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31/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17144

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2004, 17144


Tribunal administratif N° 17144 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17144 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né … (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement

à … , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justi...

Tribunal administratif N° 17144 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 novembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17144 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2003 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né … (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à … , tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 février 2004 par Maître François MOYSE pour compte de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mars 2004.

Le 25 juin 2003, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 10 juillet 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 23 septembre 2003, envoyée par courrier recommandé le 25 septembre 2003, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande était refusée comme non fondée au motif qu’il ne ferait pas état d’une crainte raisonnable de persécution pour des motifs tenant à sa race, à ses opinions politiques, à sa religion, à sa nationalité ou à son appartenance à un groupe social.

Le 10 novembre 2003, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 23 septembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation, ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir qu’il serait de religion musulmane, qu’il appartiendrait à l’ethnie appelée « Yoruba » et que sa langue maternelle serait le Yoruba et le Dendi. Il continu que depuis sa naissance et jusqu’avant son départ il aurait vécu à Porto Novo au Bénin et que ses deux sœurs auraient trouvé la mort à cause d’une maladie mystérieuse. Il explique qu’il serait convaincu que la mort de ses sœurs aurait été provoquée par de la magie noire utilisée par sa tante qui serait sorcière et qui serait jalouse des membres de sa famille. Il soutient qu’après ses études il serait tombé sérieusement malade, maladie également causée par la sorcellerie exercée par sa tante et que ce serait uniquement grâce à l’aide d’un féticheur qu’il serait parvenu à s’en sortir vivant et que par conséquent il aurait décidé de quitter son pays d’origine, suite aux conseils de son père. Il fait valoir que sa crainte ne serait pas purement hypothétique, étant donné que la sorcellerie aurait déjà causé la mort de ses sœurs et d’autant plus qu’au Bénin 80 % de la population serait adepte du vaudou.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il appert à l’examen du compte rendu de son audition que le demandeur, à supposer son récit véridique, a en substance exprimé des craintes purement hypothétiques face à des pratiques de sorcellerie sans apporter le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève et sans préciser en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève. Dans ce contexte, il convient de relever que le demandeur a lui-même déclaré lors de son audition que c’est sur le conseil de ses tantes et de son père qu’il a quitté le Bénin et que lui-même ne comprenait rien à sa situation. La crainte de sorcellerie dont le demandeur fait état ne saurait être considérée comme une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 3


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17144
Date de la décision : 31/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-31;17144 ?

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