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31/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17172

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2004, 17172


Tribunal administratif N° 17172 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17172 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …. (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellem

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Tribunal administratif N° 17172 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17172 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …. (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 février 2004 par Maître François MOYSE ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mars 2004.

Monsieur … introduisit en date du 20 juin 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu les 4 juillet et 14 juillet 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 23 septembre 2003, lui envoyée par courrier recommandé le 25 septembre 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n’invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de lui rendre sa vie intolérable dans son pays.

Le 14 novembre 2003, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 23 septembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir qu’il est de religion catholique, qu’il appartient à l’ethnie « Youluba » et que sa langue maternelle est le youluba. Il explique qu’il aurait vécu à Porto-Novo au Bénin et que sa mère et sa tante auraient disparu d’une mort mystérieuse. Suite à cet événement un féticheur lui aurait conseillé de quitter le pays pour ne pas subir le même sort que sa tante et sa mère. Il fait valoir qu’il se serait alors enfui en Côte d’Ivoire, laquelle il aurait dû quitter lors d’un complot d’Etat qui aurait causé la mort de beaucoup de personnes et à la suite duquel les étrangers seraient devenus indésirables en Côte d’Ivoire. Il continu qu’après son départ de la Côte d’Ivoire il se serait alors enfui au Luxembourg. Il explique qu’il serait convaincu que sa mère et sa tante auraient été la cible d’une sorcellerie vicieuse, étant donné qu’il est communément admis qu’au Bénin 80 % de la population serait adepte du vaudou, lequel continu à occuper une trace primordiale dans les esprits béninois. Il continue que les féticheurs, pratiquant tant le bon vaudou que le mauvais vaudou, seraient les personnalités les plus importantes au Bénin. Il estime qu’au vu de ses croyances il serait persuadé de mourir s’il ne suivait pas scrupuleusement le conseil du sage féticheur et qu’il ne mettrait pas en cause les paroles de ce dernier. Il ajoute qu’il ne pourrait pas non plus recourir aux autorités publiques béninoises pour se voir protéger car non seulement le pouvoir serait aussi voué au vaudou, mais surtout qu’aucune force « terrestre » ne pourrait s’opposer au mauvais sort d’origine surnaturelle.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il appert à l’examen du compte rendu de son audition que le demandeur, à supposer son récit véridique, a en substance exprimé des craintes purement hypothétiques face à des pratiques de sorcellerie, sans apporter le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève et sans préciser en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait, avec raison, craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécution au sens de la Convention de Genève.

Dans ce contexte, il convient de relever que le demandeur a lui-même déclaré lors de son audition que la mort de son père remonte à 7 ans au moins et que la mort de la tante qui devait s’occuper de lui remonte à deux ans. En plus il indique qu’il a quitté le Bénin parce qu’il ne pouvait plus subvenir à ses besoins et qu’il n’a pu retourner au Bénin parce qu’il n’a plus personne pour l’aider. A la question « pour quelle raison demandez-vous l’asile ? », il répond : « Je veux demander un asile humanitaire. C’est tout parce que je pouvais plus supporter. Je n’ai plus de sous ni rien, il faut que je mange ».

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 3


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17172
Date de la décision : 31/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-31;17172 ?

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