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29/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17579

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2004, 17579


Tribunal administratif N° 17579 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2004 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17579 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2004 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité libérienne, demeurant actuellement à L-â

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Tribunal administratif N° 17579 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2004 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17579 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2004 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité libérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 28 novembre 2003, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 8 mars 2004.

En date du 10 mars 2003, Monsieur … introduisit auprès des autorités luxembourgeoises compétentes une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Monsieur … fut entendu en outre en date des 26 juin et 18 juillet 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par décision du 28 novembre 2003, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 3 décembre 2003, que sa demande avait été rejetée au motif qu’il ressortirait de son rapport d’audition qu’il n’aurait subi aucune persécution, ni mauvais traitement et que les craintes des rebelles par lui invoquées à l’appui de sa demande traduiraient plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a ajouté que ces rebelles ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’il y aurait lieu de constater par ailleurs que la situation au Libéria se serait considérablement améliorée.

Par lettre du 18 décembre 2003 réceptionnée le 23 décembre suivant par le ministre de la Justice, Monsieur … introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 28 novembre 2003.

Par décision du 4 janvier 2004 le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

A l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 28 novembre 2003. Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation par requête déposée le 13 février 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il est originaire du Libéria et que lors d’une attaque sur son village en mars 2003, les rebelles, après avoir tué ses père et mère, l’auraient également capturé, mais qu’il aurait réussi à prendre la fuite pour se diriger vers le Luxembourg et y déposer une demande d’asile.

Il reproche au ministre de s’être livré à une erreur manifeste d’appréciation des faits et de ne pas avoir tenu compte de sa situation particulière. Il relève en outre concernant le doute sur la crédibilité de son récit dégagé par le ministre à partir du fait qu’il aurait délibérément menti quant à son âge, qu’il n’aurait jamais fait de fausses déclarations à ce sujet et qu’il aurait indiqué l’âge que son père lui aurait toujours confirmé étant entendu qu’il ne disposerait pas de pièces à ce sujet et que dans son pays d’origine il serait d’usage de transmettre les informations afférentes oralement de père en fils.

Concernant ensuite la conclusion du ministre que les craintes de persécution par lui invoquées traduiraient plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, le demandeur fait valoir qu’au vu des atrocités dont il aurait été le témoin il serait tout à fait compréhensible qu’il n’aurait pas pu expliquer tout ce qu’il a subi, alors qu’un récit détaillé lui aurait fait revivre un traumatisme qui à l’heure actuelle n’aurait encore été ni traité, ni dominé. Il estime par ailleurs que la persécution de membres de la famille serait un motif de reconnaissance du statut de réfugié et qu’il éprouverait une crainte réelle de subir le même sort que ses parents.

Le délégué du Gouvernement conclut au bien-fondé de la décision litigieuse au vu des éléments du dossier.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière d’un demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que la situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de ses auditions en date des 26 juin et 18 juillet 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, au-delà des références faites à la situation générale dans son pays d’origine telle qu’elle prévalait à l’époque de son départ, le demandeur se réfère essentiellement au sort – certes dramatique – qu’ont connu ses parents, sans pour autant faire valoir des raisons suffisamment précises tenant à sa situation concrète et individuelle qui seraient de nature à établir au-delà de ses craintes basées sur la situation générale dans son pays d’origine, une crainte légitime de persécutions pour l’un des motifs de persécution énoncée par la Convention de Genève, dans son pays d’origine.

Des faits non personnels mais vécus par d’autres membres de la famille ne sont en effet susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur d’asile établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. A défaut par le demandeur d’asile d’avoir concrètement étayé un lien entre le traitement de membres de sa famille et d’éléments liés à sa propre personne l’exposant à des actes similaires, ces faits ne sont pas de nature à constituer des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution (cf. trib. adm. 21 mars 2001, n° 12965 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 70, p.

194).

Par ailleurs, une persécution émanant non pas de l’Etat, mais, tel le cas en l’espèce, de groupes de la population, ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des 5 causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève, étant entendu que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion (cf. trib. adm. 22 mars 2000, n° 11659 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 44 et autres références y citées, p. 187).

En l’espèce, le demandeur reste en défaut d’établir, voire d’alléguer avoir concrètement recherché cette protection.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17579
Date de la décision : 29/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-29;17579 ?

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