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31/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16966

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2004, 16966


Tribunal administratif N° 16966 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 septembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16966 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2003 par Maître Jean-Louis SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant

son siège social à L- … , tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de l’Environneme...

Tribunal administratif N° 16966 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 septembre 2003 Audience publique du 31 mars 2004 Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16966 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2003 par Maître Jean-Louis SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L- … , tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de l’Environnement référencé sous les numéros 1/00/0189 et 1/99/3021 datant du 4 août 2003, portant autorisation dans son chef d’exploiter et de procéder à l’extension d’une usine de fabrication de vernis à ongle, de solutions colorantes et de préparations pharmaceutiques sous le respect des conditions d’exploitation y plus amplement énoncées ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2004 par Maître Jean-Louis SCHILTZ pour compte de la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Anne FERRY, en remplacement de Maître Jean-Louis SCHILTZ, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2004.

La société anonyme … S.A., exploitant depuis 1985 … une usine de fabrication de vernis à ongle, déposa en date du 11 août 1999 une demande d’autorisation auprès du ministre de l’Environnement pour l’extension de ses locaux administratifs. Cette demande fut complétée en date du 10 octobre 1999. Elle s’adressa au même ministre en date du 16 mai 2000 pour solliciter l’autorisation d’exploiter son usine et de procéder à son extension, cette deuxième demande ayant été complétée en date du 11 mai 2001.

Par arrêté référencé sous les numéros 1/00/0189 et 1/99/3021 du 4 août 2003, le ministre de l’Environnement accorda à la société anonyme … S.A. l’autorisation sollicitée sous réserve d’une série de conditions d’exploitation plus amplement énoncées dans le corps même dudit arrêté ministériel.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2003, la société anonyme … S.A. a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation dudit arrêté ministériel du 4 août 2003, en faisant valoir que l’autorisation visée serait lacunaire et fixerait des conditions d’exploitation entachées de nullité, exorbitantes, illégales et non fondées aussi bien en fait qu’en droit.

Le tribunal étant compétent, au vœu des dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, le recours en réformation, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et dans le délai de quarante jours prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la société demanderesse fait valoir que toute une série de conditions et de contraintes lui imposées par l’arrêté ministériel litigieux ne seraient ni motivées, ni justifiées en fait et en droit et demande au tribunal de procéder à la réformation dudit arrêt ministériel sur les points par elle visés en la déchargeant purement et simplement des contraintes en question.

Le délégué du Gouvernement, avant de prendre position en détail par rapport aux conditions critiquées par la demanderesse, fait valoir au titre d’observations générales que le ministre s’est référé, en ce qui concerne les valeurs limites, aux meilleures techniques disponibles en application de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999 précitée, en précisant que dans le présent contexte, les meilleures techniques disponibles se réfèrent aux émissions réelles telles qu’elles résultent des études contenues dans le dossier de demande et qu’elles ne sont pas déterminées par les valeurs limites définies par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 portant - application de la directive 1999/13/CE du Conseil du 11 mars 1999 relative à la réduction des émissions de composés organiques volatiles dues à l’utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations ;

- modification du règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés.

Il fait valoir à cet égard qu’en application du principe de la meilleure technique disponible, les modalités d’une autorisation du type de celle litigieuse devraient être définies de cas en cas et que les exigences prévues par la loi ne présenteraient qu’un caractère « minima », de sorte que les seuils y cités seraient à considérer comme assurant la protection minimale de l’environnement.

Concernant ensuite la motivation de l’arrêté ministériel litigieux, le représentant étatique fait observer que la législation relative à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes n’imposerait pas la motivation d’une décision d’autorisation, tout en relevant, d’une part, que la motivation scientifique et juridique, dans un arrêté d’autorisation, des conditions d’exploitation fixées dans le cadre de la législation sur les établissements classés relèverait de l’impossible et que, d’autre part, le renvoi au dossier de demande rendrait souvent superflue la motivation.

Le délégué du Gouvernement relève encore que le régime des établissements classés aurait pour but de concilier trois ordres de préoccupations, en l’occurrence le respect de la liberté économique, la sauvegarde de l’ordre public (sécurité, salubrité et commodité) et la défense de l’environnement, pour soutenir qu’en fixant dans son autorisation de nombreuses conditions d’exploitation contraignantes strictement définies et circonstanciées, le ministre n’aurait fait qu’assurer le respect et la sauvegarde des intérêts protégés par la législation en la matière.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse fait valoir qu’il aurait appartenu au ministre de s’en tenir aux valeurs limites définies par le règlement grand-

ducal du 4 juin 2001 précité et que par le fait de lui avoir imposé des mesures de loin plus contraignantes que celles prévues par ledit règlement grand-ducal, le ministre aurait méconnu la portée d’une norme pourtant hiérarchiquement supérieure à un arrêté ministériel.

La société demanderesse poursuit son raisonnement en faisant valoir que les seuils fixés par la voie du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 ne seraient pas à considérer comme des seuils minima, étant donné que la directive 99/13/CE indique dans son considérant (14) que les limites des émissions des composés organiques sont basées sur le principe de la meilleure technologie disponible et que, suivant l’avis de la Chambre de Commerce du 7 septembre 2000 relatif au projet de règlement grand-ducal en question, « les autorités compétentes devront donc à l’avenir se baser, lors de l’octroi d’une autorisation d’exploitation au titre de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, sur les limites d’émission indiquées dans le projet de règlement grand-ducal sous rubrique, étant donné que celui-ci reflète la « meilleure technologie disponible » ».

La société demanderesse maintient pour le surplus ses développements quant à l’existence d’une obligation de motivation à charge de l’autorité publique en la matière et critique la technique du renvoi retenue en partie par le ministre, en faisant valoir qu’elle rendrait inintelligibles les décisions qui devraient en principe et à travers leur contenu permettre, d’une part, leur contrôle de légalité et, d’autre part, rendre possible de façon efficace leur application.

Elle maintient pour le surplus sa demande à voir annuler les différents points par elle critiqués de l’arrêté ministériel litigieux pour absence de motivation.

A titre subsidiaire, la demanderesse sollicite la nomination d’un expert avec la mission de concilier les parties si faire se peut, sinon, dans un rapport écrit, détaillé et motivé :

- « se prononcer sur la question de savoir si les mesures, moyens, dispositifs et autres mis en œuvre au sein des locaux de la société requérante sont suffisants pour assurer le respect des dispositions du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 et en général dire si les mesures, moyens, dispositifs, et autres mis en place par la société requérante au niveau de la protection de l’air, au niveau de la protection du sol et du sous-sol, suffisent à garantir la protection de la sécurité, la salubrité et la commodité du public, du voisinage et du personnel ;

- dans la négative, se prononcer sur la nature et le coût des travaux et équipements rendus obligatoires par l’arrêté ministériel du 4 août 2003 ;

- se prononcer sur les avantages éventuellement générés par ses installations par rapport à la situation actuelle de la société ;

- dire si les avantages éventuels se trouvent dans un rapport raisonnable avec les coûts des installations rendus obligatoires (…) » Dans son mémoire en duplique, le représentant étatique fait valoir qu’il relèverait de la nature du pouvoir de police spécial détenu par les autorités compétentes en matière de la législation sur les établissements classés de pouvoir, si des circonstances objectives le justifient, imposer des conditions d’exploitation plus contraignantes que celles prévues par une législation spécifique, que ce pouvoir de police existerait même en l’absence d’une réglementation et que le ministre pourrait assortir les autorisations d’une manière générale des conditions nécessaires à la sauvegarde de l’environnement naturel et humain.

Quant au défaut de motivation, il relève que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes énumère les cas dans lesquels une décision administrative doit formellement être motivée, mais ne mentionneraient pas à ce titre les décisions administratives d’autorisation, tout en faisant valoir qu’il irait par ailleurs de soi qu’une autorisation « commodo/incommodo » ne saurait être accordée « proprio motu », étant entendu que toute décision prise sur base de la législation sur les établissements classés serait nécessairement précédée de la procédure prévue par cette législation, faute de quoi elle serait évidemment illégale.

Concernant ensuite la procédure du renvoi au dossier de demande, le représentant étatique conclut à son caractère courant et souvent indispensable et soutient qu’en l’espèce les critères et conditions que le ministre a entendu fixer et attacher à son autorisation seraient clairement identifiables et intelligibles pour toute personne intéressée.

Quant à la nomination d’un expert sollicitée à titre subsidiaire par la société demanderesse, le délégué du Gouvernement estime qu’il n’appartiendrait pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur en nommant un expert en aval de la procédure contentieuse pour lui conférer la mission qu’aurait dû accomplir le demandeur lors de la procédure contentieuse, étant donné que ceci porterait atteinte aux principes fondamentaux applicables en matière de preuve dans le contentieux administratif, ainsi qu’aux droits de la défense et à l’égalité des armes.

Avant de procéder à l’examen détaillé des moyens de la demanderesse relatifs aux conditions d’exploitation concrètement critiquées, il y a lieu de toiser d’abord les questions d’ordre général soulevées en cause ayant trait, d’une part, à la portée du règlement grand-ducal du 4 juin 2001, ainsi que, d’autre part, à l’obligation de motivation d’une décision d’autorisation en la matière.

1. Quant à la portée du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 En l’espèce, les parties au litige sont en accord pour admettre que l’usine litigieuse, de par sa nature, tombe sous le champ d’application du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 précité. Il se dégage encore des éléments non contestés en cause que l’autorisation ministérielle sous examen porte sur une modification substantielle de l’installation existante, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 5, paragraphe 3 dudit règlement, l’installation litigieuse est à traiter comme une nouvelle installation, devant être conforme, d’après les dispositions de l’article 4 du même règlement grand-ducal, à ses articles 6, 8 et 9.

A travers le règlement grand-ducal du 4 juin 2001, le pouvoir exécutif a apporté des précisions au pouvoir général du ministre ayant dans ses attributions l’environnement découlant de l’article 13, paragraphe 3 de la loi du 10 juin 1999 précitée, pour déterminer les conditions d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, telle que la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la prévention et la gestion des déchets, pour autant que des installations tombant sous le champ d’application dudit règlement grand-ducal du 4 juin 2001 sont concernées, en ce sens que dans le cadre de l’établissement des conditions d’aménagement et d’exploitation ayant « pour objet de prévenir ou réduire les effets directs et indirects des émissions de composés organiques volatils dans l’environnement, principalement dans l’air, ainsi que les risques potentiels pour la santé publique, par des mesures et des procédures à mettre en œuvre dans les activités industrielles définies à l’annexe I dans la mesure où elles se situent au-dessus des seuils indiqués à l’annexe II A (du règlement grand-ducal du 4 juin 2001) », le ministre est tenu de respecter les prescriptions spécifiques de caractère réglementaire fixées par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 précité.

Il se dégage des considérations qui précèdent que si les valeurs limites définies par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 précité constituent certes, tel que présenté par le délégué du Gouvernement, des seuils minima, il n’en demeure cependant pas moins qu’elles revêtent, à partir de leur nature réglementaire, un caractère obligatoire à ce titre, de sorte qu’en l’absence de disposition habilitant le ministre compétent à déterminer des valeurs limites plus contraignantes, celui-ci est lié, au même titre que les particuliers, par ces valeurs limites définies par voie de règlement grand-ducal.

Le délégué du Gouvernement étant en l’espèce en aveu, à travers les précisions apportées en cours d’instance contentieuse, que les valeurs limites imposées à la société demanderesse n’ont pas été déterminées par application du règlement grand-ducal du 4 juin 2001, mais que le ministre s’est référé aux émission réelles telles qu’elles résultaient des études contenues dans le dossier de demande, il y a d’ores et déjà lieu de retenir, sur base de l’ensemble des considérations qui précèdent, que l’arrêté ministériel déféré est contraire à la loi pour autant qu’il impose à la société demanderesse des valeurs limites qui sont plus contraignantes que celles prévues par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001.

2. Quant à l’obligation de motivation Concernant ensuite le principe même de la motivation de l’arrêté ministériel litigieux, il y a lieu de relever que s’agissant non pas d’une décision refusant purement et simplement de faire droit à la demande de la société demanderesse, mais d’une décision d’autorisation en matière d’établissements classés fixant, tel que cela est prévu par la loi, un certain nombre de conditions d’aménagement et d’exploitation, l’obligation expresse de motivation telle que prescrite par l’article 6, deuxième alinéa, du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 précité ne saurait être utilement retenue en l’espèce.

Il n’en demeure cependant pas moins que l’arrêté ministériel litigieux, à l’instar de toute autre décision administrative, doit reposer sur des motifs légaux, ceci conformément aux dispositions de l’alinéa 1er dudit article 6, même si elle ne doit pas formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base. L’existence et la validité des motifs étant en effet des conditions essentielles de la légalité d’un acte administratif, il appartient en tout état de cause au tribunal de vérifier, au-delà de la question de la présentation de la motivation relevant de la légalité externe de l’arrêté ministériel déféré, aussi bien l’existence que le bien-fondé des motifs avancés à l’appui de l’arrêté ministériel litigieux, entrevu plus particulièrement à partir des conditions d’aménagement et d’exploitation imposées.

Il s’y ajoute que dans la présente matière, en raison notamment de l’absence d’obligation de motivation formelle des décisions, le demandeur ne saurait se voir imposer l’obligation de la preuve formelle de l’inexactitude des faits retenus à la base de la décision litigieuse, cette preuve étant souvent difficile à fournir en raison notamment du caractère peu transparent, voire absent de la motivation indiquée, de sorte que le tribunal, lorsque les allégations du demandeur paraissent justifiées par l’examen du dossier, peut le cas échéant avoir recours à son pouvoir d’instruction et ordonner à l’administration de compléter le dossier.

En l’espèce, les pouvoirs du ministre en la matière concernée sont liés d’abord par rapport au cadre général posé par les dispositions de l’article 13, paragraphe 1 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés en ce que les conditions d’aménagement et d’exploitation doivent être « nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la (même) loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles, dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs » et ensuite, de manière plus spécifique, par rapport au cadre réglementaire concernant directement l’installation litigieuse, en l’occurrence le règlement grand-ducal du 4 juin 2001.

Face à une contestation suffisamment précise et circonstanciée formulée par rapport à une condition d’exploitation déterminée, il appartient en effet à l’administration, sur la toile de fond des considérations qui précèdent, de fournir au plus tard en phase contentieuse à la fois la base légale et les éléments de fait qui l’ont déterminée à fixer, dans le cadre de la délivrance d’une autorisation pour un établissement classé, la condition d’exploitation critiquée.

3. Quant aux différentes conditions d’exploitation fixées par l’autorisation a) La demanderesse signale d’abord que l’arrêté ministériel entrepris reprend aux pages 6, 7, 8 et 9 l’ensemble des éléments d’équipement qu’elle autorise et qui sont repris, y compris tous les éléments de sa demande, à l’exception de trois éléments, en l’occurrence dans le hall A : 10 cuves de stockage de 500 litres et 2 cuves de stockage de 1000 litres, ainsi que dans le hall B : 1 broyeur à billes de 20 litres. En l’absence de tout motif tangible permettant de justifier la non-reprise de ces trois éléments, elle conclut à la réformation de l’arrêté ministériel déféré par l’inclusion de ces éléments dans l’autorisation litigieuse.

Le délégué du Gouvernement rétorque à ce sujet qu’il s’agirait seulement d’une omission apparente, étant donné que le tableau invoqué par la société demanderesse, énumérant aux pages 7 à 10 de l’autorisation litigieuse les éléments autorisés, serait destiné à fournir au lecteur une vue d’ensemble des différents éléments autorisés faisant partie intégrante de l’établissement, mais que l’omission, dans ce tableau, d’un élément ne signifierait pas pour autant que cet élément n’est pas autorisé et devrait dès lors rester sans incidence sur la régularité de l’arrêté déféré. A l’appui de cette argumentation il relève que l’arrêté ministériel précise à sa page 11, sous la condition 2, 1., que l’établissement doit être aménagé et exploité conformément à la demande du 16 mai 2000, complétée en date du 11 mai 2001, et à la demande du 10 octobre 1999, complétée en date du 10 octobre 1999, sauf en ce qu’elle aurait de contraire aux dispositions de l’arrêté d’autorisation et qu’ainsi, les dossiers de demande feraient partie intégrante dudit arrêté.

Le représentant étatique en déduit que les 10 cuves de stockage de 500 litres et 2 cuves de stockage de 1000 litres, soit un total de 7000 litres pour le hall A, et le broyeur à billes pour le hall B seraient effectivement autorisés.

Tel que relevé à juste titre par la société demanderesse dans son mémoire en réplique, le point litigieux sous examen est de nature à illustrer les problèmes qui peuvent se poser par l’application de la technique du renvoi au dossier de demande, étant donné que le libellé de l’arrêté ministériel litigieux n’est pas suffisamment précis pour sous-

tendre utilement la conclusion proposée par le délégué du Gouvernement. En effet, le tableau dressé aux pages 6 à 9 de l’autorisation litigieuse intitulé « Désignation de l’activité, volume/capacité de l’équipement/l’installation » est introduit suivant le point 2.

de la partie I relative aux éléments autorisés, comme étant la liste « des éléments autorisés », sans qu’une quelconque autre disposition de l’arrêté litigieux permette de conclure sans ambiguïté au caractère simplement illustratif de cette liste laquelle paraît, au contraire, comme étant présentée de manière exhaustive.

Le tribunal statuant en tant que juge du fond en la matière, il y a dès lors lieu, au vu de la prise de position non équivoque au fond du délégué du Gouvernement à cet égard, de retenir, par réformation de l’arrêté ministériel litigieux, que parmi les éléments autorisés sont à énoncer expressément 10 cuves de stockage de 500 litres et 2 cuves de stockage de 1000 litres, soit un total de 7000 litres dans le hall A et un broyeur à billes de 20 litres dans le hall B.

b) La partie demanderesse porte ensuite ses critiques sur la page 11, points 6, 7, 8 et 9, sub « concernant l’interprétation des valeurs limites imposées » de l’arrêté ministériel litigieux et reproche au ministre de lui avoir imposé un calcul des rejets de polluants en moyennes semi-horaires (points 6 et 7), ainsi que, par l’effet des points 7, 8 et 9, des mesures en continu des émissions et de la concentration en carbone organique en amont et en aval des installations de filtration, alors que ni l’exigence d’un tel calcul des moyennes semi-horaires, ni encore celle d’un tel contrôle continu ne seraient prévus par la loi.

Elle se réfère plus particulièrement à cet égard à l’article 8 du règlement grand-

ducal du 4 juin 2001 relatif à la périodicité de la surveillance et du contrôle que l’exploitant doit assurer, pour soutenir que les émissions par elle produites seraient tellement réduites qu’aucun équipement de réduction en fin de cycle ne serait nécessaire pour respecter les seuils fixés par ledit règlement, de sorte qu’en application de son article 8, paragraphe 4, un contrôle en continu ou périodique ne serait pas nécessaire.

Le délégué du Gouvernement rencontre ce moyen en faisant valoir que contrairement à l’argumentation de la partie demanderesse, la condition sub. 7. définirait simplement à partir de quelle valeur la valeur limite est dépassée, respectivement respectée et que les conditions sub 7. et 8. n’imposeraient pas des mesures en continu.

Quant au mesurage des émissions en amont et en aval des installations de filtration, il soutient qu’il permettrait de mieux gérer et contrôler les émissions diffuses et résiduaires de l’établissement et l’efficacité des installations de filtration.

Les points 6) et 7) concernant l’interprétation des valeurs limites imposées sont libellés comme suit :

« 6) Les valeurs calculées des rejets de polluants sont déterminées en moyennes semi-horaires.

7) Lors des mesures qui accompagnent le contrôle de réception et lors des mesures ultérieures, la limitation des émissions est considérée comme respectée si aucune des moyennes déterminées au sens du point précité, ne dépasse la valeur limite ».

Il y a lieu de constater que les points ainsi énoncés fournissent des explications quant à l’interprétation des valeurs limites par ailleurs imposées, sous réserve de ce qui a été retenu par voie de réformation ci-avant, sans pour autant imposer à la société demanderesse un calcul régulier des rejets de polluants en moyennes semi-horaires. En effet, le point 6) précise que le respect des valeurs limites imposées s’entend non pas en continu, mais que celles-ci concernant les rejets de polluants doivent être respectées au niveau des moyennes semi-horaires, sans pour autant imposer à la société destinatrice de procéder elle-même au calcul des rejets de polluants en moyennes semi-horaires. Quant aux précisions apportées par le point 7), elles ont trait à l’exercice concret du contrôle de réception et des mesures ultérieures, sans pour autant imposer à la société demanderesse des mesurages en continu, la même conclusion s’imposant relativement au point 8) qui ne fait qu’énoncer l’hypothèse de mesures en continu des émissions sans pour autant en faire obligation à la société demanderesse, ledit point n’apportant en effet que des précisions quant à la méthode retenue le cas échéant pour vérifier le respect des valeurs limites imposées.

Si le moyen de la société demanderesse en rapport avec les points 6, 7 et 8 ne saurait être utilement retenu faute de se trouver vérifié par rapport au libellé ci-avant examiné, il n’en va pas de même concernant le point 9) qui impose à la société demanderesse de mesurer et d’enregistrer en continu la concentration en carbone organique en amont et en aval des installations de filtration.

Conformément aux dispositions de l’article 8, paragraphe 2 du règlement grand-

ducal du 4 juin 2001 relatives à la surveillance des installations visées, seule « la conformité des canaux auxquels un équipement de réduction a été raccordé et qui, au point final de rejet, émettent plus de 10 kg/h de carbone organique total doit être vérifiée en permanence », le même article 8 spécifiant sous son paragraphe 4 que « les mesures (continues ou périodiques) ne sont pas requises, dans le cas où un équipement de réduction en fin de cycle n’est pas nécessaire pour respecter le présent règlement. » Face à l’affirmation non utilement contestée en cause par le délégué du Gouvernement que les émissions produites par la société demanderesse sont tellement réduites qu’un équipement de réduction en fin de cycle n’est pas nécessaire pour respecter le règlement grand-ducal du 4 juin 2001, la simple considération que l’enregistrement et le mesurage en continu de la concentration en carbone organique en amont et en aval des installations de filtration permettra de mieux gérer et contrôler les émissions diffuses et résiduaires de l’établissement et l’efficacité des installations de filtration, est insuffisante pour justifier en l’espèce la fixation de conditions d’exploitation plus strictes que celles prévues par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 précité.

En effet, à défaut pour l’Etat d’établir, voire d’alléguer soit que contrairement à ce qui est soutenu par la société demanderesse, celle-ci rentre dans les prévisions de l’article 8, paragraphe 2 dudit règlement grand-ducal du 4 juin 2001, soit que l’installation litigieuse, entrevue à partir de l’angle spécifique de la mesure de surveillance concernée, excède le cadre réglementaire arrêté par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 précité et appellerait dès lors la fixation de conditions d’exploitation de la part du ministre au-

delà des prévisions dudit règlement grand-ducal sur base de son pouvoir général en la matière découlant de la loi du 10 juin 1999 précitée, le tribunal est amené à constater que la condition d’exploitation libellée sub 9. à la page 11 de l’autorisation litigieuse imposant à la société demanderesse de mesurer et d’enregistrer en continu la concentration en carbone organique en amont et en aval des installations de filtration n’est point justifiée à suffisance de droit et de fait.

Cette condition est par voie de conséquence à omettre, par voie de réformation, de l’arrêté litigieux.

c) La société demanderesse poursuit son recours en critiquant les conditions prescrites aux points 16 et 17 à la page 12 de l’arrêté ministériel litigieux concernant l’obligation de mettre en place une installation permettant le maintien en sous-pression atmosphérique des ateliers, halls, etc., en faisant valoir que cette condition ne serait justifiée ni en fait, ni en droit et que l’arrêté ministériel litigieux ne comporterait pas de motifs pouvant justifier une telle condition. Elle relève en outre qu’une telle installation s’avérerait techniquement très difficilement réalisable dans une usine qui existe et fonctionne déjà depuis de nombreuses années, très coûteuse et surtout non nécessaire, étant donné que les mesurages effectués chaque année démontreraient que les valeurs d’émission diffuses seraient très largement en-dessous des seuils fixés par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 précité.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’il serait permis de s’interroger sur la nécessité d’attaquer l’arrêté ministériel litigieux sur ce point dans la mesure où l’exploitant serait convaincu que l’évacuation des gaz de ses halls serait conforme. Il se réfère pour le surplus à ses observations exposées d’une manière générale au sujet de l’obligation de motivation en la matière et de manière plus spécifique au sujet des points 6. à 9. de l’arrêté ministériel litigieux ci-avant examinés.

Le point 16 ainsi critiqué, en retenant qu’« en particulier, afin d’éviter une évacuation incontrôlée des effluents gazeux dans l’atmosphère, le rapport entre les débits d’air aspirés et rejetés doit être réglé de façon à ce qu’une sous-pression atmosphérique stable se répartisse dans l’atelier, le hall, etc.. », impose, de l’entendement du tribunal, à l’exploitant la mise en place d’un mécanisme permettant de maintenir en permanence en sous-pression atmosphérique stable l’atelier, le hall, etc., ceci indépendamment de toutes considérations relatives au respect ou non des seuils fixés pour les valeurs d’émission diffuses, de sorte que les interrogations avancées en cause par le délégué du Gouvernement sur la nécessité d’attaquer l’arrêté litigieux sur ce point sont injustifiées au regard notamment des explications fournies en cause par la société demanderesse relatives au caractère coûteux et difficilement réalisable d’une telle installation.

Concernant le motif retenu par le ministre pour justifier l’exigence sous revue, il y a lieu de constater que si l’arrêté ministériel litigieux comporte certes un début de motivation pour situer la toile de fond juridique à sa base, en ce que le ministre énonce que c’est « afin d’éviter une évacuation incontrôlée des effluents gazeux dans l’atmosphère », celle-ci n’a pas pour autant été utilement explicitée au stade actuel de l’instruction du dossier pour permettre au tribunal de toiser le moyen de la société demanderesse relatif notamment au coût excessif de l’installation requise par rapport au but poursuivi.

A part la référence générale à la base légale applicable, en l’occurrence l’article 13, paragraphe 1 de la loi du 10 juin 1999 précitée, permettant de déduire que l’installation sous examen, de l’avis du ministre, est nécessaire pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de cette même loi et qu’elle tient compte des meilleures techniques disponibles dont l’applicabilité et la disponibilité n’entraînent pas de coûts excessifs, le tribunal ne dispose pas d’éléments tangibles, sous forme notamment d’informations d’ordre technique ou de références à des normes spécifiques applicables en la matière, permettant de vérifier la justification de l’exigence concrètement imposée à la société demanderesse par rapport aux conditions légales applicables.

Au vu de l’insuffisance des seuls mémoires échangés pour lui permettre de vérifier utilement l’exactitude matérielle des faits ayant motivé la condition litigieuse sous examen, le tribunal, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire, est amené à surseoir à statuer relativement au point litigieux et à ordonner à la partie défenderesse de compléter le dossier par les considérations et, le cas échéant, les documents retenus à leur base, au vu desquels elle a pris la décision litigieuse dans son volet sous examen.

d) La partie demanderesse poursuit son recours en critiquant « les exigences quant aux ouvrages d’évacuation » renseignées à la page 12 sous les points 18, 19, 20 et 21 de l’arrêté ministériel litigieux en rappelant d’abord qu’elle est établie depuis 1985 dans la zone industrielle Scheleck et qu’il ne s’agirait dès lors pas d’une installation nouvelle à concevoir ou à construire, tout en signalant qu’elle produit sur le site en question depuis de nombreuses années déjà, qu’elle a obtenu les autorisations d’exploitation antérieurement et que la conception de l’immeuble concerné et partant de ses ouvrages d’évacuation aurait toujours été considérée comme étant adéquate, de même qu’elle aurait toujours respecté les seuils fixés pour ses effluents.

La société demanderesse critique l’arrêté ministériel sous ce volet en reprochant au ministre de ne pas avoir autrement motivé les contraintes qu’il impose, alors que rien n’indiquerait en quoi sa situation actuelle et les moyens d’évacuation dont elle dispose seraient insuffisants.

Le délégué du Gouvernement rétorque que les autorisations d’exploitation antérieures ont été valables respectivement jusqu’en 1992 et 1998 et relève que les arrêtés en matière d’autorisations d’exploitation sont toujours émis sur base des meilleures techniques disponibles au moment de leur délivrance, tout en relevant qu’il ne serait pas interdit à l’exploitant de réaliser des efforts en vue de mieux protéger l’environnement, si possible, dans la période après la délivrance d’une autorisation sur base des connaissances les plus récentes des meilleures techniques disponibles.

Si dans la présente matière le demandeur ne saurait certes pas se voir imposer la charge d’une preuve formelle des allégations par lui avancées, il reste néanmoins tenu de formuler ses critiques de manière suffisamment précise pour permettre au tribunal de déterminer la portée concrète du grief invoqué.

A cet égard les considérations d’ordre général relatives à des autorisations antérieurement délivrées ne sont point concluantes, étant donné qu’en la présente matière, il appartient au ministre de délivrer l’autorisation d’exploitation requise au regard des exigences qui sont de mise en la matière au moment où il statue, étant entendu que les exigences techniques sont par essence évolutives dans le temps en fonction du progrès des recherches en la matière et de l’évolution des exigences générales en matière de protection de l’environnement.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen sous examen laisse d’être fondé pour défaut de précision suffisante.

e) Le moyen suivant de la société demanderesse a trait à l’exigence de l’installation d’une station de contrôle central devant permettre de surveiller en permanence le système d’alimentation et de transformation d’énergie inscrite à la page 13, sous les points 22 et 23 de l’arrêté ministériel litigieux. Elle fait valoir que la mise en place de tels appareils serait très coûteuse et que par ailleurs sa consommation d’énergie, en comparaison avec d’autres sociétés, serait très faible pour conclure au caractère totalement disproportionné d’une station de contrôle central par rapport aux avantages qu’une telle installation pourrait le cas échéant apporter. Elle signale en outre qu’elle dispose de moyens de comptage individuels sur ses installations à forte consommation d’énergie, lesquels permettraient un contrôle adéquat de cette consommation.

Le délégué du Gouvernement prend position par rapport à ce moyen en faisant valoir qu’une faible consommation d’énergie par rapport à d’autres sociétés ne dispenserait pas l’exploitant de contrôler et de réduire si possible sa propre consommation d’énergie.

Les points litigieux renseignés à la page 13 de l’autorisation et concernant les conditions en général concernant la production, la transformation et le transport d’énergie sont libellés comme suit :

« 22) l’exploitant doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour limiter dans le cadre de l’exploitation de l’établissement la consommation d’énergie (électricité, chaleur, vapeur, froid) à un minimum. A cet effet, les divers systèmes destinés à la production et à la transformation d’énergie doivent être dimensionnés, réglés et exploités de manière à satisfaire aux critères d’une utilisation rationnelle de l’énergie.

23) le bon fonctionnement du (ou des) système(s) d’alimentation et de transformation d’énergie doit être garanti en permanence. A cette fin le (ou les) système(s) doi(ven)t être raccordé(s) à une station de contrôle central appropriée permettant la surveillance, le réglage ainsi que la visualisation et l’enregistrement des paramètres nécessaires pour la détermination des critères d’une utilisation rationnelle d’énergie.

L’exploitant doit prendre les dispositions nécessaires afin de pouvoir démontrer à tout moment le respect de cette condition. A cette fin et sans préjudice des conditions arrêtées dans le chapitre « réception et contrôle de l’établissement », l’exploitant doit tenir à la disposition des autorités compétentes les éléments spécifiques à ce sujet (p.ex.

des enregistrements graphiques et/ou électroniques présentés sous forme intelligible). » Il y a lieu de relever que les critiques avancées en cause, bien qu’indiquées comme ayant trait aux points 22 et 23 ci-avant cités, se rapportent en substance à l’exigence libellée plus particulièrement sous le point 23 relatif au raccordement obligatoire du ou des systèmes d’alimentation et de transformation d’énergie à une station de contrôle central appropriée permettant la surveillance, le réglage, ainsi que la visualisation et l’enregistrement des paramètres nécessaires pour la détermination des critères d’une utilisation rationnelle de l’énergie.

Face aux contestations concrètes avancées en cause relativement à la proportionnalité de cette exigence entrevue en fonction, d’une part, de son coût et, d’autre part, de la finalité recherchée, force est encore de constater que le dossier, au stade actuel de l’instruction, ne permet pas au tribunal de vérifier utilement l’exactitude matérielle des faits ayant motivé la condition litigieuse sous examen, de sorte que sur ce point le tribunal est encore amené à surseoire à statuer et à ordonner à la partie défenderesse de compléter le dossier par les considérations, ainsi que le cas échéant les documents pertinents à leur base, au vu desquels elle a pris la décision litigieuse dans son volet sous examen.

f) La partie demanderesse porte ensuite ses critiques à la page 16 de l’arrêté ministériel litigieux et plus particulièrement aux conditions énoncées sub 45, 46, 47 et 48 concernant les rejets de polluants de la fabrication en faisant valoir que les conditions imposées excéderaient les exigences du règlement grand-ducal du 4 juin 2001.

Elle se réfère plus particulièrement aux dispositions de l’article 6,1. dudit règlement grand-ducal pour faire valoir qu’il suffirait qu’une société respecte soit les valeurs limites dans les gaz résiduaires et les valeurs limites des émissions diffuses, soit les valeurs limites d’émission totale, tandis que l’arrêté ministériel entrepris lui imposerait le respect de ces 3 paramètres.

En ce qui concerne les seuils d’émission à respecter, elle estime qu’il y a lieu de se référer à la table contenue dans l’annexe IIA et que pour son activité spécifique il conviendrait de distinguer les deux possibilités prévues par le règlement, en l’occurrence soit le respect du seuil d’émission des gaz résiduaires fixé à 150 mg C/Nm3 et du seuil pour les émissions diffuses fixé à 3% de la quantité de solvant utilisée, soit le respect de la valeur limite d’émission totale fixée par le règlement à 3% du solvant utilisé pendant une année entière.

Elle estime que l’arrêté litigieux irait au-delà de ces exigences en ce qu’il impose cumulativement les trois valeurs à respecter ainsi que les seuils suivants :

-

pour les émissions diffuses : 0,4% de la quantité de solvant (au lieu de 3%) ;

-

pour les émissions totales : 0,5% de la quantité de solvant mis en œuvre (au lieu de 3%), -

pour les valeurs résiduaires dont les gaz de rejet 50 mgC/Nm3 (au lieu de 150 mgC/Nm3).

Concernant encore l’exigence d’un rendement d’épuration moyen des appareils de traitement de rejet supérieur à 95%, la société demanderesse fait valoir qu’un tel taux ne serait fixé par aucun texte légal et constituerait en tout état de cause un taux totalement utopique et exorbitant, de sorte que, eu égard notamment à la considération qu’elle aurait des valeurs d’émission totales de loin inférieures aux seuils autorisés, cette obligation supplémentaire des 95% devrait tout simplement être écartée.

Le délégué du Gouvernement rencontre ces critiques en se référant à ses développements ci-avant relatés tendant à dire qu’il relèverait de la nature du pouvoir de police spécial détenu par les autorités compétentes en matière de la législation sur les établissements classés de pouvoir, si les circonstances objectives le justifient, imposer des conditions d’exploitation plus contraignantes que celles prévues par une législation spécifique. Il signale pour le surplus que les valeurs limites imposées par l’arrêté litigieux seraient les valeurs actuellement respectées par l’exploitant, de sorte qu’aucun investissement supplémentaire ne serait nécessaire afin de garantir le respect de ces conditions. Concernant la condition énoncée sous le point 48, le représentant étatique signale que d’après le principe des meilleurs techniques disponibles, un tel rendement serait d’usage pour les installations de filtration au charbon actif.

A défaut d’autres justifications fournies en cause, il y a lieu de se référer à la conclusion ci-avant relatée sous le point 1. quant à la portée du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 en ce sens que les seuils minima y retenus revêtent un caractère obligatoire et qu’en l’absence de dispositions habilitant le ministre compétent à déterminer des valeurs limites plus contraignantes, celui-ci est lié, au même titre que les particuliers, par ces valeurs limites définies par voie de règlement grand-ducal.

Il y a partant lieu d’ordonner, par voie de réformation, au ministre compétent de mettre les conditions concernant les rejets de polluants de la fabrication énoncées à la page 16 de l’arrêté ministériel litigieux en conformité avec les seuils minima applicables fixés par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001.

Concernant l’exigence libellée sub 48) à la page 16 de l’arrêté ministériel litigieux relativement au rendement d’épuration moyen des appareils de traitement des rejets qui doit être supérieur à 95%, force est encore de constater qu’au-delà des considérations d’ordre général avancées en cause à ce sujet par le délégué du Gouvernement, le dossier administratif ne renseigne pas le moindre élément de fait, sous forme notamment d’informations d’ordre technique ou de référence à des normes spécifiques applicables en la matière, susceptible de justifier que les conditions légales sont respectées en fait par rapport à l’exigence sous examen, de sorte que le tribunal, ainsi confronté à une insuffisance des seuls mémoires échangés pour lui permettre de vérifier utilement l’exactitude matérielle des faits ayant motivé la condition litigieuse sous examen, est amené à surseoir à statuer y relativement et à ordonner à la partie défenderesse de compléter le dossier par les considérations au vu desquelles le ministre a imposé cette condition, ainsi que, le cas échéant, des documents à leur base.

g) La société demanderesse porte ensuite ses critiques sur l’exigence inscrite au point 49 à la page 16 de l’arrêté ministériel litigieux au sujet de l’entretien de l’installation de filtration libellée comme suit :

« L’entretien de l’installation de filtration doit être assuré de façon à ce qu’un traitement efficace des poussières et gaz nocifs soit garanti en permanence. Ainsi, l’exploitant doit justifier notamment du remplacement des filtres selon les exigences du constructeur et en fonction de l’utilisation. Les pièces justificatives doivent être tenues à disposition des agents de contrôle. » La société demanderesse, sans pour autant contester disposer d’une installation de filtration, fait valoir à cet égard qu’elle n’en nécessite aucune pour respecter les valeurs limites d’émission totale, de sorte que l’on ne saurait la forcer à respecter les prescriptions critiquées étant entendu qu’abstraction faite d’une installation de filtration elle sera largement en-dessous du seuil de 3% fixé par le règlement grand-ducal applicable.

Le délégué du Gouvernement rétorque à ce sujet que la condition énoncée au point 49 imposerait seulement à l’exploitant d’entretenir l’installation de filtration de manière à ce que son fonctionnement optimal soit garanti sans pour autant lui imposer le remplacement fréquent et la justification de ces remplacements.

Le propre d’une installation de filtration étant d’assurer un traitement efficace des éléments filtrés, la condition litigieuse ne saurait être qualifiée d’injustifiée en l’espèce, étant donné qu’elle tend en substance à imposer à l’exploitant de veiller au bon fonctionnement de cette installation, lequel s’entend nécessairement en permanence, sous peine d’admettre l’hypothèse d’un mauvais fonctionnement. Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé.

h) La société demanderesse critique ensuite l’arrêté ministériel litigieux en ses points 33 et 35 renseignés en sa page 22 concernant l’exigence de la mise en place d’un revêtement étanche, incombustible et inattaquable aux endroits où sont manipulés ou stockés des produits chimiques en faisant valoir qu’elle remplirait actuellement ces conditions sauf pour les parties extérieures (aire de chargement/déchargement) où elle aurait néanmoins pourvu à la disponibilité de moyens d’absorption en quantité suffisante pour réduire au maximum les conséquences néfastes d’un accident. Elle critique l’arrêté ministériel litigieux sous ce point en ce que le ministre n’a pas pris position par rapport aux mesures mises en place et tendant à son avis aux mêmes fins, de manière à rester en défaut de fournir une motivation suffisante par rapport aux investissements pourtant extrêmement coûteux exigés de sa part.

Concernant les conditions libellées sub 33 et 35 à la page 22 de l’autorisation litigieuse, le délégué du Gouvernement rétorque que des moyens d’absorption ne pourraient que compléter l’étanchéisation des surfaces où sont manipulés des produits chimiques et le ralliement d’un système de rétention à ces surfaces, mesure principale pour réduire au maximum les conséquences de l’écoulement de substances chimiques, de sorte qu’en aucun cas, la présence de moyens d’absorption ne pourrait être jugée suffisante afin de réduire à zéro les conséquences pour l’environnement d’un écoulement éventuel, ceci compte tenu notamment du facteur humain. Il signale pour le surplus que de telles conditions auraient déjà figuré dans les arrêtés d’exploitation antérieurs et n’auraient pas été contestées par l’exploitant.

La société demanderesse, dans son mémoire en réplique, signale qu’elle envisagerait d’aménager l’aire de chargement et de déchargement des solvants par camions citernes afin de permettre de réduire au maximum les conséquences néfastes en cas d’accident. Elle relève en outre concernant les aires de déchargement autres que celle par voie de camions citernes, et celles de circulation en général, que « le conditionnement en volumes réduits, la viscosité relativement importante des produits rendant leur écoulement, l’emploi de récipients fermés, agréés et certifiés pour le transport de matières dangereuses, les procédures d’arrimage et de mise en sécurité avant tout déplacement et la mise à disposition de produits d’absorption et la formation du personnel » permettrait de garantir l’absence de conséquences néfastes pour l’environnement. Eu égard à ces considérations elle maintient ses conclusions relativement au caractère non justifié et surtout non nécessaire de la condition d’exploitation sous examen afin d’assurer la finalité de la loi du 10 juin 1999, ceci compte tenu du coût engendré par de telles mesures, lequel ne serait pas en relation avec les avantages que l’on pourrait en espérer.

Les explications fournies en cause par le délégué du Gouvernement font ressortir une différence de principe entre des mesures d’étanchéisation des surfaces telles que prescrites par l’autorisation litigieuse et des mesures sous forme de la présence de moyens d’absorption préconisées par la société demanderesse.

Force est de constater que dans la mesure où les moyens préconisés par la société demanderesse, en ce qu’ils tendent dans leur résultat uniquement à réduire les conséquences d’un incident par voie d’absorption de produits déversés, diffèrent fondamentalement quant à leur finalité des mesures imposées par le ministre, lesquelles ont pour objet de rendre d’office impossible un éventuel risque de pénétration de produits dangereux à travers les surfaces concernées.

Eu égard à la différence de principe ainsi dégagée, le moyen sous examen n’est pas de nature à énerver le bien-fondé de la condition d’exploitation litigieuse.

i) Dans un même ordre d’idées la société demanderesse critique la condition libellée sub. 44 à la page 23 de l’arrêté ministériel litigieux concernant les acides contenus dans les batteries et accumulateurs en concluant ici encore à une insuffisance de motivation par rapport à la situation actuelle.

Force est de constater à cet égard que le moyen avancé en cause par la société demanderesse manque de la précision requise pour énerver utilement la régularité de l’arrêté ministériel litigieux sur ce point. En effet, la simple considération que la société demanderesse prévoit de son propre chef l’aménagement d’un local du type de celui prescrit dans le cadre d’un projet d’aménagement plus général, sans fournir d’autres précisions quant à la nature exacte du projet ainsi visé, est insuffisante pour justifier un examen de la légalité et du bien-fondé de la condition d’exploitation sous examen.

Il s’ensuit que le moyen afférent laisse d’être fondé.

j) La société demanderesse déploie encore la même argumentation relativement au point 9 de l’arrêté ministériel litigieux renseignée en sa page 31 imposant que « En dehors de l’utilisation proprement dite, les produits/substances chimiques dangereux doivent être enfermés dans un (ou des) local(aux) ou armoire(s) construit(s) et aménagé(s) spécialement à cet effet et satisfaisant aux conditions en matière de protection optimale contre un sinistre. En ce qui concerne en particulier les armoires précitées, celles-ci doivent être du type préfabriqué et munies d’une attestation certifiant les caractéristiques prémentionnées. » Concernant ce dernier point, la société demanderesse reproche plus spécifiquement au ministre de ne pas justifier en quoi les mesures de sécurité par elle mises en œuvre pour garantir, lors d’un sinistre éventuel, la limitation des incidences, tels par exemple des détecteurs de fumée et l’installation de sprinklers, seraient insuffisantes.

Dans son mémoire en réplique la société demanderesse complète son moyen relativement au point 9 renseigné à la page 31 de l’arrêté ministériel litigieux en ce sens qu’elle indique envisager d’étendre l’installation de sprinklers de ses laboratoires dans lequel sont stockés des échantillons de produits afin d’augmenter encore la sécurité des locaux et des personnes et de l’environnement.

Concernant l’exigence de la mise en place d’armoires spéciales, elle signale que le coût engendré par une telle mise en place, en ce qu’il faudrait quelques trente armoires au prix unitaire de 15,- € et ce non compris les travaux de transformation que la mise en place de ces armoires engendrerait alors que ces locaux ne permettent pas dans leur constellation actuelle une telle mise place, serait de loin plus important que les avantages par rapport à la situation actuelle. Elle maintient ainsi ses conclusions relativement au caractère déraisonnable de cette exigence.

Le délégué du Gouvernement précise à cet égard que « cette condition vise à assurer une protection de l’environnement à la base et évite l’enclenchement de mesures postérieures à un incident ».

Dans la mesure où les mesures de sécurité invoquées par la demanderesse tendent, de par leur finalité, à limiter les conséquences d’un éventuel incendie, ainsi que de le maîtriser postérieurement à son enclenchement par l’utilisation notamment de sprinklers, ces mesures sont à considérer comme poursuivant une finalité autre que celle préconisée par le ministre à travers l’autorisation litigieuse, ces mesures ne permettant en effet pas d’éviter la diffusion des produits dangereux.

En effet, en exigeant la mise en place d’armoires spéciales du type de celles imposées par l’autorisation litigieuse, celle-ci tend à éviter à la base la propagation de substances chimiques dangereuses à l’occasion d’un sinistre, que ce soit un incendie ou un sinistre d’une autre nature, poursuivant ainsi un but de protection fondamentalement différent de celui préconisé par la société demanderesse.

Il s’ensuit que le moyen sous examen n’est pas de nature à énerver le bien-fondé de la condition d’exploitation litigieuse.

k) Le dernier moyen de la société demanderesse concerne le point 17 renseigné à la page 35 de l’arrêté ministériel litigieux relatif au rejet de polluants dans l’atmosphère et notamment au rapport mensuel imposé dans ce contexte. Elle renvoie à cet égard à ses développements relatifs aux valeurs limites imposées par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 pour soutenir qu’à défaut d’une quelconque obligation de procéder au calcul mensuel exigé, un rapport afférent ne pourrait pas être exigé de sa part. Elle estime pour le surplus que l’établissement annuel d’un plan de gestion des solvants à soumettre pour contrôle à un organisme agréé serait largement suffisant pour apporter tous les éléments utiles à l’appréciation de l’impact des rejets de solvants.

Il est constant que le point 17 renseigné à la page 35 de l’arrêté ministériel litigieux impose à l’exploitant de « transmettre mensuellement à l’administration de l’Environnement un relevé détaillé des concentrations en carbone organique en amont et en aval des installations de filtration », de sorte qu’il y a lieu, au vu de la conclusion ci-

avant dégagée relativement à la condition d’exploitation libellée sub. 9 à la page 11 de la même autorisation imposant à la société demanderesse de mesurer et d’enregistrer en continu la concentration en carbone organique en amont et en aval des installations de filtration, d’omettre également, par voie de réformation, la condition précitée libellée sub 17 à la page 35 de l’arrêté ministériel litigieux.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le dit partiellement justifié, partant, par voie de réformation dit o que parmi les éléments autorisés sont à énoncer expressément 10 cuves de stockage de 500 litres et 2 cuves de stockage de 1000 litres, soit un total de 7000 litres dans le hall A et un broyeur à billes de 20 litres dans le hall B ;

o que l’arrêté ministériel déféré est contraire à la loi pour autant qu’il impose à la société demanderesse des valeurs limites qui sont plus contraignantes que celles prévues par le règlement grand-ducal du 4 juin 2001 ;

o que les conditions libellées sub 9 à la page 11 et sub 17 à la page 35 de l’arrêté ministériel litigieux sont à omettre ;

déclare le recours non fondé dans la limite des moyens énoncés sub d), g), h), i) et j) ;

pour le surplus réserve la solution au fond ;

quant aux moyens énoncés sub c), e) et f) ci-avant, ordonne à la partie défenderesse de compléter le dossier par les considérations et, le cas échéant, les documents retenus à leur base, au vu desquels elle a pris la décision litigieuse dans ses volets plus amplement énoncés sous les points en question et ce au plus tard pour le 22 avril 2004 ;

réserve les frais ;

refixe l’affaire à l’audience publique du lundi, 26 avril 2004 pour fixation.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 20


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16966
Date de la décision : 31/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-31;16966 ?

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