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29/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17210

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2004, 17210


Tribunal administratif N° 17210 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17210 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2003 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actue

llement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre d...

Tribunal administratif N° 17210 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 novembre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17210 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2003 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 11 septembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Barbara NAJDI et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2004.

Monsieur … introduisit en date du 29 juillet 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 26 août 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 2 septembre 2003, lui envoyée par courrier recommandé en date 11 septembre 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif que ses craintes ne sauraient constituer un motif suffisant pour obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Le 1er octobre 2003, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision. Par décision du 28 octobre 2003, envoyée par courrier recommandé le 10 novembre 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 2 septembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable.

Quant au fond Monsieur … fait valoir qu’après avoir vécu de 1998 à juillet 2002 en Angleterre, il serait retourné au Kosovo avec l’espoir d’ouvrir un club de rencontre pour homosexuels et que suite à d’innombrables problèmes tant avec ses parents qu’avec le reste de sa famille et la société en général, dus à son homosexualité, il aurait été contraint de quitter le Kosovo. Il précise qu’il aurait non seulement peur de ses parents et de sa famille mais qu’il se trouverait en plus dans l’impossibilité de travailler en raison du fait qu’il est homosexuel. Il ajoute que dans son pays il n’aurait aucun moyen de subsistance et qu’il n’existerait aucune institution ou organisation vers laquelle il pourrait se tourner pour sortir de son isolement social. Il estime que l’intolérance totale de l’homosexualité serait un phénomène social généralisé au Kosovo, de sorte que cette situation serait constitutive de persécutions rendant impossible sa survie dans son pays.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En l’espèce le demandeur fait état de ses problèmes liés à la révélation de son homosexualité au moment de son retour au Kosovo. Ses problèmes se concentrent essentiellement au niveau de sa propre famille et ont trait en substance à la situation générale des homosexuels. Force est de constater que les membres de sa propre famille ne sauraient être considérés, en l’absence de circonstances particulières, comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Pour le surplus il y a lieu de constater que beaucoup d’homosexuels se voient confrontés à des réactions, telles que relatées par lui lors de son audition, de la part de leurs parents et proche famille ainsi que de manière plus générale au niveau de leur engrenage social, de sorte qu’on ne saurait suivre son raisonnement que le problème de la reconnaissance de l’homosexualité serait un problème lié à sa situation individuelle spécifique limité à la seule province du Kosovo.

Concernant la crainte exprimée par le demandeur d’actes de persécution provenant de la société en général en raison de son homosexualité, il reste en défaut de soumettre au tribunal des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions. Le seul fait qu’il aurait rencontré des difficultés à Pristina pour ouvrir un club de rencontres pour homosexuels ne saurait suffire à cet égard. En plus il résulte de ses déclarations que son père bénéficie d’une situation sociale confortable à Pristina, qu’il a d'ailleurs travaillé pour son père en gagnant 700 € par mois et qu’il a ramené d’Angleterre une épargne s’élevant à 20.000 €.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17210
Date de la décision : 29/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-29;17210 ?

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