérieusement son état de santé.

Cette conclusion n’est pas autrement énervée par la considération qu’au moment de l’introduction du recours Madame … était sur le point d’accoucher, étant donné qu’au-

delà du fait que la décision litigieuse a eu pour objet d’apprécier des raisons humanitaires invoquées en rapport uniquement avec l’enfant … …, le simple fait d’accoucher, s’il peut certes constituer un empêchement dans l’immédiat d’une mesure d’éloignement, n’est pas en tant que telle de nature à justifier l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Il se dégage des considérations qui précèdent que les demandeurs sont à débouter de leur recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17253
Date de la décision : 31/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-31;17253 ?

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