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29/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17049

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2004, 17049


Tribunal administratif N° 17049 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 octobre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Gouvernement en conseil en matière de dossier personnel

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17049 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2003 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à...

Tribunal administratif N° 17049 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 octobre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Gouvernement en conseil en matière de dossier personnel

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17049 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2003 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du Gouvernement en conseil du 15 juillet 2003 de maintenir des notes datant respectivement des 8 et 9 octobre et 9 novembre 2000 dans le dossier personnel de Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 février 2004 par Maître Romain ADAM pour compte de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2004 par le délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie ANEN, en remplacement de Maître Romain ADAM et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2004.

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Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, affecté au ministère des Affaires Etrangères, du Commerce Extérieur, de la Coopération et de la Défense, ci-après appelé le « ministère des Affaires étrangères », se vit adresser en date du 17 octobre 2000 copie d’une note à l’attention des ministres Lydie POLFER et Charles GOERENS datée du 6 octobre 2000 et référencée sous le numéro 158. doc., émanant de Monsieur …, … auprès du ministère des Affaires étrangères, portant comme objet « retard inacceptable dans le travail de Monsieur …, … à la direction de la défense », l’auteur de cette note ayant par ailleurs retenu en guise de conclusion « que les retards de Monsieur … sont inacceptables et qu’il porte préjudice au bon fonctionnement du service dans un dossier (celui de la Constitution d’un corps civil luxembourgeois) déclaré comme prioritaire par le Gouvernement. L’attitude de Monsieur … a par ailleurs un effet démoralisateur sur tous les fonctionnaires de quelque carrière que ce soit qui s’efforcent de travailler avec diligence et dans le respect des priorités fixées par leurs supérieurs.

Je vous donne à considérer si en cette occasion ou au prochain manquement il ne convient pas d’entamer une procédure disciplinaire à l’encontre de Monsieur … afin que pareils retards déplorables ne se reproduisent plus ».

En date du 18 octobre 2000, Monsieur … se vit adresser copie d’une deuxième note datée du 9 octobre 2000, référencée sous le numéro 162 doc, émanant du même auteur et portant comme objet « retard dans la transmission des documents vous demandés » libellée comme suit :

« En date du lundi 2 octobre 2000, je vous ai contacté par téléphone pour m’enquérir des retards que vous avez accusés dans la production d’une synthèse avec commentaire du rapport Burgelin ainsi que dans la rédaction d’un projet de réponse à la question parlementaire n° 692 relative au même rapport Burgelin.

Lors de cet entretien téléphonique vous avez invoqué une prétendue surcharge de travail et la rédaction d’autres documents plus prioritaires comme explication de vos retards. Je vous avais donc demandé de me faire tenir pour mercredi 4 octobre 2000 les textes par vous produits dans le courant du mois de septembre 2000.

A ce jour, je suis en attente de cette liste. Je juge ce nouvel retard tout aussi inacceptable que les précédents.

J’ai décidé de verser la présente à votre dossier personnel ».

Monsieur … fit l’objet d’une itérative note datant du 9 novembre 2000 émanant de Monsieur …, … des Affaires Politiques, libellée comme suit et adressée au directeur de la Défense : « Les 4 et 5 octobre dernier, Monsieur … a représenté le Luxembourg lors d’une réunion de la Table III du Pacte de stabilité (Défense et Sécurité) à Sofia.

Malgré notre demande d’être informés des discussions ayant eu lieu lors de cette réunion, nous n’avons à ce jour pas reçu de rapport de sa part.

Je vous saurai de ce fait gré de bien vouloir rappeler à votre collaborateur de me faire tenir, dans les meilleurs délais, un compte rendu de la réunion, conformément aux usages qui sont de rigueur du département ».

Cette note a fait l’objet d’un commentaire manuscrit de son destinataire, Monsieur …, … auprès du ministère des Affaires étrangères, rédigé dans les termes suivants : « Retard inadmissible. Copie à verser au dossier personnel de Monsieur … ».

En date du 10 novembre 2000, Monsieur … s’est vu adresser copie d’une note datée du 9 novembre 2000 référencée sous le numéro 182. doc., émanant de Monsieur …, … auprès du ministère des Affaires étrangères, portant comme objet « résumé et analyse du rapport Burgelin » et libellée comme suit : « Lors de la réunion entre Ministres et Directeurs du mercredi 8 novembre 2000, la question des futures discussions sur le rapport Burgelin a été abordée entre autres par M. le Ministre GOERENS. J’ai dû constater qu’en dépit de mes rappels précédents, vous n’avez toujours pas produit la note que vous aviez été appelée à rédiger.

Le retard dans votre travail – en dépit de mes rappels – est inadmissible. Je vous enjoint donc de produire ladite note pour le 15 novembre au plus tard.

J’ai décidé de verser la présente à votre dossier personnel ».

Suivant des courriers de son mandataire datant respectivement du 27 octobre, 15 novembre et 24 novembre 2000, Monsieur … a fait introduire une réclamation contre les 4 notes prévisées, ainsi que contre leur incorporation dans son dossier personnel, ladite réclamation ayant été adressée aux Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire et de la Défense, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé « le statut général ».

Ces réclamations étant restées sans suite, Monsieur … avait fait introduire trois recours contentieux tendant chacun à l’annulation d’une décision implicite du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative se dégageant du silence par lui observé par rapport à ces réclamations.

Par jugements datant du 20 mars 2002 toisant lesdits recours inscrits sous les numéros respectifs du rôle 13341, 13442 et 13479, le tribunal administratif a déclaré lesdits recours irrecevables au motif qu’au jour de leur introduction, le demandeur n’avait pas encore épuisé les réclamations par lui introduites sur base de l’article 33 du statut général.

Monsieur … ayant alors fait introduire, suivant lettre recommandée datant du 10 janvier 2003, un recours sur base de l’article 33, 5 du statut général devant le Gouvernement en conseil, celui-ci a décidé en date du 13 juin 2003 « de maintenir les notes des 8 et 9 octobre 2000 et les deux notes du 9 novembre 2000 dans le dossier personnel de Monsieur … tout en versant ses prises de position du 27 octobre 2000, du 15 et 24 novembre 2000 ainsi que celle du 10 juin 2003 à son dossier de sorte que les droits de défense de l’intéressé soient assurés ».

Cette décision ayant été communiquée au mandataire de Monsieur … par courrier du ministre de la Défense datant du 15 juillet 2003, Monsieur …, par requête déposée en date du 15 octobre 2003, a fait introduire un recours contentieux tendant à son annulation.

A l’appui de son recours le demandeur conclut en premier lieu à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relavant de l’Etat et des communes en faisant valoir que s’agissant de décisions prises en dehors de son initiative, l’autorité administrative aurait été tenue de l’informer de son intention en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir dans le sens de l’incorporation des notes litigieuses dans son dossier personnel, étant entendu que d’après la disposition réglementaire invoquée cette communication aurait dû être faite par lettre recommandée et un délai d’au moins huit jours aurait dû lui être accordé pour présenter ses observations.

Dans la mesure où il n’aurait cependant été informé de l’existence des notes litigieuses qu’au moment où elles étaient déjà incorporées dans son dossier personnel, le demandeur s’estime lésé dans son droit le plus élémentaire de présenter ses observations préalablement à toute décision.

Le délégué du Gouvernement conclut principalement à la non-applicabilité en l’espèce dudit article 9 en faisant valoir que celui-ci viserait une situation tout à fait différente de celle qui existe dans la présente affaire pour avoir trait à l’hypothèse où l’autorité administrative prend une décision de révocation d’un droit antérieurement accordé, tandis qu’en l’espèce les auteurs des notes litigieuses n’auraient ni révoqué une décision antérieurement prise, ni modifié pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits.

Dans son mémoire en duplique le délégué du Gouvernement conclut en outre à la non-

applicabilité en l’espèce dudit article 9 en faisant valoir que les dispositions de l’article 34 du statut général seraient à considérer comme des dispositions particulières, spéciales à la matière sous examen et présentant une protection au moins égale à celle préconisée par l’application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, de sorte à évincer l’application de ce dernier.

Il est constant que le litige sous examen a trait, à sa base, à l’incorporation de différentes appréciations écrites concernant Monsieur … à son dossier personnel.

Afin de déterminer la nature juridique de ces actes d’incorporation laquelle conditionne directement la compétence du tribunal pour connaître du recours sous examen, il y a lieu de se référer aux dispositions de l’article 34 du statut général des fonctionnaires de l’Etat qui dispose comme suit au sujet du dossier personnel :

« 1. Le dossier personnel du fonctionnaire doit contenir toutes les pièces concernant sa situation administrative. Ne pourra figurer au dossier aucune mention faisant état des opinions politiques, philosophiques ou religieuses de l’intéressé.

Un règlement grand-ducal pourra déterminer les pièces concernant la situation administrative du fonctionnaire et visées par le présent article.

2. Toute appréciation écrite concernant le fonctionnaire doit lui être communiquée en copie avant l’incorporation au dossier. La prise de position éventuelle de l’intéressé est jointe au dossier.

3. Tout fonctionnaire a, même après la cessation de ses fonctions, le droit de prendre connaissance de toutes les pièces qui constituent son dossier.

4. Le dossier ne peut être communiqué à des personnes étrangères à l’administration publique, sauf à la demande du fonctionnaire. (…) » Il se dégage du libellé de l’article 34 prérelaté, que le dossier personnel du fonctionnaire est destiné à rassembler à la fois toutes les pièces concernant sa situation administrative et, le cas échéant, toute appréciation écrite le concernant, ensemble ses prises de position éventuelles y relatives.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit notamment constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, c’est-

à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinés à produire, par eux-mêmes, des effets juridiques, des actes purement factuels ou préparatoires d’une décision.

Force est de constater que l’acte d’incorporation au dossier d’une appréciation écrite concernant un fonctionnaire ne comporte pas d’élément décisionnel affectant directement les droits de la personne concernée, étant donné qu’une appréciation écrite, si elle est certes susceptible d’être invoquée par la suite à l’appui d’une décision administrative, n’est pas pour autant de nature à faire grief déjà au stade préalable de son incorporation au dossier, ceci d’autant plus si le fonctionnaire concerné, tel le cas en l’espèce, a pu utilement user de son droit de voir joindre au dossier sa propre prise de position écrite.

Si des actes administratifs du type de ceux litigieux peuvent dès lors certes être considérés comme étant de nature à blesser le cas échéant le fonctionnaire concerné dans sa dignité au sens de l’article 33 du statut général et faire l’objet d’une réclamation dans le cadre y prétracé, ils ne sauraient pas pour autant être considérés comme des décisions administratives susceptibles de recours contentieux pour ne constituer que de simples mesures de rassemblage d’éléments d’information en vue de la prise éventuelle d’une décision ultérieure, sous le respect par ailleurs du principe du contradictoire en cette phase préparatoire en ce sens qu’une prise de position éventuelle de l’intéressé est jointe au dossier.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’en l’absence de décision litigieuse prise sur leur base, le recours sous examen est irrecevable en ce qu’il est dirigé uniquement contre les actes litigieux en tant que tels.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s.

Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17049
Date de la décision : 29/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-29;17049 ?

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